Initiative constitutionnelle pour un salaire minimum vaudois

Initiative constitutionnelle pour un salaire minimum vaudois

Jean-Michel Dolivo, membre de
solidaritéS et député d’«A Gauche
toute!» au Grand conseil vaudois, a déposé cet
été au parlement vaudois un projet d’initiative
constitutionnelle demandant la modification de la Constitution vaudoise
du 14 avril 2003, afin d’y inscrire un droit à un salaire
minimum. Ce projet vient d’être renvoyé par les
député-e-s pour examen en commission. Il explique
ci-dessous les raisons et la portée de cette initiative.

Il s’agit d’introduire, dans la constitution cantonale puis
dans une loi, un seuil minimum de salaire, au-dessous duquel il ne sera
pas légal de descendre. Cette initiative a la teneur suivante:
«Art. 58 Politique
économique, alinéa 3 (nouveau) L’Etat institue un
salaire minimum cantonal, dans tous les domaines
d’activité économique, en tenant compte des
différences régionales, des secteurs économiques
ainsi que des salaires fixés dans les conventions collectives,
afin que toute personne exerçant une activité
salariée puisse disposer d’un salaire lui garantissant des
conditions de vie décentes
.» Cette initiative
contribuera à ce que ne reste pas lettremorte un droit
fondamental, reconnu dans la Constitution vaudoise à son art.
33, celui que «toute personne
dans le besoin a droit […] aux moyens indispensables pourmener
une existence conforme à la dignité humaine

Loi cantonale d’application

Si cette initiative est adoptée en votation populaire, le
législateur vaudois sera tenu d’élaborer une loi
d’application dans laquelle devra figurer, entre autres, que les
salaires fixés dans les conventions collectives de travail (CCT)
dont le champ d’application est étendu constituent un
salaire plancher dans les secteurs professionnels concernés. Il
s’agit d’un premier pas vers la fixation d’un salaire
minimum à l’échelle nationale. La Constitution du
canton du Jura, à son article 19 al.3, dispose
déjà que «chaque travailleur a droit à un salaire qui lui assure un niveau de vie décent».
La Constitution jurassienne avait obtenu la garantie de
l’Assemblée fédérale le 28 septembre 1977.
Cette disposition avait été jugée formellement et
matériellement conforme au droit fédéral.
Malheureusement, à ce jour, il n’existe pas, dans ce
canton, de loi d’application pour cette disposition.

Contrer les pressions sur les salaires

La fixation d’un salaire minimum cantonal répond à
un besoin ressenti par de larges couches de la population qui subit une
pression à la baisse sur les salaires, les conséquences
d’un dumping salarial profitant aux employeurs ainsi qu’une
diminution du salaire à l’embauche dans de nombreuses
branches. Rappelons que, selon les résultats de
l’Enquête suisse sur la population active 2004, le taux de
working poor s’élevait en Suisse à 6,7%, soit
211000 personnes en situation de pauvreté laborieuse. Selon une
récente étude publiée par Caritas, ce sont
près d’un million de personnes qui dépendent
d’une aide privée ou publique, dont aumoins 250000
enfants. Ainsi quelques 20%de la population courent le risque de
glisser dans la pauvreté à la suite d’un accident
dans l’existence, par exemple un divorce, le chômage, la
perte d’une rente AI ou une facture de dentiste! Dans le canton
de Vaud comme ailleurs, ces salarié-e-s pauvres travaillent dans
des secteurs comme la vente, les services à domicile,
l’agriculture, le nettoyage ou l’hôtellerie. Et ce
sont en majorité des femmes qui occupent des emplois dont la
forme est dite «atypique»: temps partiel contraint, travail
temporaire ou sur appel, travail de durée
déterminée. Les jeunes sont également
particulièrement touchés.

Selon les statistiques officielles, entre 1993 et 2002, ce sont
1,2million de personnes qui ont connu en Suisse le chômage. Une
personne active sur quatre s’est dès lors trouvée
aumoins une fois sans emploi durant cette période, avec la
dégringolade du revenu que cela entraîne. Et il ne
s’agit là que du chiffre officiel du chômage, qui
sous-estime largement la réalité! Les
mécanismesmis en place par la Loi sur
l’assurance-chômage constituent un rouage essentiel de la
politique de pression à la baisse sur les salaires, à
travers, d’une part, l’obligation pour les chômeuses
et chômeurs d’accepter un travail dit
«convenable» et, d’autre part, bien évidemment
la diminution du revenu liée au montant de
l’indemnité de chômage.

Ce n’est en conséquence nullement le fruit du hasard si on
assiste aujourd’hui à une explosion des demandes
d’aide sociale! Pour tenter de mettre un cran d’arrêt
à cette pression vers le bas des salaires, l’introduction
d’un salaire minimum légal cantonal à fixer, par
exemple, à 3500 Fr. nets (13 fois par an) est une
nécessité urgente.

Jean-Michel Dolivo