L’exigence est d’instruire…pas d’éliminer : 2 x NON!

L’exigence est d’instruire…pas d’éliminer : 2 x NON!

Fin août, Le Matin a mis en
scène le musicien Alain Morisod, s’exprimant en faveur de
l’initiative réactionnaire de l’ARLE en
matière d’enseignement, et de son
«contre-projet» élaboré par la droite.
Ressassant des platitudes populistes, ce citoyen se disant «ni de
gauche, ni de droite» prend une position… clairement de
droite, sur une question qui – selon lui –
«dépasse le débat politique»! Au motif que
«aujourd’hui les jeunes se laissent traiter comme de la
merde et acceptent tous les classements dans des émissions comme
la Star’Ac», il veut leur en resservir une louche à
l’école, pour mieux les «préparer à la
compétition» sur le plan social… Et, tout en
appelant les citoyen-ne-s au double OUI, il conclut son plaidoyer sur
le cri du cœur «Trop de démocratie, tue la
démocratie.» Trop de débat démocratique, Le
Matin, n’en veut apparemment pas non plus, puisque 10 jours plus
tard, ce quotidien n’a semble-t-il pas trouvé la place
– ou jugé utile – de publier la réponse
à Morisod de deux membres de l’Association «Former
sans exclure» qui – à défaut de faire partie
des «people» qui hantent les colonnes de certains journaux
– sont enseignant-e-s… et savent de quoi ils parlent. Nous
publions ci-contre cette réponse.  (réd)

«Alain Morisod a raison: l’école ne doit pas
être un cocon, mais l’endroit où chacun des nos
enfants apprend tout ce qu’il faut savoir pour entrer dans la
vie, sous la conduite exigeante de ses enseignants. Lire, écrire
et compter ne sont pas des jeux, mais le résultat d’un
travail sérieux, régulier, dûment
évalué. Trouver un emploi, mais aussi voter, lire le
journal ou payer ses impôts demandent des compétences dont
ne devrait être privé aucun jeune. «C’est le
bon sens», certainement. Nous en sommes convaincus, comme parents
d’élèves et comme enseignants.

Pourquoi, en Finlande, l’école obtient-elle – mieux
qu’à Genève – de tels résultats? Parce
qu’elle ne confond pas le moment de la compétition et
celui de sa préparation. Le bon sens semble militer pour les
mauvaises notes et le redoublement des plus faibles: en
vérité, les systèmes les meilleurs et les plus
tenaces les ont supprimés. Cela peut sembler étonnant,
mais un raisonnement assez simple prouve qu’on ne peut faire
monter le niveau qu’en votant 2 x NON.

Prenons la pire des compétitions: les concours de patinage ou de
gymnastique aux Jeux Olympiques. Les athlètes sont notées
pour que l’on puisse les classer: il n’y a que trois places
sur le podium, évidemment. Mais que se passe-t-il pendant les
quatre ans qui précèdent l’événement?
Les entraîneurs ne donnent aucune note, mais des consignes
(«saute!»), des conseils («tends les bras!»),
des explications («tu tournes trop tôt…») et,
pourquoi pas, quelques encouragements («c’est bien,
bravo!»). À quoi sert donc un coach qui vous crie
«six» ou «deux et demi» depuis le banc de
touche au lieu d’être à vos côtés pour
vous dire précisément ce qu’il faut corriger? Il
sert à préparer l’échec et le redoublement
de fin d’année.

Monsieur Morisod montre très bien pourquoi le débat sur
l’école est mal emmanché: il n’y a pas
d’un côté le laxisme, de l’autre la
sévérité; il y a de fausses oppositions et, en
face, la dure loi des faits. Les entraîneurs les plus stricts
veulent pousser leurs poulains en avant: c’est pour cela
qu’ils se passent de notation. «Les enfants en prendront
plein la gueule plus tard, quand ils arriveront dans la vie sociale,
où un employeur choisit toujours le meilleur!»
résument les initiants. Mais justement: qui est
sélectionné, finalement? Est-ce le jeune qui sait lire et
compter (la patineuse qui sait patiner), ou celui qui ne sait rien,
sauf qu’il a reçu force mauvaises notes tout au long de sa
scolarité?

Exclure au lieu de former est toujours une fausse bonne idée.
Surtout à l’école obligatoire, qui doit être
ambitieuse pour tous les élèves puisque le savoir
n’est pas un luxe, mais une nécessité.
Méfions-nous des comparaisons: à la Star Academy, il y a
des notes et beaucoup d’éliminés; si c’est ce
résultat que nous voulons, ne nous plaignons pas ensuite du
nombre d’illettrés! Et si notre cœur penche
plutôt pour de vraies exigences, plus de compétences, une
meilleure préparation, alors il ne reste plus –
c’est le bon sens – qu’à voter 2 x NON.

Isabelle et Olivier MAULINI

Former sans exclure