Eternit fait l’innocent et menace: Caova réplique

Eternit fait l’innocent et menace: Caova réplique

Irritée par la publication de la brochure «Eternit, le blanchiment de l’amiante sale» du Comité d’aide et d’orientation aux victimes de l’amiante (Caova), fâchée par la tenue les 2 et 3 juin d’un séminaire sur l’amiante et ses victimes à Payerne, la direction de l’entreprise broyarde a sorti le grand jeu. En urgence, la production a été stoppée le 23 mai afin de pouvoir rassembler le personnel, à qui on projeta sur grand écran la «lettre ouverte aux membres de Caova» du grand patron Anders Holte, lue par un cadre. Intimidation? Pas le moins du monde, voyons: juste une information…

La missive de l’administrateur et délégué général d’Eternit, entrelardée des nécessaires formules de compassion à l’intention des malheureuses victimes de l’amiante, tente de dégager toute responsabilité de l’entreprise en se réfugiant derrière l’autorité de la Suva (l’assurance des accidents et maladies professionnels). Comme cela ne suffit pas, elle accuse Caova d’être irresponsable, de faire de la rétention d’information au détriment des victimes, de générer la panique par de fausses assertions et l’enjoint de «cesser immédiatement d’inquiéter les employés et leurs proches sans raison objective». Voici quelques-unes des réponses faites par Caova à cette autodéfense patronale en forme d’accusation.

  • La SUVA, que vous qualifiez abusivement d’«organisation gouvernementale autonome», si elle le voulait vraiment, pourrait connaître tous les cas de maladies et de décès de salarié·e·s suisses et immigrés de vos usines. Elle peut compléter les dossiers médicaux personnels en exploitant les données d’Eternit qu’en tant qu’employeur vous êtes censé détenir, conserver et confier à qui de droit. Cela éviterait à notre Comité des victimes de l’amiante de devoir combler les lacunes ou le retard dans le recensement des victimes de l’amiante.
  • N’ayant accès à aucune source d’informations officielles – certificats de décès, registres des tumeurs, dossiers médicaux –, les résultats des enquêtes de CAOVA sur la morbidité et de mortalité à Payerne sont forcément incomplètes ce que nous avons toujours rappelé. Nous attendons avec impatience les résultats de vos propres statistiques ainsi que celles de la SUVA pour les comparer et affiner celles que vous semblez contester. (…)
  • Il est téméraire de votre part de taxer d’»irresponsables» des bénévoles qui sans moyens financiers, enquêtent sur les conditions sanitaires d’un millier de personnes ayant travaillé à Eternit Payerne de 1957 à 1990 pour les informer des risques qu’elles encourent, aider les victimes et soutenir leurs proches. L’irresponsabilité qualifie au contraire les employeurs, les assureurs et les organismes publics qui ont négligé la prévention et la réparation des dégâts causés par l’amiante, en tout cas dès les années cinquante, lorsque ses risques mortels furent confirmés et connus.
  • Au lieu d’accuser d’«irresponsables» les investigateurs de CAOVA, Eternit ferait bien de prendre enfin ses responsabilités en commençant par mettre à disposition des chercheurs indépendants les registres des salarié·e·s qui ont travaillé dans ses usines en Suisse et dans le monde en vue d’établir, sur des bases scientifiques claires, la réalité du fardeau sanitaire lié à la production séculaire d’amiante-ciment.
  • Il est particulièrement cocasse – et indécent – que, faisant écho à la SUVA, vous accusiez CAOVA de rétention d’information alors qu’il aura fallu que les victimes italiennes recourent à une plainte pénale pour vous obliger à livrer les noms des travailleurs immigrés que vous avez exposés à l’amiante dans vos usines en Suisse!
  • CAOVA a informé toutes les personnes ayant travaillé avec de l’amiante à Eternit Payerne dont elle a eu connaissance sur les risques qu’elles encourent afin de les prévenir au mieux. Nous apportons conseils et soutien à celles qui sont malades. Aux proches des salarié-e-s décédés qui le souhaitent, nous les aidons à constituer le dossier médical du défunt, à établir si le décès découle d’une maladie professionnelle et, le cas échéant, à réclamer, avec l’aide de nos avocats, l’indemnisation que la SUVA leur refuse. Contrairement à ce que vous affirmez, les salarié·e·s de Payerne sont informés par CAOVA et c’est grâce à nous que les victimes et leurs proches gardent l’espoir de pouvoir bénéficier des prestations qui leur sont dues.
  • Quant à votre accusation comme quoi le but de CAOVA serait de «générer la panique» et «d’inquiéter les employés et leurs proches sans raisons objectives», nous n’avons rien pu constater de tel chez les personnes qui nous contactent, bien au contraire! A vous entendre, il faudrait renoncer à dire que l’amiante – ou le tabac – provoque le cancer pour éviter la panique! Ces procédés de désinformation ont eu des conséquences catastrophiques et nous espérions, trop naïvement peut-être, qu’ Eternit y avait renoncé

A vous lire, on se demande qui des employé·e·s ou des employeurs sont les plus inquiets, qui, des travailleurs ou des patrons cèdent le plus à la panique. Eternit a manqué gravement à ses devoirs élémentaires d’information, de prévention et de réparation envers son personnel en Suisse et dans le monde

Ne faites pas semblant de vous étonner, Monsieur Holte, que les principaux intéressés, soutenus par CAOVA, le disent ouvertement, pour défendre leur dignité, leur intégrité physique et pour exiger la réparation des torts et des souffrances qui leur ont été infligées sur leur lieu de travail.