Comme en 1968

Pour la première fois depuis 1968, les organisations populaires renoncent à la manif du 1er Mai. Si la décision va de soi cette année, elle fut plutôt surprenante en mai 1968.

1er Mai 1986, Fribourg
Après le boycott, le renouveau de 1986

Depuis 1890, les organisations ouvrières défilent en ville de Fribourg le 1er Mai. En 1968 pourtant, seule une messe célébrée à l’Église Notre-Dame en l’honneur de St-Joseph, « patron des travailleurs », marque la journée. Que s’est-il passé ?

Sentir la modernité

Le comité du Cartel syndical, qui organise le 1er Mai avec le PS, se lance dans de grandes réflexions. Il estime que la manif n’est pas moderne du tout et qu’il s’agit de rechercher de nouvelles formes d’expression. De plus, la banderole revendicative n’intéresse plus personne et fait partie des vieilleries de la lutte des classes. Sûr de vivre avec son temps, le cartel renonce à organiser la manif du 1er Mai 1968. Les mobilisations populaires des jours suivants vont l’aider à réviser sa position.

Diviser pour unir

La manif redevient rapidement le point fort du 1er Mai. Avec un changement notable : un tronçon « lutte de classe » anime désormais la queue du cortège. En prenant de l’importance au point qu’il revendique de participer à l’organisation de la journée. Refus sec de l’Union syndicale qui veut garder la main avec le PS. En 1985, le Parti socialiste ouvrier (PSO), les Colonies libres italiennes (CLI), les femmes socialistes et les syndicats chrétiens appellent au boycott du 1er Mai. Le cortège est maigre cette année-là, malgré la présence de l’extrême-gauche turque autour de Partizan.

Le renouveau

Mais le boycott porte ses fruits et l’Association pour un 1er Mai unitaire organise les manifs dès 1986. Le PSO, les CLI, SOS racisme, Coordination droit d’asile, Association des travailleurs du Kurdistan, Comité Nicaragua-Salvador, Association des étudiants et travailleurs turcs, Parti chrétien-social et syndicats chrétiens rejoignent l’Union syndicale et le PS. Une chaleureuse fête de solidarité internationale remplit la grande salle de la Maison du peuple le 30 avril. Et la voix forte de Jean Ziegler rappelle, dans la manif du lendemain, que « la lutte de classe n’est pas séparable de la lutte anti-impérialiste ». Peut-être que la pause de 2020 permettra une manif vigoureuse en 2021.

Pierre-André Charrière