La mer sépanche
La mer sépanche
Te voilà excédé par tant dhorreur humaine
Globe-Terre qui tremble et grelotte et frémit
Entraînant dans tes maux le Monde qui gémit
Et qui nen finit pas de mourir de mort vaine.
La Terre a de la peine
Car ton entraille à feu et à sang de souffrances
Sétripe et se disloque en séismes cruels
Alors la mer qui sourd de tes flux menstruels
Débordant de sa lèvre, emplit de flasques panses
La Mer est tout en transe
Rayonnant de sa plaie, une onde concentrique
En sillonnant lespace et lalarme du temps
Embrasse, innocemment, mille êtres consentants
Mais viole leurs poumons de sa saumâtre trique:
Vague kilométrique
«Je suis la mer aimable, il faut que je déborde
Pour compenser un peu vos vils débordements.
Où pourrais-je métendre, dites-le si je mens,
Vous avez envahi le vide qui me borde!
Jai enfanté le Monde où vous vous croyez maître,
Vos meneurs prétentieux sont sortis de mes reins
Vous les reconnaîtrez car ce sont mes requins
Rendus plus cruels quand ils se sont mis à paître.
Je sens de plus en plus, depuis mon large large
Létroitesse desprit de vos agissements:
Vous ne me croyez plus, vous ignorez sciemment
Que vous me devez tout, le profit et sa marge.
Je vous ai tout offert: leau douce de mes pluies,
Mes poissons frétillants qui glutinent vos mets;
Je mire vos soleils, votre lune et je mets
Du bon baume en baignant vos chairs sales de suies.
Veuillez bien pardonner ma fâcheuse vadrouille
Mais leau dont je suis Mer ne se comprime pas!
Daignez alors admettre, obligeants, quun faux pas,
Quun bref renvoi vomi ne mérite une brouille»
La mer nous a parlé dans son mutisme sage
Depuis le fond des fonds du Monde pollué
Et dit que nos dégâts layant tant englué
Quelle ne pourra plus porter cet héritage
La mer fera naufrage
Et ce sont ses terriens par milliers quelle froisse,
Quelle rejette et broie entre bris et débris
Mais des larmes denfants adoucissent de ris
Lamertume des mers et des mères langoisse.
Devant tant de carcasses
Un enfant silencieux, étendu dans la fange
Regarde les oiseaux moqueurs des tsunamis
Et ne comprend pourquoi sa mère lui a mis
Deux bras oisifs au lieu de vives ailes dange!
Orphelin qui dérange
François ISELIN,
1er janvier 2005