Diktat de la droite «libérale»: cannabis, on repénalise

Diktat de la droite «libérale»: cannabis, on repénalise

Le Conseil national a rejeté en bloc, à 102 contre 92, la révision de la Loi sur les stupéfiants, prévoyant notamment une dépénalisation de la consommation du cannabis. Extraits de l’intervention de notre camarade Marianne Huguenin (PST/POP), au nom du groupe parlementaire «A gauche toute!». Texte intégral sur www.solidarites.ch (réd)

Clairement, nettement, nous sommes en faveur de la révision de la Loi, de l’ancrage dans celle-ci de la politique des 4 piliers, de la poursuite de la prescription médicale d’héroïne et pour dépénaliser la consommation du cannabis. A droite, des forces jurant par le «moins d’Etat», renvoyant l’individu à sa propre «responsabilité» dans le domaine social notamment, se présentent ici comme… plus qu’étatistes, avec une vision totalisante de l’individu, à qui la Loi devrait prescrire l’abstinence, a-t-on entendu des rangs libéraux.

Médecin, j’ai travaillé 20 ans avec des personnes concernées par les toxicomanies. Comme la grande majorité de mes collègues de terrain, je suis pour la dépénalisation du cannabis. […] Le cannabis est certes une substance psychotrope, une drogue dont on peut devenir dépendant, à ne pas banaliser, en particulier chez les adolescent-e-s en difficulté. Mais il faut dire non moins clairement que la pénalisation de la consommation ne résout rien […]

Le statut légal d’une drogue n’augmente pas son usage, de même qu’il ne protège pas de la drogue. Par contre, il «met la lumière» dessus, permet de définir et contrôler ce qu’il y a dedans […] protège des réseaux mafieux, du monde qui profite de la drogue, et qui se cache jusque dans nos banques, protégé par le secret bancaire et par vous, qui voulez poursuivre les petits consommateurs, les jeunes… et inscrire ce secret bancaire dans la Constitution.

La consommation de cannabis a triplé en 12 ans chez les 15 à 19 ans; dont 44%, soit 500000 jeunes ont déjà goûté au cannabis. […] 27% des adultes ont consommé au moins une fois, 87000 fument régulièrement. Quel Etat veut et peut contrôler, amender une part si importante de la population? […] Ainsi nous sommes, nous serions si la révision est repoussée, dans l’arbitraire absolu. On contrôle les jeunes, ceux à l’air marginal, qui habitent dans certains quartiers, qui sont sans formation, au chômage…

Quant au manque de moyens de l’Etat et à la lutte contre la toxicomanie: Il est fort de tabac que les tenants de l’abstinence étatique sont ceux qui coupent les crédits pour la prévention, pour les structures résidentielles basées sur l’abstinence, en grande difficulté après la forte diminution d’aide de l’OFAS et la suppression de l’aide transitoire de l’OFSP.

Vous ne donnez même pas les crédits à votre police pour faire son travail face aux réseaux de la drogue […] Face à une telle incurie pour poursuivre les trafiquants, les vrais, en col blanc, qui se mettent les millions en poche, continuer à pénaliser la consommation de cannabis est un signal déplorable aux jeunes. Je suis pour une société avec des règles, des valeurs, des limites… Mais elles seront inopérantes s’il n’y a pas en parallèle le respect. Celui des jeunes, et moins jeunes, le respect de leur mode de vie, de leur culture. Vouloir mettre, remettre «hors-la-loi» un comportement devenu en 40 ans quasiment un rituel d’adolescence c’est déclarer la guerre à une part importante de la population.

Quand les médecins et les professionnels de la santé parlent tabac, alcool, disant que ce sont des drogues, du même niveau que les drogues illégales, au danger autant, voire plus grand, disent que le tabac et l’alcool tuent […], ceux qui produisent ces substances, les consomment, en usent récréativement ou en abusent, sont mal à l’aise […] Il vrai que le dire n’est pas encore résoudre le problème: comprendre et agir sur les causes de la consommation, aider ceux qui le désirent à stopper une consommation abusive et qui rend dépendant.

La polarisation sur le cannabis est du même ordre et empêche d’entendre ce que les jeunes ont à dire. Il est frappant – enquête ISPA datant de 2001 – que seul 25% des jeunes consommateurs réguliers y voient de la rébellion, contre 65% qui en usent comme remède contre le stress du quotidien. Quelle est cette société dans laquelle stress et concurrence sont si grands que les jeunes ont besoin de se «pêter» la tête? Les jeunes ne vont pas mal parce qu’ils se droguent, ils se droguent parce qu’ils vont mal. La toxicomanie n’est pas le problème, c’est un symptôme révélant les problèmes. […] Les spécialistes le disent, fort: pour les jeunes qui vont bien, un joint n’est pas un problème. Il le devient pour les autres, et là est le problème. […]

Nous sommes pour l’entrée en matière pour pouvoir enfin, commencer à parler d’autres choses, des difficultés de vivre de la jeunesse, et de comment y faire face, de formation, d’école, d’insertion professionnelle, de loisirs, de politique de la famille, de culture, de la société dans laquelle on vit, de ses valeurs, de son sens!

Marianne HUGUENIN