Patron suisse condamné: amiante, ciment… prison!

Patron suisse condamné: amiante, ciment… prison!

Le « procès sans fin» contre les responsables suisses de centaines de travailleurs malades ou décédés de l’usine Eternit en Sicile vient de marquer une première étape. L’action en justice avait été engagée par 44 proches de décédés et 300 ex-salarié-e-s de l’usine1. Parmi les plaignants, une centaine sont décédés avant et en cours de procédure et 190 souffrent d’asbestose. Après 9 ans de lutte, leurs avocats, S. Aliffi et M. Frigo ont obtenu, le 27 mai dernier, la condamnation par le tribunal pénal de Syracuse de huit anciens patrons de l’entreprise pour homicide intentionnel. Parmi ceux-ci figure un homme de confiance de Stephan Schmidheiny, l’Appenzellois Léo Mittelholzer, âgé de 54 ans, qui écope de 2 ans et 4 mois d’emprisonnement. Ce patron avait dirigé l’usine de 1984 à 1986. Il est aujourd’hui chargé de Ciment City Siam en Thaïlande, filiale de Holcim, la multinationale suisse du ciment. Les coaccusés ont été condamnés à 21 années de prison; trois d’entre eux pour homicide involontaire et cinq pour négligence volontaire des mesures de sécurité sur le lieu de travail.

Après avoir été la propriété d’Eternit Belgique, la fabrique de Contrada Targia, en bord de mer, à quelques kilomètres de Syracuse, fut acquise par Stephan Schmidheiny, qui la dirigea de 1974 à 1986, puis fut fermée en 1993, suite à l’interdiction de l’amiante. Les machines qui auraient été nécessaires à l’enquête ont été discrètement expédiées en Afrique du Nord. L’usine n’a jamais été assainie et, sur la plage, s’amoncellent des déchets d’amiante-ciment jusqu’à six mètres de hauteur et les tuyaux invendus ont été jetés à la mer. Dans ce «petit joyau» comme on l’appelait à l’époque, 730 salariés-e-s ont été exposé-e-s à l’amiante.

L’avocat des victimes, Silvio Aliffi, se réjouit de cette condamnation: «Le tribunal a bien précisé que les mesures de sécurité avaient été négligées à dessein. Maintenant, nous pouvons aussi mettre les patrons du consortium devant leurs responsabilités».Quant au procureur Andrea Palmieri, qui mène une nouvelle procédure à Syracuse, il ajoute: «Le jugement est unique en soi. Jamais, jusqu’ici, un tribunal italien n’avait pu prouver la culpabilité des chefs d’entreprise pour négligence volontaire des mesures de sécurité».

Ce premier jugement mettra un peu de baume sur le cœur des milliers de victimes d’Eternit et de leurs proches dans le monde qui luttent pour que justice leur soit rendue. Elle légitime aussi les initiatives prises en Suisse par les intoxiqués d’Eternit Niederurnen et Payerne, ainsi que celles des comités Asbestopfer en Suisse allemande et CAOVA2 en Romandie.

Pierrette ISELIN*

* Ce texte a été traduit et adapté de l’article de Maria Roselli, paru dans Work, le 10 juin 2005.

  1. Voir solidaritéS n°64, du 29 mars 2005.
  2. Collectif d’aide et d’orientation des victimes de l’amiante, c.p. 5708, 1002 Lausanne, CCP 10-25551-5, Courriel: info@caova.ch, Site: http://www.caova.ch, Permanence téléphonique: 021 784 48 35.