Propriété intellectuelle et accès aux medicaments
Propriété intellectuelle et accès aux medicaments
Les Etats membres de lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC),
dont la Suisse, ont signé en 1994 lAccord sur les ADPIC,
qui contient notamment des obligations sur les brevets et la
prolongation de leur durée. Il concerne tous les pays membres, y
compris les plus pauvres. Lappartenance dun pays à
lOMC et lapplication de lAccord imposent une mise
en conformité des législations nationales qui
savère souvent très pesante par manque de
ressources professionnelles, financières et
dinfrastructure.
Pour les pharmas, contre les populations
Dans le secteur des médicaments, lAccord qui devait
officiellement protéger la propriété
intellectuelle, dans le but de favoriser la recherche et
linnovation pour le bien de tous, sest
avéré plutôt un instrument de protection du
marché au service des pays riches et de lindustrie
pharmaceutique et au détriment de létat de
santé des populations. Les flexibilités prévues
par lAccord auraient dû renverser la tendance en faveur
des populations, mais ces flexibilités ont été peu
utilisées.
Cet ouvrage, publié par la Centrale Sanitaire Suisse (CSS),
présente lAccord sur les ADPIC aux non
spécialistes et leur propose den faire une lecture
critique. Il sadresse en particulier aux intervenants du secteur
de la santé et de la politique de la santé des pays les
plus touchés par ces nouvelles directives. Il décrit les
principaux acteurs et les étapes importantes de la
négociation de lAccord, certaines adaptations qui en ont
été faites sous les pressions contradictoires des
nombreux protagonistes, dont les principaux sont lOMC et
lOMS (Organisation Mondiale de la Santé). Nombre
dautres organisations internationales (lOMPI,
Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et
lUPOV, Union internationale pour la Protection des Obtentions
Végétales1, notamment) et lindustrie
pharmaceutique jouent chacune un rôle dans la protection de la
propriété intellectuelle.
Rôle de la Suisse
La Suisse est membre de ces différentes organisations
internationales et patrie de puissantes firmes pharmaceutiques. Elle
est en particulier représentée à lUPOV, qui
sollicite des modifications de lAccord, dans le sens de garantir
des droits de propriété intellectuelle et donc
des brevets et des redevances dans le domaine agricole, pour
toute variété végétale nouvelle2.
Parallèlement, en Suisse, on discute de la possibilité de
breveter le «vivant», comme cest le cas pour les
nouvelles variétés agricoles. Ce débat a pris
récemment, un sens nouveau suite à la discussion, au
Parlement, de la modification de la loi sur la propriété
intellectuelle3. Le tabou qui devait exclure totalement les
«découvertes» du système des brevets (par
opposition aux «inventions») semble dorénavant
partiellement levé.
A la faveur de lAccord, la Suisse, seule ou comme membre de lAELE4
ou encore en collaboration avec lUnion Européenne,
négocie actuellement des Accords Bilatéraux de Libre
Echange (ABLE) avec un grand nombre de pays, dont certains sont
particulièrement vulnérables; et beaucoup de ces accords
bilatéraux tentent dintroduire des clauses de
propriété intellectuelle plus restrictives encore que
celles qui figurent dans lAccord5. La route est ainsi
ouverte à la transformation de lAccord en des
«Accords+», plus contraignants et dont les
conséquences potentielles pourraient être plus graves
encore pour les pays pauvres.
Informer et agir
Identifier les acteurs de lAccord6 ne suffit pas
à comprendre où est le pouvoir de décision
à un moment donné, pourquoi et comment et par qui les
décisions qui conditionnent le sort de centaines de millions de
personnes sont prises, ni quel est, dans cette dynamique, le rôle
du gouvernement suisse et des autres structures décisionnelles
suisses.
Ainsi, au moment où lInde tente de garder une certaine
liberté de choix dans la production locale de médicaments
essentiels génériques et fait face aux mesures
dintimidation de Novartis7, la CSSR essaye de suivre
et de faire connaître linformation concernant les Accords
de Libre Échange. Elle voudrait aussi trouver le soutien de ceux
qui approuvent cette démarche, pour être, ensemble, plus
actifs dans la politique locale sur toutes les questions concernant les
accords internationaux sur la santé et les médicaments
essentiels et dans lesquelles la Suisse est impliquée.
Propriété
intellectuelle et accès aux médicaments; Limpact
de lAccord sur les Aspects de Droits de Propriété
Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) sur
laccès aux médicaments essentiels, (sous
la direction dAndrea Onori). Genève: Centrale Sanitaire
Suisse Romande, 2006. Le livre (~120 pages, en anglais, espagnol et
français) peut être commandé à la CSSR
(Maison des Associations, r.des Savoises 15, 1206 Genève; 25
frs, gratuit pour les ONGs (spécifier la langue); info@css-romande.ch; il peut également être librement télécopié dans les trois versions à partir de www.css-romande.ch.
- www.upov.int/index_fr.html
- LUPOV, une organisation intergouvernementale
indépendante ayant son siège à Genève,
«administre la Convention UPOV, dont lobjet est de
promouvoir la reconnaissance, par ses membres, des mérites des
obtenteurs de nouvelles variétés végétales
par la mise à leur disposition dun droit de
propriété intellectuelle sur la base de principes
clairement définis», août 2006. www.wipo.int/wipo_magazine/fr - voir «Breveter un élément du corps humain sera permis», Le Courrier, 20 décembre 2006.
- Association Européenne de Libre Echange,
réunissant lIslande, le Lichtenstein, la Norvège
et la Suisse. - Pour suivre la complexité des manoeuvres politiques
et économiques qui accompagnent les ABLE, consulter
www.bilaterals.org; ce site donne la liste intégrale des ABLE
que la Suisse, lAELE, lUE et les Etats Unis sont en train
de négocier. - voir Propriété etc., pp.75-81.
- «Novartis attaque la loi indienne sur les brevets», 8 juin 2006, sur le site de la Déclaration de Berne, www.evb.ch/fr; «Novartis, lInde et la guerre des brevets», Le Courrier, 18 novembre 06.