Refusons cette loi contre les étrangers!

Refusons cette loi contre les étrangers!

Le projet de Loi sur les étrangers (LEtr) va être débattu, lors d’une session spéciale du Conseil National, au début de ce mois de mai. Cette loi qui discrimine les étrangers-ères en fonction de leur origine nationale fabriquera toujours plus de sans-papiers. Elle introduit également des dispositions liberticides, portant des atteintes graves à la liberté personnelle ainsi qu’aux droits fondamentaux inscrits dans la Constitution fédérale, tels notamment le droit au mariage, la protection de la sphère privée ou le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse. Elle s’inscrit dans la tradition de la politique xénophobe de la Suisse officielle. Quelques «perles» de ce projet permettent de s’en convaincre, si besoin est! Le conseiller fédéral UDC Christoph Blocher ne sera pas dépaysé par ces mesures concoctées par ses prédécesseurs démocrates-chrétiens!

«Lors de l’admission des étrangers, l’évolution socio-démographique de la Suisse est prise en considération»

Ce critère d’admission transcrit dans le projet de LEtr, de manière plus «moderne» et peut-être moins choquante, le critère figurant dans la loi actuelle, à savoir que «pour les autorisations, les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de surpopulation étrangère»! C’est le «seuil de tolérance» à partir duquel l’identité helvétique serait altérée par des étrangers soi-disant inassimilables…

«L’admission des étrangers en vue de l’exercice d’une activité lucrative doit servir les intérêts de l’économie; les chances d’une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l’environnement social et sociétal sont déterminantes. Les besoins culturels et scientifiques de la Suisse sont pris en considération de manière appropriée».

On ne saurait être plus explicite … ce sont des bras et des cerveaux qui pourront être admis, à certaines conditions, et non des femmes et des hommes. Et surtout qu’ils-elles n’aient pas le mauvais goût d’être licencié-es et de devenir chômeurs-euses! Pour satisfaire les besoins en main d’oeuvre des employeurs, le gouvernement fixera un nombre maximum d’autorisations par canton (politique de contingentement). La priorité sera donnée aux travailleurs suisses ainsi qu’aux ressortissants de l’Union européenne. Quant aux besoins culturels, gageons qu’une danseuse de cabaret aura plus de chance d’être admise qu’un cinéaste critique colombien réalisant un documentaire sur les méfaits de la politique de Nestlé en Colombie…

«Le conjoint du titulaire d’une autorisation de courte durée ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de courte durée à condition qu’ils habitent avec lui, qu’ils disposent d’un logement approprié à leurs besoins, et qu’ils ne dépendent pas de l’aide sociale».

Le statut de saisonnier est de retour: pas de droit à un regroupement familial (il ne faudrait quand même pas que le conjoint et les enfants ne coûtent quelque chose!), pas de possibilité de transformer, après une durée maximale de deux ans, l’autorisation de courte durée en autorisation de séjour. D’une forme d’esclavage à une autre!

«Renvoi informel: les autorités compétentes renvoient l’étranger de Suisse sans exigence de forme s’il n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu ou s’il ne remplit plus les conditions d’entrée pendant un séjour soumis à autorisation».

Un renvoi informel peut être prononcé oralement, selon le Conseil fédéral! Une décision susceptible de recours ne sera rendue que sur demande expresse, mais le recours n’aura pas d’effet suspensif. Une voie expéditive pour se débarrasser, pourquoi pas, de sans-papiers qui auraient l’outrecuidance de revendiquer des droits!

«Lorsque l’étranger enfreint de manière grave ou répétée ou menace la sécurité et l’ordre publics ou qu’il représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, l’expulsion est exécutoire immédiatement».

Et le gouvernement de préciser que la mise en danger de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse peut être notamment réalisée «par des actes et projets mettant sérieusement en danger les relations actuelles de la Suisse avec d’autres Etats». Ainsi par exemple, un ressortissant tunisien, séjournant tout à fait légalement en Suisse, pourrait se faire expulser sur-le-champ pour avoir participé à l’organisation d’une manifestation à Genève pour protester contre les atteintes aux libertés démocratiques perpétrées par le régime de Ben Ali!

«L’officier de l’état civil refuse son concours lorsque l’un des fiancés ne veut manifestement pas fonder une communauté conjugale mais éluder les règles sur l’admission et le séjour des étrangers. L’officier de l’état civil entend les fiancés, il peut requérir des renseignements auprès d’autres autorités ou de tiers».

Autant venir tout de suite avec ses voisins à l’état civil, pour qu’ils témoignent des folles étreintes dont ils ont eu des échos, compte tenu de la mauvaise isolation de l’immeuble dans lequel habitent les fiancés! L’absurdité d’une telle disposition met en évidence l’arbitraire total qui va régner en cette matière. Le règne de la suspicion systématique est introduit.

La résistance à cette législation d’exception s’organise. Des syndicats, des associations de défense des droits des immigrés, des collectifs de sans-papiers, des mouvements politiques comme solidaritéS veulent d’abord faire connaître dans les semaines qui viennent, le plus largement possible, son contenu totalement inacceptable. Une manifestation de protestation est prévue le samedi 5 juin à Genève, à l’occasion de la tenue de la conférence du Bureau international du travail(BIT) sur l’immigration.

Jean-Michel DOLIVO