La crise sanitaire exacerbe les inégalités de genre

Grève féministe 14 juin 2019
Lausanne

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, dans les hôpitaux, les EMS, mais aussi dans le secteur du nettoyage ou de la vente de nombreuses personnes travaillent au quotidien et d’arrache pieds. Ces secteurs d’activité, dits de reproduction sociale sont habituellement peu valorisés au profit des secteurs de la production. Ils sont actuellement au centre de la lutte contre la crise socio-sanitaire à laquelle nous devons faire face. Les femmes sont très largement majoritaires au sein de ces corps de métiers. 75% des vendeurs sont des vendeuses, 86% des infirmiers sont des infirmières. Il en va de même pour le personnel des soins à domicile. 

Les cris d’alerte des professionnel.le.s de la santé, sur une potentielle saturation des hôpitaux, ne sont pas une fatalité liée à une propagation insoupçonnée du virus. Il s’agit d’une conséquence directe des politiques néolibérales menées toutes ces dernières années. Ces secteurs ont été privés des moyens financiers nécessaires pour aujourd’hui faire face à la pandémie.

Le Conseil fédéral a enterré, le 4 avril dernier, un projet de financement d’urgence de 98 millions pour les structures d’accueil de jour. Ces structures accueillent encore tous les jours les enfants de celles et ceux contraint.e.s à aller travailler. Elles se trouvent dans des situations financières extrêmement compliquées. Les syndicats dénoncent le manque total de mesures déployées pour assurer aux travailleuses des secteurs essentiels des conditions de travail acceptables.

Pourtant, le même Conseil fédéral s’est empressé de débloquer des milliards pour les grandes entreprises (souvent actives dans des secteurs de la production responsable de la destruction de notre planète. Les vendeuses, les infirmières ou les nettoyeuses n’ont pas besoin des applaudissements hypocrites d’employeur.euse.s, mais de garanties pour des conditions de travail acceptables. Elles n’ont pas non plus besoin des remerciements des membres d’un gouvernement, mais que celui-ci annonce la fermeture des secteurs de l’économie non-essentiels, où le virus continue de se propager tous les jours.

Les femmes assurent également la plus grande part du travail de reproduction non-rémunéré :  soin aux enfants et aux personnes âgées, la préparation de repas au quotidien ou nettoyage du foyer. Cette charge de travail quotidienne a considérablement augmenté ces dernières semaines, avec la fermeture des écoles et l’instauration du télétravail. Il faut assurer le travail scolaire malgré tout, préparer à manger pour l’ensemble de la famille constamment présente à l’heure des repas, nettoyer un logement qui se salit bien plus vite lorsque l’on y vit à plusieurs tout le temps, …En parallèle celles qui ont une activité salariée doivent continuer à l’exercer!

De nombreuses incitations nous poussent aujourd’hui à rester chez nous. Dans certains cas, rester chez soi est un facteur d’insécurité. Les périodes de confinement renforcent les mécanismes de violence à l’égard des femmes. Les violences domestiques sont en augmentation depuis le début de la pandémie. Il faut donc urgemment déployer des mesures pour lutter à tout prix contre toutes les formes de violences sexistes ou sexuelles qui peuvent se déployer à l’intérieur des foyers.

Parce que la crise sanitaire actuelle renforce les inégalités et les mécanismes d’exploitation et de domination des femmes et des personnes LGBTIQ, solidaritéS revendique 

  • Des moyens financiers et humains pour les secteurs de la reproduction (c’est-à-dire au secteur de la santé, de la vente de première nécessité et du soin à la personne). Ces moyens doivent servir à engager du personnel supplémentaire, en leur garantissant un salaire et des protections salariales exemplaires, pour éviter la sous dotation en personnel.  
  • La Suspension immédiate de la mesure du CF sur l’extension du temps de travail maximum au-delà des 60 heures par semaine pour le personnel soignant et respecter la loi sur le travail dans sa forme antérieure au coronavirus. Réduire les horaires d’ouverture des commerces alimentaires, pour réduire le risque d’infection du personnel. 
  • La garantie de matériel sanitaire (masque, gants, gel hydrocalcoolique, …) en suffisance et en priorité pour les personnes les plus exposées au virus. Si nécessaire, réorienter la production vers la fabrication de matériel médical. S’assurer que ce matériel soit distribué en priorité aux personnes les plus exposées au virus, notamment dans les secteurs de la vente et du nettoyage. 
  • La fermeture de toutes les entreprises non-essentielles avec un maintien du salaire. Cette mesure permet d’éviter que le supplément de charge de travail reproductif non-rémunéré ne retombe de faits sur le dos des femmes, pour qui la double journée de travail, habituellement harassante, devient tout bonnement invivable.
  • La garantie aux femmes seules avec des enfants, et qui travaillent dans des secteurs essentiels, des solutions de garde pour leurs enfants. Si tel n’était pas le cas, elles doivent pouvoir exercer un droit de retrait avec la garantie du salaire à 100%. 
  • L’ouverture de plus de lieux d’accueil d’urgence pour les femmes, les personnes LGBTIQ et les enfants victimes de violences dans leur foyer. La Suspension des procédures de renvoi pour que les femmes en situation illégale puissent demander de l’aide sans risquer de se faire expulser. 
  • La diminution du temps de travail sans diminution du salaire pour tous les parents astreints au télétravail qui ont des enfants à charge.

Sur le plus long terme, pour éviter que la récession économique à venir ne débouche sur une socialisation des pertes et sur des plans de sauvetage de l’économie et des banques à base de mesures d’austérité, qui pèseront lourds sur le dos des femmes, nous soutenons l’auto-organisation collective pour exiger 

  • Une revalorisation de ces corps de métiers avec l’introduction d’un salaire minimum à 4500.- 
  • L’octroi de larges budgets pour les hôpitaux publics et tous les secteurs reproductif
  • la fin de la concurrence entre privé et public dans le domaine de la santé
  • Une diminution généralisée du temps de travail salarié, pour un meilleur partage du travail de reproduction non-rémunéré 
  • L’instauration d’un plan national de lutte contre les violences sexistes et domestiques. L’ouverture de lieux d’accueil d’urgence supplémentaires pour toutes celles et ceux qui en sont victimes, quel que soit leur statut légal. Une application stricte et sans délai de l’article 28 b du Code civil (éloignement du partenaire violent du domicile). La mise en place de programme d’éducation pour les personnes violentes.
  • Une refonte du système de retraite suisse. L’abandon définitif du projet AVS 21 qui vise une élévation de l’âge de la retraite des femme. L’intégration du 2ème pilier à l’AVS, pour que nos rentes ne dépendent pas de la fluctuation des cours boursiers.