Portugal: Gagner la bataille de l’avortement le 11 février !

Portugal: Gagner la bataille de l’avortement le 11 février !

Le 11 février marquera une
date historique dans la vie sociale et politique du Portugal, avec le
second référendum national sur la question de
l’avortement. Rappelons que le Portugal vit encore sous le
régime d’une loi restrictive en la matière.
Jusqu’en 1984, l’avortement était même
considéré comme un délit criminel et les femmes
qui y avaient recours risquaient jusqu’à huit ans de
prison. Dix ans après la Révolution des œillets,
une petite modification avait cependant été introduite
dans le code pénal. Si une femme se faisait avorter à la
suite d’un viol, ou dans les cas de malformations ou de maladies
sévères du fœtus, voire de danger pour la
santé de la mère, cet avortement ne pouvait plus
être considéré comme un crime.

La défaite de 1998

L’avortement à la
demande de la femme, durant les dix premières semaines de
grossesse, a commencé à être discuté au
Parlement nettement plus tard, en 1998. Bien que la proposition ait
recueilli une majorité d’une voix, le PS et la droite se
sont mis d’accord pour que la question soit tranchée par
un référendum et non par le Parlement. Ce scrutin a eu
lieu en juin 1998: le PSD (libéral) a appelé à
voter NON, tandis que l’église catholique menait une
campagne terroriste, montrant des images de fœtus comme
s’il s’agissait de bébés à terme. Le
Parti socialiste était coupé entre sa jeunesse et la
plupart de ses député-e-s, qui appelaient à voter
et faisaient campagne pour le OUI, et son Premier ministre Guterres,
qui se déclarait contre tout changement de la loi. La
participation ne fut que de 31,9% (un record d’abstention pour
les standards portugais): le NON recueillit 50,07%, contre 48,28% pour
le OUI. Ainsi, la loi resta-t-elle en place.

A cette époque, l’un des principaux arguments de la
droite, qui portait aussi le plus, c’était qu’en
dépit du fait que l’avortement était encore
considéré comme un délit par la loi, aucune femme
n’avait encore été traduite en justice pour cela.
Cela n’est plus le cas depuis lors. Nous avons en effet
vécu l’incroyable: des femmes (surtout de milieux
populaires), et dans certains cas leurs conjoints et leurs familles
aussi, ont été traînées devant les
tribunaux, à Maia, Setubal, Aveiro et ailleurs. Dans le
procès de Maia, une sage-femme a été
emprisonnée; au moins une femme a été
condamnée avec sursis. Mais beaucoup de procès sont
restés inconnus du public et ne commencent à être
commentés que maintenant!

Une mobilisation massive

Aujourd’hui, la question
soumise à référendum est exactement la même
qu’en 1998: «Acceptez-vous la décriminalisation de
l’avortement, lorsqu’il est demandé par la femme et
pratiqué dans une clinique autorisée,
jusqu’à la dixième semaine de grossesse?»
Pourtant, la situation actuelle présente de nombreuses
différences avec celle qui prévalait en 1998.
D’abord, les Chrétiens-Démocrates sont le seul
parti politique a faire clairement campagne pour le NON. Les
Sociaux-Démocrates (PSD – Libéraux) ont
donné la liberté de vote à leurs
député-e-s et à leurs membres, tandis que le Parti
socialiste s’est engagé cette fois-ci dans la campagne
pour le OUI, avec la participation de son Premier ministre Socrates et
de plusieurs membres du gouvernement. Ensuite, bien que le NON soit
parvenu a mobiliser les secteurs conservateurs du pays, et que
l’Eglise mène toujours une campagne agressive contre le
droit de choisir, plusieurs mouvements pour une maternité
désirée se sont développés: ils sont
très actifs et auront légalement le droit de prendre part
à la campagne.

Le 11 février marquera une date historique dans la vie sociale et
politique du Portugal, avec le second référendum national sur la
question de l’avortement.

Un premier regroupement réunit des féministes et quelques
catholiques. Un second, qui s’intitule «médecins
pour la liberté de choisir», rassemble pour la
première fois de nombreux médecins, ainsi que des
professionnel-le-s de la santé et des chercheurs-euses. Un
troisième s’adresse surtout aux jeunes et, outre des
artistes (chanteurs et acteurs des deux sexes), compte sur de jeunes
membres du Parti social-démocrate, du PS et du Bloc de Gauche.
Un quatrième comprend les principales figures politiques et
culturelles, parmi lesquelles plus de cent député-e-s du
PSD (libéral), du PS et du Bloc de Gauche. Le Parti communiste a
décidé de créer ses propres mouvements, qui ne se
mélangent pas aux autres forces… Enfin, 17
député-e-s portugais au Parlement européen sur 24
ont appelé à voter OUI.

En plus de tout cela, le Bloc de Gauche mène sa propre campagne
en tant que parti, avec des rassemblements dans tout le pays, la
diffusion de centaines de milliers de flyers et un effort pour
multiplier les contacts avec la population, avec un axe central, les
procès: METTRE FIN A L’HUMILIATION DES FEMMES ! En fait,
c’est le seul point sur lequel les partisans du NON sont
incapables de répondre: comment mettre fin aux procès
tout en conservant la loi actuelle? Nous menons aujourd’hui notre
campagne la plus difficile depuis la création du Bloc.
L’enjeu est considérable. La victoire du NON signifierait
un retour au Moyen Age. A l’inverse, la victoire du OUI ne
traduirait pas seulement une grande victoire pour les droits des
femmes, mais aussi une première victoire pour le camp des
travailleurs, femmes et hommes, après tant d’années
de défaites. Cela pourrait marquer le début d’une
période nouvelle, plus ouverte, pour les salarié-e-s et
la gauche.

Alda Sousa*

*    Membre de la direction nationale du Bloc de
Gauche. Notre traduction d’après la version originale
anglaise communiqué par l’auteure. Pour nos
lecteurs/trices qui lisent le Portugais, le web du Bloco fourmille
d’infos, notamment sur les mouvements pour une maternité
librement choisie: http://www.esquerda.net.