Reprise de l’école

Pari gagnant ?

La reprise de l’école a été décidée aussi soudainement que sa fermeture. Après quelques semaines de cours et avant les vacances d’été, point sur une situation forcément chamboulée.

Collège Léon-Michaud, Yverdon
Le collège Léon-Michaud à Yverdon-les-Bains a fermé ses portes quatre jours avant les vacances, parce que deux cas de Covid-19 ont été détectés parmi les collaborateurs·trices.

La plupart des syndicats d’enseignant·e·s étaient favorables à une réouverture des écoles si les mesures de protection sanitaire pouvaient être respectées. Cette position était largement partagée par le corps enseignant, tant l’école à distance avait démontré les lacunes d’un tel mode pédagogique : décrochage de certain·e·s élèves, inégalités dans l’accès aux outils informatiques, inégalités dans le cadre de travail à domicile, etc.  

Plus que d’enseignement, il faudrait davantage parler de support de travail à distance. Les instituteurs·trices, avec cette école par écrans interposés, ne pouvaient guère faire mieux que de proposer des activités. Il était beaucoup plus difficile de permettre d’acquérir des compétences, d’aider à comprendre et à se former.

Une grande prise de risque

D’un point de vue sanitaire, un précédent article (solidaritéS nº 367) parlait d’un « pari extrêmement risqué ». L’image est la bonne et l’État s’est révélé joueur, assouplissant les mesures de protection après deux semaines seulement ; donc avant même de pouvoir mesurer l’impact de la réouverture des écoles sur la diffusion du virus, sur la santé des enfants et du corps enseignant. Les salles n’ont plus été désinfectées qu’une fois par jour (au lieu des deux fois par jour initialement), toutes les classes ont été réunies pendant les récréations et les classes étaient à nouveau au complet (après deux ou trois semaines en fonction de l’âge). 

Pari gagné donc, mais un pari risqué qui, avec l’assouplissement des mesures, rend de plus problématique l’acquisition par les élèves des règles de distanciation sociale.

D’un point de vue pédagogique, les premières semaines en présentiel ont permis de mesurer l’écart entre les élèves. Certain·e·s ont difficilement vécu l’isolement social, tandis que d’autres ont décroché scolairement. Une fin d’année sans notes aura au moins permis de renouer avec les élèves et de mettre en valeur des modes d’enseignement focalisés non pas sur l’évaluation, mais sur la matière enseignée elle-même. 

Il est encore trop tôt pour envisager l’impact de cette année tronquée de plusieurs semaines d’enseignement habituel. Néanmoins, l’expérience du confinement a démontré à la fois la limite de l’école à distance et l’importance du travail du corps enseignant dans l’acquisition des compétences et des savoirs. Il faudra s’en rappeler quand l’État invoquera, pour justifier un éventuel tournant numérique, le fait que cela ait été possible pendant deux mois. Possible oui, mais dans quelles conditions, grâce à qui et surtout à quel prix ? 

David Quoro