Régularisation des sans-papiers, une lueur d'espoir?

Régularisation des sans-papiers, une lueur d’espoir?

La proposition du gouvernement
genevois de solliciter une régularisation
collective des travailleuses sanspapiers
employées dans le secteur de
l’économie domestique est à saluer dans
la mesure où elle tourne le dos à une
approche au cas par cas, de régularisation
individuelle des conditions de séjour des
sans-papiers. Le Conseil d’Etat genevois
prend ainsi acte d’une réalité: 5000 salariée-
s travaillent sans-papiers dans ce secteur,
dont 95% de femmes d’origine latinoaméricaine
ou philippine. Il propose que
cette régularisation «exceptionnelle et unique» se fasse par le biais d’une ordonnance
fédérale de durée limitée et, pour ce
faire, s’est adressé au Conseil fédéral.
Cette mesure est accompagnée de l’édiction
d’un contrat type de travail fixant dans
ce secteur des salaires minimaux impératifs.
Les travailleuses concernées seront
obligées de rester dans ce secteur économique
pendant 5 ans au moins.

Ce projet est un premier pas, encore
modeste, mais utile dans le débat public
sur la nécessité d’une politique plus respectueuse
des droits des centaines de milliers
de salarié-e-s sans-papiers vivant et
travaillant Suisse. Le Conseil d’Etat genevois,
répondant en novembre 2000 à la
consultation fédérale à propos de la nouvelle
loi sur les étrangers (LEtr), avaient
déclaré, dans la même veine, que «la politique
migratoire suisse, telle qu’elle est
définie dans la nouvelle loi fédérale sur les
étrangers (LEtr) est trop restrictive.
Discriminatoire dans son esprit et opportuniste
dans ses buts, elle met en péril le
développement de l’économie suisse. (…)
De plus la LEtr ne tient pas compte de la
nécessité de divers secteurs de l’économie
d’une main d’œuvre relativement peu qualifiée.
». C’est en se plaçant du point de vue
du «réalisme économique» que le gouvernement
genevois s’oppose à une politique
migratoire discriminatoire. C’est également
de ce point de vue qu’il formule la
demande de régularisation collective dans
l’économie domestique.

Une telle approche «utilitariste», si elle
apporte une lueur d’espoir dans le
contexte politique actuel marqué par
Blocher et son projet répressif et xénophobe,
reste largement insatisfaisante
pour celles et ceux qui luttent pour la
reconnaissance des droits des sanspapiers.
Le projet de nouveau «statut»
d’employé-e domestique est sans aucun
doute préférable à la négation totale de
l’existence juridique du point de vue du
séjour, des milliers de femmes concernées,
négation qui conduit aux pires formes
d’exploitation. Mais ce nouveau «statut
» implique aussi que l’on enferme, pendant
cinq ans au moins, ces femmes dans
des emplois qui les confinent dans un rôle
traditionnel, celui d’une main d’œuvre
d’appoint, les «petites mains», bonnes à
tout faire et sous-payées! Le gouvernement
genevois fait ainsi également l’économie,
sur le dos de ces femmes, d’une
politique de développement des infrastructures
de garde de la petite enfance ou d’accueil
des personnes âgées. Sans parler du
fait qu’il est arbitraire de vouloir régulariser
les sans-papiers dans un seul secteur économique,
alors même qu’elles-ils travaillent
également d’autres secteurs, comme
le nettoyage, l’agriculture, l’hôtellerie ou la
restauration. Quant à la politique de
répression et d’intimidation vis-à-vis des
sans-papiers, elle reste d’actualité pour le
Conseil d’Etat genevois qui affirme en
même temps le principe du «renforcement
en contrepartie, et après la régularisation
exceptionnelle proposée, de la lutte contre
l’immigration clandestine pour de nouveaux
cas, notamment en sanctionnant
plus lourdement l’employeur (sanction
pénale) comme l’employé (refoulement),
de façon à ne pas favoriser ce phénomène
». Une face inquiétante d’une politique
qui décline à la fois réalisme économique
et répression accrue!

Jean-Michel DOLIVO


Le gouvernement vaudois sourd dingue!

Le Conseil d’Etat vaudois a annoncé mi-janvier 2005 la suspension
de l’application des mesures de contrainte, pour trois
mois, à l’intention des familles avec enfants, des femmes kosovares
isolées et des familles en provenance de Sebrenica. Une
décision dont la principale caractéristique est le souci de ne pas
faire de vagues, de temporiser pour pouvoir exécuter ces renvois
dans un climat plus «serein». Car, comme le répète d’un ton martial
le gouvernement, «le Conseil d’Etat confirme que les personnes
qui ont reçu une réponse négative de l’ODR dans le cadre de
la «circulaire Metzler» devront quitter le territoire»!

L’objectif de cette décision, particulièrement peu courageuse, est
de gagner du temps politiquement pour laisser passer un élan de
solidarité qui ne faiblit pas, au contraire. Elle vise également à
diviser le mouvement de soutien, pour s’adjoindre, si possible,
certaines de ses composantes dans une démarche «d’accompagnement
au retour». Par ailleurs soulignons que les mesures de
contrainte ne sont pas levées pour tous les requérant-e-s
débouté-e-s. On refoulera donc, si possible en catimini, celles et
ceux qui ne sont pas concernés par la décision de suspension.
Mais surtout les autorités vaudoises maintiennent toutes les personnes
concernées dans une situation de précarité et d’angoisse
permanente, à la merci d’un renvoi forcé dans un délai très proche.
La majorité du Grand Conseil vaudois a pourtant réaffirmé,
fin janvier 2005, par un vote, son clair soutien à une solution permettant
la poursuite du séjour des requérant-e-s d’asile déboutée-
s, et ce par l’octroi d’une autorisation de séjour. L’exécutif cantonal
n’en a cure et annonce très clairement la couleur, en proclamant
qu’ «il entend rejoindre la pratique des autres cantons en
matière de renvoi des requérants déboutés». En matière d’asile,
il exécutera les ordres du Département de Blocher, sans état
d’âme! Circulez, il n’y a plus d’exception vaudoise qui tienne…
Et, en gage de bonne volonté, quelques renvois de sans-papiers,
après une détention préventive en toute illégalité. (jmd)


Suite à la prise de position du Conseil
d’Etat concernant la régularisation des
sans-papiers, il nous a paru nécessaire
d’écouter les principaux concernés. Cidessous
une militante du «Collectif des
travailleuses et travailleurs sans statut
légal» qui répond à nos questions.

Comment réagissez-vous à
la position du Conseil d’Etat?

Nous sommes contents d’avoir une
position du Conseil d’Etat et qu’elle
contienne des aspects positifs, mais
pour l’instant il n’y a rien de concret. On
ne peut se contenter de cette déclaration,
il faut que ce Gouvernement
prenne des engagements comme
renoncer à toute forme d’expulsion.
Nous n’allons pas reculer sur nos
autres revendications, à savoir un travail=
un permis. Nous ne pouvons
accepter qu’un seul secteur soit
concerné, l’économie domestique,
même si ça représente beaucoup de
personnes. Nous nous interrogeons
aussi sur le contrat-type proposé
(3400 Fr. pour 48h hebdomadaires), si
les employeurs ne payent pas ce salaire,
on va perdre notre travail, donc notre
permis et peut-être être refoulé-e-s. Des
gens vont sûrement préférer employer
des travailleurs-euses issu-e-s de
l’Union Européenne et y résidant, sans
avoir besoin de les déclarer. Devoir rester
5 ans dans la même branche de travail
revient à ne pas reconnaître les formations
et études effectuées dans nos
pays d’origine, alors que la majorité a
souvent fait des études supérieures. De
plus, après les 5 ans, y’a-t-il un risque
de ne pas voir son permis renouvelé, si
on peut changer de domaine d’activité,
trouvera-t-on un autre travail et pourrat-
on en vivre? Enfin, dans la réponse du
Conseil d’Etat on ne parle pas de politique
d’intégration, nous, on ne veut pas
de ghettos, mais être reconnu-e-s
comme des habitant-e-s à part entière.

Vous êtes active dans un groupe de
femmes travailleuses sans statut
légal, quelles actions menez-vous et
quelles sont les difficultés
particulières de ces personnes?

La situation des femmes est encore
plus dure, elle sont seules, souvent
avec des enfants, il faut de la solidarité
entre elles. Dans notre groupe, on fait
un travail d’explication et des discussions
sur la situation. Sur l’extérieur, on
veut sensibiliser les gens à notre condition
sans les apeurer, notre but n’est
pas d’attaquer nos employeurs. Si elles
gagnent moins que 3400 Fr., est-ce
qu’elles vont trouver un travail complémentaire
pour subvenir à leurs besoins
et à ceux de leurs enfants?

Entretien réalisé par Marie-Eve TEJEDOR