Blocher au Conseil fédéral? Il est urgent de parler
Blocher au Conseil fédéral? Il est urgent de parler
Avant ces élections, nous avons impulsé lAppel «A gauche toute!» visant à former un groupe fortement ancré à gauche au National. Cet objectif na pas été atteint, même si, à solidaritéS, nous sommes heureux davoir emporté un siège à Genève, et que nous nous félicitons du bon score de nos camarades vaudois. A relever aussi que des listes «A gauche toute!» ont obtenu des résultats significatifs en Argovie, à Zurich et à Schaffhouse. A Zoug notre ami Jo Lang de lAlternative socialiste verte a été élu! Vous trouverez dans nos pages un premier bilan des élections, du point de vue de nos listes et de celles de nos camarades. Sur ce plan, il importe de réaffirmer aujourdhui que laxe, visant à faire émerger un pôle national de résistance sans concessions au néolibéralisme, nétait pas un feu de paille électoraliste, mais que nous continuerons avec persévérance à travailler dans ce sens
Mais lUDC a gagné 4,1% des voix et progressé de 11 sièges au Conseil national, au détriment du reste de la droite quelle vise à hégémoniser, devenant ainsi la première force politique du pays, devant le PS, et exigeant deux sièges au Conseil fédéral. Lun pour son chef, le milliardaire Christophe Blocher, félicité par Le Pen pour sa performance… La progression UDC en Suisse romande, avec 6 sièges de plus, est spectaculaire, précisément là où le «oui à lEurope» avait tenu lieu un temps de programme anti-blochérien, des socialistes aux libéraux.
Cest une victoire de la peur, nourrie par la précarisation de lemploi, la flexibilisation du travail, les attaques brutales à la prévoyance sociale, la libéralisation-privatisation des services publics, la crise du logement, le crash de Swissair… Faute de stratégie sérieuse de résistance des organisations de salarié-e-s au plan national, limpuissance cède à langoisse, perméable au discours xénophobe et sécuritaire, qui alimente en retour division et passivité.
Cest sur le terrain non pas de la seule dénonciation de la xénophobie des blochériens, mais de la mise en lumière de leur programme anti-social et sexiste, hostile aux femmes, aux salarié-e-s, aux locataires, aux bénéficiaires des rentes AVS/AI, etc. que nous avons, à solidaritéS, entrepris, à la mesure de nos moyens, de relever le défi UDC. A Genève par exemple, nos militant-e-s ont distribué, avant lélection, des dizaines de milliers de tracts dans ce sens.
LUDC a porté plainte pénale contre nous à ce sujet, refusant que nous leur retournions en miroir les termes utilisés dans leurs pages xénophobes publiées dans tous les quotidiens du pays. Cette plainte, nous en sommes fiers, comme aussi davoir pris position dès le début contre un deuxième siège UDC, au Conseil fédéral. En septembre, la Tribune posait la question à Madame Brunner, présidente du PSS, comme au soussigné, pour savoir si nous étions «Pour ou contre un deuxième siège UDC?» Notre réponse avait été: «Contre. LUDC est un parti xénophobe, un parti qui favorise les plus riches. Nous sommes contre aussi que siègent au gouvernement des «socialistes» qui mènent une politique néolibérale.» La présidente socialiste quant à elle avait répondu: «Je suis prête à en discuter après les élections »
Aujourdhui en effet, on en «discute». On ne discute même plus guère que de ça. Les différentes combinaisons ministérielles issues de la cuisine qui va se mitonner sous la coupole, obnubilent. Du côté socialiste, on observe des phénomènes intéressants. Le tessinois Franco Cavalli par exemple prône la sortie du gouvernement si Blocher y entre en admettant dans Le Temps, «quavec nos conseillers fédéraux, nous naboutirons à rien: Leuenberger nest quun demi socialiste .». Lancien président du PSS Bodenmann, dans Le Matin, prône pour son parti «la confrontation et non la compromission avec lUDC» en affirmant que sil choisit la mauvaise option il seffritera au profit des autres formations de gauche. Pierre-Yves Maillard, socialiste vaudois, critique de longue date de la participation du PS au Conseil fédéral, ne sait pas à quel saint se vouer. Il déclare au Courrier que, dun côté, une sortie du PSS du gouvernement le placerait «enfin clairement dans lopposition», mais que, de lautre, sortir du gouvernement serait, face à Blocher, «porter la lourde responsabilité de lui laisser la voie libre sans combattre.» Comprenne qui pourra
Pour nous, il est urgent après ces élections de parler dautre chose. Par exemple, de lever le nez et de tirer les enseignements de la grande grève qui a vu, lautre jour, 10 millions dItalien-ne-s arrêter le travail, à lappel de toutes les confédérations syndicales du pays pour sopposer à lattaque du gouvernement Berlusconi contre les retraites.
Contre Blocher, comme contre Berlusconi, il ny a en effet pas dissue autre que la construction dun rapport de force social réel, qui passe par la capacité des salarié-e-s dagir eux-mêmes pour défendre leurs droits et leurs acquis Ce chemin là est ardu, mais possible et nécessaire
Pierre VANEK