La Suisse, Napoléon et l’esclavage

La Suisse, Napoléon et l’esclavage

À l’occasion du bicentenaire de St. Gall, qui sera fêté en 2003, Hans Fässler compte mettre en scène l’histoire du canton d’une manière qui risque fort de provoquer. En effet, l’enseignant d’histoire, membre actif du GSsA, du Syndicat des Services Publics et du groupe pour une ville sans voiture, etc., prépare pour cette occasion une satire politique qui s’intitule «Louverture meurt en 1803». Il y sera question d’un être un peu difforme qui s’appelle S.G. et qui, dans une émission de télé, découvre avec horreur l’identité de ses parents: il a été conçu sur une table de bureau (desktop fertilization) à Paris par la Révolution et Napoléon B., séparatiste corse mégalomane. Rappelons que St. Gall doit son existence à l’Acte de Médiation, imposé à la Suisse par Bonaparte en 1803.



Dans la pièce de Fässler, S.G. apprend encore une autre circonstance. Durant l’année de sa naissance, est apparu à la frontière helvétique un Napoléon noir, qui déclarait venir d’un petit pays montagneux aimant la liberté par-dessus tout… Il s’agit de Toussaint Louverture. Ce fut l’un des dirigeants de la révolte des esclaves noirs d’Haïti en 1791. Il avait appelé à soutenir le gouvernement de la France révolutionnaire qui abolissait l’esclavage dans ses colonies en 1794. Louverture proclama la liberté dans l’île, fît voter une constitution et prît le titre de Gouverneur général. Mais il fût trahi par Bonaparte, qui envoya des soldats reconquérir l’île et rétablir la traite négrière. Louverture fut amené en France et emprisonné au Fort de Joux, près de la frontière suisse, où il mourut l’année où St. Gall naissait.



À travers la petite histoire symbolique de S.G., Fässler compte aborder une question passionnante et encore largement ignorée, à savoir les liens qui existaient, au XVIIIe siècle, entre la Suisse et le système esclavagiste. Question d’une grande actualité, vu la demande de réparations pour les descendants d’esclaves qui fait surface depuis quelques années.



Janick SCHAUFELBÜHL