La «blocherisation» du Conseil d’état vaudois

La «blocherisation» du Conseil d’état vaudois

Depuis le début des années 80 les autorités fédérales cherchent à limiter, en matière de politique d’immigration et d’asile, les compétences et marges de manoeuvre des autorités cantonales pour en faire de stricts organes d’exécution. Pour l‘Office fédéral de l’immigration, de l’émigration et de l’intégration (IMES) et l’Office fédéral des réfugiés (ODR), sous la houlette des conseillers fédéraux qui se sont succédés au Département fédéral de justice et police (DFJP), il s’agit avant tout de faire rentrer dans le rang les cantons qui avaient l’impudence de remette en cause une politique fédérale toujours plus répressive et discriminatoire en matière d’immigration et aboutissant à un démantèlement complet du droit d’asile.

Le canton de Vaud, un «mouton noir»?

Pour Arnold Koller, Ruth Metzler et aujourd’hui Christoph Blocher il est impératif que les cantons ne puissent pas jouer un rôle d’acteur politique dans ce domaine, car certains d’entre eux seraient plus enclins, sous pression des mouvements de défense des droits immigrés et du droit d’asile ainsi que de leur opinion publique, à refuser une politique systématique de renvois, véritable pierre angulaire de la politique fédérale mise en oeuvre par le DFJP. Ainsi, dans le canton de Vaud, après quatre année de lutte (de 1997 à 2000) deux cents anciens saisonniers-ères de l’ex-Yougoslavie et leur famille ont obtenu une régularisation collective de leur situation de séjour, alors qu’ils-elles s’étaient trouvé-e-s sans papiers, du fait de l’impossibilité de transformer leur permis saisonnier en permis de séjour à cause de la politique d’immigration dite des «trois cercles».

De même, le mouvement de défense du droit d’asile «En quatre ans on prend racine», qui avait occupé au printemps 2001 l’église de la paroisse de Bellevaux à Lausanne, a obtenu la suspension de l’exécution des renvois et un réexamen de leur situation pour des ressortissants-e-s de l’ex-Yougoslavie menacé-e-s de renvoi à l’issue d’une procédure d’asile. En février 2004, des autorisations de séjour (permis B ou admission provisoire) ont été délivrées à 112 personnes faisant partie de ce mouvement qui avaient fait pourtant l’objet d’une décision de renvoi, définitive et exécutoire. Le canton de Vaud faisait donc partie, peu ou prou, de ces «moutons noirs» et Christoph Blocher a sifflé la fin de la récréation! Malheureusement le gouvernement vaudois a obtempéré sans coup férir.

Les décisions de renvoi seront exécutées!

Ainsi, sans avoir même obtenu un quelconque engagement précis quant aux conditions et au nombre d’autorisations de séjour qui seront délivrées par les autorités fédérales dans le cadre des 1273 demandes d’admission provisoires déposées par le canton, le gouvernement vaudois a accepté d’entrer en pourparler avec le DFJP de Blocher sur «la nature des engagement et garanties que le Conseil d’Etat vaudois donnera en matière d’exécution des renvois». Dans un communiqué de presse, il souligne même que «(…) tant la Confédération que le Gouvernement vaudois accordent d’ores et déjà une importance particulière à la mise en œuvre de mesures à la fois incitatives, programme d’aide au retour, voire contraignantes si cela s’avère nécessaire». Aligné, couvert: en clair, des renvois par la force seront exécutés, et ce sous l’égide d’un Département dirigé par un membre du parti socialiste!

Dès le 1er avril 2004, suite aux mesures d’allègement budgétaire adoptées par les Chambres fédérales dans le domaine de l’asile, les requérant-e-s d’asile dont la demande a fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière seront exclues du système d’assistance sociale, jetées à la rue sans structure d’accueil ni aide sociale. Si elles ne quittent pas la Suisse, elles deviendront des sans-papiers. Non seulement l’inhumanité de ces mesures, mais encore leur acceptation dans les faits par les autorités cantonales vaudoises sont particulièrement choquantes. Dans un communiqué dont la teneur fait froid dans le dos, le gouvernement vaudois précise que «Le Conseil d’Etat a adopté les dispositions de mise en œuvre comme suit: le Service le la Population (SPOP) mettra sur pied un guichet unique chargé notamment de l’identification des personnes concernées; une aide financière pourra leur être accordée si elles contribuent activement à leur retour (…)». Délation et chantage deviennent dès lors officiellement les instruments d’une politique de renvoi.

Jean-Michel DOLIVO