Enrique Crema

Internationaliste et anticapitaliste, Enrique Juan Crema, que nous appelions Enrique, nous a quittés à l’âge de 68 ans. Même s’il ne militait plus à solidaritéS depuis quelques années, sa participation à de nombreuses luttes politiques durant plusieurs décennies se doit d’être saluée.

Enrique Crema

Natif de la province de Santa Fe (nord-est de l’Argentine), Enrique avait aussi, par sa famille, un pied en Italie. Exilé à cause de la dictature militaire argentine, il commença des études de droit à Lausanne où il anima une revue de discussion : Débat. Il s’engagea ensuite dans le soutien à la résistance au franquisme espagnol finissant et aux luttes ouvrières en Europe. L’ancien exilé n’oublia jamais sa double culture, luttant contre la xénophobie et pour l’accueil des réfugié·e·s. Membre de la Ligue marxiste révolutionnaire, puis du Parti socialiste ouvrier, la crise de ce dernier l’amena à rejoindre le Parti ouvrier populaire, dont il fut membre du Comité central. Son engagement finissant par manquer de perspectives, il démissionna de ce parti pour rejoindre quelque temps plus tard solidaritéS.

Derrière un parcours qui peut paraître sinueux, les constantes d’un engagement internationaliste et anticapitaliste sont néanmoins présentes. Il avait gardé de sa jeunesse un trait de caractère, cliché attribué aux Argentin·e·s, et qui leur fait dire non pas « je ne suis pas d’accord », mais « vous vous trompez totalement » et qui ressortait parfois dans les débats. Une rugosité passagère qui cachait mal une générosité de tous les instants.

La dernière fois que nous avons collaboré, c’était lors de la venue de militant·e·s argentins qui témoignaient de leur action contre l’exploitation du gaz de schiste dans leur pays. Enrique avait alors bien volontiers assuré la traduction de leur propos lors de cette conférence publique du Collectif Halte aux forages.

Ces dernières années, il publiait régulièrement sur le web sa « Lettre libre », où, en sus de la politique, il parlait aussi régulièrement de films. Un aspect de sa personnalité souvent ignoré par les autres militant·e·s, comme sa pratique de l’accordéon. Non pas la renifle de nos campagnes, mais celui qui accompagna Carlos Gardel.

Salut, Enrique, mais qu’elle est triste, la dernière milonga que tu viens de nous jouer !

Daniel Süri