#MeToo ou l'ampleur du problème

Depuis quelques jours, les médias sociaux ne sont plus qu’une succession de «me too», «moi aussi», «ana kaman». Ce hashtag, utilisé par des millions de femmes à travers le monde est censé faire comprendre à la société, comprenez aux hommes, l’ampleur du problème du harcèlement sexuel. Oui mais voilà.

Slutwalk 2016, Genève – Maurits Diephuis

La tâche de faire comprendre aux hommes que les femmes ne sont pas des objets sexuels à vocation unique de plaire au regard masculin ne devrait pas échoir aux femmes. Il ne devrait pas nous appartenir de repenser à toutes les fois où notre intimité a été envahie, nos corps violés, remis en question et discutés comme si notre consentement n’avait aucune espèce d’importance, simplement pour faire comprendre aux hommes «l’ampleur du problème».

Les survivantes ne vous doivent rien

Nous ne vous devons pas nos histoires. Nous n’avons pas à nous mettre à nu pour que vous compreniez ce que nous vivons, surtout quand vous savez pertinemment ce que nous vivons. Vous connaissez nos histoires, vous les avez écrites patiemment au fil du temps, à coup de mains aux fesses, de blagues grasses qui ne nous font pas rire, de claques et d’insultes quand nous ne sommes pas intéressées, d’exploitation du corps et de l’esprit des femmes.

Toi aussi camarade, pas besoin de te cacher derrière Rosa Luxembourg. On te voit, toi et tes haussements d’épaules à chaque fois que tes camarades féministes tentent d’intégrer une perspective de genre dans les discussions. On te voit, toi et ta monopolisation de la conversation. Toi et ton attitude sexiste font également partie du problème et citer Clara Zetkine en continu n’y changera rien.

C’est ton corps qui devient un champ de bataille

L’ampleur du problème est d’y repenser à deux fois avant de choisir ce que tu vas porter pour ne pas être accusée de l’avoir bien cherché si quelque chose t’arrive. C’est être accusée de l’avoir bien cherché même si ta tenue consistait en vingt-deux couches superposées, un sac en jute sur la tête et une pancarte autour du cou avec écrit en gros «s’il vous plaît ne me harcelez pas, ne m’agressez pas, ne me violez pas, j’essaie juste de me rendre au travail».

C’est être catégorisée comme une bête de sexe ou complètement soumise selon comme la société t’a racisée. C’est être traitée de sombre créature frigide et d’allumeuse à chaque fois que tu repousses des avances dont tu ne veux pas. C’est être sexualisée en tant qu’enfant, c’est ne pas avoir accès à une éducation compréhensive et positive sur la sexualité tout en subissant des injonctions à la virginité ou au sexe à tout prix.

C’est l’ordre crié par le capitalisme d’être belle, enfin, selon une certaine idée de la beauté, pas parce que tu le vaux bien. Toi on s’en fout. Mais pour te donner un idéal inatteignable de beauté blanche et lisse qui plaît aux hommes et dans la quête duquel tu perdras ton argent et ta confiance en toi. C’est demander à tes amies si elles sont bien rentrées chez elles. C’est être exploitée et vendue simplement parce que tu es une femme et que tu es pauvre. C’est de ne pas avoir le droit à une sexualité que tu as choisie ou que l’on te viole parce que tu vis avec un handicap.

C’est ton corps qui devient un champ de bataille. C’est ne jamais être écoutée. C’est être blâmée en permanence. C’est ne jamais avoir accès à la justice. Une vraie justice, pas des questionnements et interrogatoires invasifs et sans fin qui te font regretter d’avoir porté plainte. C’est ne jamais vraiment être reconnue en tant que personne humaine à moins que les hommes à qui tu parles aient des sœurs et des mères et des filles. C’est le silence inconfortable des hommes sur leur rôle dans la perpétuation de la culture du viol.

Nous serons inclusives ou nous ne serons rien!

Mais nous continuerons à nous battre. Nous continuerons nos grèves, nous continuerons à nous réapproprier les espaces publics, nous continuerons à remettre nos préoccupations au cœur des débats et politiques de société, parce que nous croyons en ce postulat radical qui veut que les femmes sont des êtres humains. Et nous serons inclusives ou nous ne serons rien.

Les luttes contre le racisme, le sexisme, le classisme, l’islamophobie, la transphobie, le validisme et l’homophobie seront au cœur de nos actions et demandes. Nos luttes seront liées car tous ces systèmes se combinent et se renforcent pour marginaliser des groupes entiers d’entre nous: nos identités sont indissociables et aucune de nous ne peut être libre quand certaines sont opprimées.

A toutes les survivantes: votre courage et votre grâce sont infinies. Vous comptez. Et le plus important: ce n’est pas de votre faute. Ça ne l’a jamais été, et ne le sera jamais.

Paola Salwan Daher


En pleine affaire Weinstein, alors que des milliers de femmes ont partagé partout dans le monde le hashtag #MeToo dénonçant les violences sexistes qu’elles subissent au quotidien, Thomas Matter, le banquier zurichois, multimillionnaire et conseiller national UDC, a attaqué Tamara Funiciello, présidente des jeunesses socialistes, avec une vidéo sexiste. Digne représentant de cette droite décomplexée, c’est un habitué des agissements inadmissibles. Il avait déjà tenu des propos racistes à son encontre en se référant à ses origines italiennes.

Ces attaques visent bien entendu celle qui à travers ses actions politiques a contribué à bousculer le bloc bourgeois. Elles visent donc sans aucun doute la présidente des JUSO, la militante féministe radicale, celle qui a participé à faire exister une opposition de gauche à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes en s’opposant à PV 2020… et elles visent une femme.

Aujourd’hui comme demain, il nous faut continuer à dénoncer sans relâche le sexisme, le racisme et leurs violences. SéS