Christoph Blocher et le racisme d'Etat en Suisse

Christoph Blocher et le racisme d’Etat en Suisse

La Suisse de Blocher vient de loin! C’est juste après la première guerre mondiale que le Conseil fédéral crée une police spéciale, la police des étrangers. Il veut ainsi éduquer l’opinion publique à se méfier des étrangers. Les préjugés racistes permettent de décréter ce prétendu danger. Les autorités introduisent dans la loi, au début des années 30, l’objectif avoué de la politique helvétique vis-à-vis des étrangers-res, à savoir celui de lutter contre la «surpopulation étrangère» (l’Ueberfremdung), qui signifie combattre l’altération excessive de l’identité nationale. Cette notion a ouvertement une connotation raciste.

A l’époque, c’est la lutte contre «l’enjuivement» du pays qui est prioritaire. Dans la période nazie, la police des étrangers a ainsi mis en place des notions, qui fonctionnent encore aujourd’hui, comme celles de l’inintégrabilité ou l’inassimilabilité. Etaient visés alors les Juifs et les Tziganes. Et c’est à la demande des autorités suisses que le régime d’Hitler a apposé le tampon «J» sur les passeports des Juifs pour permettre de mieux les contrôler aux frontières!

Préjugés racistes
et politique discriminatoire

Dès la fin de la Deuxième guerre mondiale, cette xénophobie officielle se met au service d’un utilitarisme migratoire: les carnets de commandes des entreprises sont pleins et celles-ci ont besoin de bras. L’immigration ouvrière se fait sur la base d’un système de rotation de la main d’œuvre. Venant d’Italie ou d’Espagne, les saisonniers ne sont pas destinés à s’intégrer en Suisse, leurs familles n’ont pas le droit de s’y installer. Le statut de saisonnier constitue une forme d’astreinte au travail: assignation à une entreprise et à un domicile. L’écrivain Max Frisch dénonce les pratiques inhumaines de l’administration fédérale, avec une formule devenue célèbre: «Nous avons engagé des bras, nous avons vu arriver des hommes»!

Les conditions de vie et de travail des saisonniers sont extrêmement précaires. Parqués dans des baraques, ils sont soumis à l’arbitraire de la police des étrangers. Aujourd’hui, les immigré-es européens ont cessé d’être des «étrangers»: ils ont franchi le véritable parcours d’obstacles dressés devant eux par les autorités suisses. La politique discriminatoire frappe les non Européen-nes qui, du fait de leur origine nationale, n’ont pas la possibilité d’obtenir un statut légal. Ce sont les ressortissant-es dits du «troisième cercle», aujourd’hui du «deuxième cercle»: ils n’ont pas «les idées européennes (au sens large)», selon les termes mêmes utilisés par le Conseil fédéral en 1991. Une hiérarchisation du monde issue en ligne directe de la période coloniale; autrement dit, c’est la supériorité de l’homme blanc! Et ces personnes étrangères, obligées d’émigrer du fait des guerres ou de la misère, viennent en Suisse comme sans-papiers et occupent, comme les saisonniers de l’époque, les emplois les plus précaires.

Comme dans les années 70, à l’époque de l’initiative xénophobe de Schwarzenbach, la pression de l’UDC blochérienne sert de caution à la classe politique au pouvoir (la formule dite magique du Conseil fédéral) pour maintenir une politique migratoire fondée sur la négation des droits des étrangers, femmes et hommes. Cette politique est applaudie même par Jean-Marie Le Pen qui déclarait, en avril 2002, que le «droit de la nationalité de la Suisse ou du Japon nous conviendrait parfaitement»…

En 1994, le conseiller fédéral démocrate-chrétien Arnold Koller, prédécesseur de Christoph Blocher au Département fédéral de Justice et Police, dans un rapport intitulé «Sûreté intérieure 1994», établissait un lien entre le sentiment d’insécurité qu’éprouverait la population suisse et «l’enchevêtrement de culture différentes qui résultent des migrations internationales». Un amalgame officiel est alors fait entre le sans-papiers étranger, présenté comme un délinquant, et le trafiquant de drogue. Le discours manipulateur de l’UDC sur les abus en matière d’asile se nourrit alors de la multiplication des opérations de police anti-Noirs, des contrôles au faciès de tous les basanés!

Contre le racisme,
construire la résistance!

Les actes et réactions racistes se multiplient autour de nous. Du fait de la couleur de leur peau, des personnes subissent des atteintes inacceptables à leur dignité, au travail, dans la rue, dans les lieux de formation. De nouvelles lois contre les étrangers et contre le droit d’asile sont en débat au Parlement. Au Conseil fédéral siège présentement un multimillionnaire xénophobe qui durcit la politique répressive à l’égard des étrangers. Contre les préjugés racistes, contre une politique migratoire qui nie les droits fondamentaux de chaque être humain, établissant des discriminations liées à la couleur de sa peau ou à l’origine nationale, il y a urgence de débattre et d’agir autour de soi, dans les collèges, les gymnases, les écoles, les universités, les centres d’apprentissages!

D’ores et déjà, réservez une date, celle du samedi 18 juin 2005, 14h à Berne, pour une manifestation «Stop à la politique de Blocher»! Nous reviendrons sur sa préparation dans les prochains numéros de notre journal.

Jean-Michel DOLIVO