Nunca mais! La lutte du Prestige continue

Nunca mais! La lutte du Prestige continue

Dès le 22 novembre dernier, le Prestige, chargé de 77000 tonnes de fuel, tombait sous le contrôle des autorités espagnoles. Il se trouvait alors à 130 miles de Finistère galicien et menaçait de sombrer d’un moment à l’autre. Au lieu de le remorquer immédiatement vers un port sûr, celles-ci lui ont fait prendre la route du large, malgré un violent orage, contribuant à répandre les déchets et à aggraver les avaries, provoquant le naufrage de l’épave, six jours plus tard, par 3600 mètres de fonds. Un an après, ce 16 novembre, une manifestation internationale est convoquée à Santiago.


Selon les derniers rapports officiels, 14000 tonnes de fuel attendent encore d’être extraits du Prestige et une partie du carburant continue à dériver vers la côte sur un front de plus de 1000 km,, mettant en péril une grande variété de paysages et d’écosystèmes fragiles.


Chaque tonne de fuel rejeté par le Prestige contient 350 grammes d’un composé cancérigène, formé de métaux lourds combinés à des molécules d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH), faiblement biodégradable.


Les cétacés et les oiseaux marins ont été les premières victimes de ces déchets, qui ont aussi provoqué le décès de Man, un Allemand de Camelhe. Trois cent à six cent mille oiseaux marins sont probablement déjà morts. Cela donne une idée des effets de cette catastrophe sur la faune marine (poissons, crustacés et mollusques). Or, plus de la moitié de la population de la Galice dépend des industries de la mer, soit près d’un million et demi de personnes.

La société se mobilise

Le gouvernement du pays le plus touché au monde par des accidents maritimes ne disposait pas des moyens préventifs pour éviter une catastrophe prévisible. Le manque de dispositifs antipollution a obligé les marins-pêcheurs à combattre la marée noire avec leurs propres bateaux, en inventant des moyens de fortune pour collecter le fuel. Le manque de coordination entre les administrations centrale et régionale a dû être supplée par l’organisation des gens de la mer, qui ont structuré la mobilisation spontanée de milliers de volontaires pour le nettoyage du littoral. Pourtant, tandis que la population luttait contre les vagues de pollution successives, les autorités niaient obstinément l’ ampleur de la catastrophe.


Cette situation a provoqué une réponse unanime de la société galicienne qui a convergé dans la plus grande manifestation de son histoire, le 1er décembre dernier. C’est à cette l’occasion, que le Manifeste Nunca Máis (Jamais Plus) a été divulgué, à Saint-Jacques de Compostelle. Cette manifestation était convoquée par une plate-forme de citoyens, à laquelle ont adhéré des milliers de personnes et des centaines d’associations et groupements espagnols et étrangers. Ce collectif exigeait la mise en marche de mécanismes de prévention pour empêcher que ce genre de catastrophes ne se reproduise, ainsi que la dotation des ressources nécessaires pour faire face aux graves conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires de ce désastre.

Silence au sommet

Le dépôt d’une plainte pénale contre les responsables vise des hauts fonctionnaires de l’administration, liés au Parti Populaire (droite). Pourtant, ce parti a intensifié la criminalisation des mobilisations citoyennes, cédant de plus en plus à la répression. Il a aussi imposé le silence à des médias aux ordres. Cette attitude irresponsable et antidémocratique a été dénoncée par le «Manifesto da Dignidade», popularisé devant des centaines de milliers de personnes, à Madrid, le 23 février dernier.


Le Parti Populaire a bloqué les initiatives soumises aux parlements galicien et national afin de faire des recherches sur les effets de cette pollution, sur les moyens de les combattre et d’éviter la répétition de ce genre de désastres. Cependant, une manifestation internationale s’est tenue à Bruxelles, le 14 juin dernier, pour appuyer la demande de création d’une commission de recherche du Parlement Européen, qui a été finalement acceptée.


En Suisse, en janvier dernier. nous avons soutenu activement la mobilisation devant le siège de la Crown AG, qui a affrété Le Prestige, à l’initiative de nos camarades de l’Alternative Socialiste Verte de Zoug. A Genève, nous avons dénoncé l’implication de la Banque cantonale. Il nous faut poursuivre ce combat pour forcer les autorités helvétiques à prendre leurs responsabilités: les sociétés privées devraient être contrôlées, afin de les empêcher de prendre part à des entreprises socialement et écologiquement dangereuses; elles devraient être légalement contraintes à fournir toute information sollicitée par les collectivités publiques concernées, suisses ou étrangères.


Une année après, 10% du transit maritime international et 70% du trafic de pétrole de l’UE continuent à défiler devant les côtes galiciennes. Les pétroliers monocoques et les drapeaux de complaisance naviguent toujours dans l’impunité la plus totale. Les politiciens responsables du désastre sont toujours en place. La Galice n’a toujours pas de Plan d’Urgence, de dispositif de surveillance ou de sauvetage… Une année après, la catastrophe du Prestige pourrait se répéter dans les mêmes conditions. C’est pourquoi, une année après, en Galice l’humanité continue à clamer: JAMAIS PLUS! n


Raimundo VIEJO VIÑAS
Jean BATOU


* Sur la tragédie du Prestige, voir solidaritéS nos 20, 22 et 23.