La Syrie, ou la volonté des impérialistes de mettre fin au soulèvement populaire

Nous assistons actuellement à une nouvelle tentative de mettre fin à l’insurrection populaire en Syrie. La progression des forces armées du régime d’Assad, assistées par le Hezbollah et des milices fondamentalistes chiites dirigées par l’Iran ainsi que par les frappes aériennes russes, se produit avec la complicité des puissances impérialistes occidentales, en dépit de quelques condamnations rhétoriques. En même temps, l’opposition syrienne est poussée dans les négociations diplomatiques par ces mêmes forces internationales pour se soumettre aux conditions du régime criminel d’Assad.

Les offensives militaires du régime et ses alliés

Ces dernières semaines, les forces armées du régime d’Assad ont fait des avancées sans précédent dans la campagne du nord d’Alep et ont encerclé les zones libérées de la ville. Plus de 50 000 civil·e·s ont fui et ont cherché refuge au poste frontalier de Bab al-Salama, qui reste fermé par les autorités turques à l’heure où nous écrivons.

Dans les zones libérées d’Alep, qui comptent encore environ 350 000 personnes, le conseil populaire local a mis en place un centre de crise pour fournir les besoins essentiels de nourriture et de carburant à des prix abordables. Des manifestations populaires massives ont également eu lieu dans les quartiers libres d’Alep demandant aux factions armées de l’opposition de la province de s’unir autour d’une bannière commune de l’«Armée d’Alep» et pour une Syrie libre.

Au même moment, au cours des derniers jours, plus de 80 000 habitant·e·s de la ville de Deraa fuyaient face à l’avancée militaire des forces du régime au sol et des bombardements aériens combinés de l’aviation russe et du régime. Dans les zones contrôlées par l’opposition dans la périphérie de la ville de Homs, l’aviation du régime a largué des tracts, menaçant de l’utilisation de nouvelles armes et affirmant que les résident·e·s ne seraient pas à l’abri des dommages à l’intérieur de leurs abris.

Depuis le début du soulèvement populaire en Syrie en mars 2011, plus de 450 000 personnes sont mortes, en très grande majorité par la faute du régime d’Assad et de ses alliés, presque 2 millions ont été blessées et plus de la moitié de la population est réfugiée ou déplacée à l’intérieur du pays.

 

 

Genève III, Munich, etc … pousser les Syrien·ne·s à se mettre à genoux

La Conférence de Genève III fut un nouvel échec, comme les précédentes d’ailleurs. L’avancée des forces pro-Assad a poussé le Haut Comité des Négociations de l’opposition syrienne à se retirer des négociations. L’envoyé spécial de l’ONU, M. de Mistura a fixé une nouvelle date au 25 février afin de réunir le régime syrien et l’opposition pour de nouveaux pourparlers à Genève.

Entre temps, les différentes puissances impérialistes internationales se sont réunies au sein du Groupe international de Soutien à la Syrie à Munich, pour tenter de relancer «les efforts de paix». Les puissances internationales ont convenu de la mise en place d’un cessez-le-feu en Syrie qui doit débuter la semaine prochaine et de fournir un accès humanitaire rapide aux villes syriennes assiégées. Ces déclarations risquent malheureusement de rester lettre morte, car le ministre russe des Affaires étrangères Segueï Lavrov a déclaré que la Russie n’arrêterait pas les frappes aériennes en Syrie, affirmant que la cessation des hostilités ne s’applique pas à Daech et Jabhat al Nusra. Les officiels du régime d’Assad ont de leur côté clairement fait savoir qu’ils ne sont pas prêts à mettre un terme aux actions militaires.

Plus que jamais, nous pouvons voir qu’aucune volonté de changement de régime n’est à l’ordre du jour, et ne l’a jamais été, de la part des différentes puissances impérialistes. Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry a d’ailleurs déclaré à la mi-décembre depuis Moscou que les Etats-Unis et leurs partenaires ne cherchaient pas de changement de régime en Syrie. Kerry a également accusé l’opposition syrienne d’avoir quitté les pourparlers de la conférence de Genève III et dès lors d’avoir ouvert la voie à une offensive conjointe du régime syrien et de la Russie sur Alep.

L’Etat russe a fait des déclarations similaires dans le cadre de sa soi-disant «guerre contre le terrorisme» dans sa campagne de bombardements massifs en Syrie débutée le 30 septembre 2015, pour justifier son intervention militaire dans le pays du côté du régime d’Assad. Selon un rapport d’Amnesty International daté du 20 janvier 2016, les bombardements russes depuis leur commencement ont causé la mort de plus de 1000 civils, dont plus de 200 enfants.

 

 

Paix, justice sociale et liberté

Nous ne devons pas imaginer les rivalités impérialistes à l’échelle mondiale entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ou régionales entre différents impérialismes régionaux, comme étant impossibles à surmonter. Tous ces régimes sont des pouvoirs bourgeois ennemis des révolutions populaires, uniquement intéressés par un contexte politique stable qui leur permette d’accumuler et de développer leur capital politique et économique au mépris des classes populaires.

Face à la machine de guerre du régime d’Assad et de ses alliés ainsi que des plans impérialistes voulant mettre un terme à la révolution syrienne, nous devons soutenir aujourd’hui les demandes cruciales du peuple syrien, qui sont la paix, la fin de la guerre et des bombardements, la fin des blocus, la libération des prisonniers politiques et le retour des réfugié·e·s et des populations déplacées internes. En même temps, il faut maintenir les objectifs initiaux de la révolution: la liberté, la justice sociale, l’égalité et le refus du confessionnalisme et du racisme.

Joseph Daher