Pétition d’ACOR SOS Racisme contre le racisme d’Etat

Pétition d’ACOR SOS Racisme contre le racisme d’Etat


Une revendication élémentaire du mouvement antiraciste : exiger des autorités qu’elles prennent l’engagement de ne plus commettre d’acte de discrimination raciale


Par Karl Grünberg


SOS Racisme demande aux Chambres fédérales de refuser toute entrée en matière sur un projet de législation raciste et discriminatoire contraire à la Convention internationale de l’ONU sur l’élimination de la discrimination raciale, et au Conseil fédéral de prendre l’engagement, devant la Conférence mondiale 2001 contre le racisme et la xénophobie, de retirer la réserve mise par la Suisse à l’application de la Convention susmentionnée.


Le 25 septembre 1994, les citoyennes et citoyens dotés du droit de vote approuvaient à une forte majorité de simples dispositions pénales présentées comme une «loi contre le racisme». Pour importantes qu’elles soient, elles permettent seulement de punir un nombre limité d’exactions.


Conseil fédéral et Parlement avaient agité le miroir aux alouettes. Le vote de ce texte, assuraient-ils, permettrait que la Suisse ratifie et mette en œuvre la Convention internationale de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.


Un siècle de droit d’exeption


Un siècle de «droit des étrangers» a modelé la culture et l’opinion publique, formé la «classe politique». En 1931, très légalement, le Parlement avait voté la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), droit d’exception censé protéger l’identité nationale suisse contre la menace des «étrangers». Tout droit au séjour sera dorénavant refusé à ces derniers. A la chute du nazisme, seul pays européen dans ce cas, la Suisse n’a pas mis en question cette idéologie.


Comment s’étonner dès lors si l’Arrêt fédéral du 9 mars 1993 «portant approbation de cette convention» souligne explicitement que les autorités suisses refusent de s’engager à ne pas commettre d’acte de discrimination raciale. Afin de se réserver «le droit d’appliquer les dispositions légales relatives à l’admission des étrangères et des étrangers sur le marché du travail suisse».


Les Suisses n’ont plus peur des étrangers


Il convient de relever que les autorités réservent à leur usage ce discours sans fard. Hommage du vice à la vertu, le Conseil fédéral distribue une toute autre soupe aux citoyennes et citoyens. En juillet 2000, feignant de combattre le racisme et l’extrémisme de droite il présente sa nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) comme un contre-projet à l’initiative 18% pour dissimuler le contenu raciste de cette loi. Pour pénible qu’il soit ce cynisme rend compte d’un changement. La xénophobie à la papa a fait son temps. L’évolution du pays érode la consistance de cette idéologie. De l’aveu même de Jean Fattebert, vice-président de l’UDC, les Suisses rencontrent tant d’étrangers dans nos villes cosmopolites qu’ils n’en ont plus peur.


Fermement engagée dans le débat sur l’histoire et la lutte contre le racisme d’Etat, l’Association contre le racisme ACOR SOS Racisme, a souligné l’urgence d’un regard critique et serein sur le passé.


Des témoignages accablants


Depuis 1995, elle s’est efforcée au moyen de sa ligne verte antiraciste 0800 55 44 43 d’organiser la défense des personnes qui subissent la violence et le racisme. Et pourtant, les actions et les mesures positives qu’elle propose se heurtent trop souvent à l’indifférence des institutions. Les témoignages se multiplient et révèlent la banalisation de la discrimination raciste:



  • «Il est noir et travaille dans la restauration: ses collègues le refusent à leur table…»
  • «Elle est noire et affectée à une machine dangereuse pour sa santé; un chef lui dit: une noire qui crève c’est pas la fin du monde»
  • «Un réfugié kurde n’a pas droit, en matière d’aide sociale, au minimum fixé par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS)».

La responsabilité des autorités


Nier l’égalité des droits ouvre la porte au racisme et à la négation de l’autre. Qui ne bénéficie pas de l’égalité de droit n’a plus droit à rien. Instituer des discriminations provoque la rumeur et incite à la haine raciale qu’expriment des propos de café de commerce comme: «Ils ont des bijoux, des voitures, ne font rien alors que nous travaillons, prennent nos emplois alors que nous chômons…» La rumeur a bon dos. Grâce à elle, «on» précarise plus encore. Et «on», ce sont les autorités. Un exemple: le barème «famille» de l’aide sociale prévoit des prestations inférieures aux prestations allouées aux célibataires. Contrairement aux personnes qui ne se connaissent pas une famille partage les repas, la cuisine, la salle de bains, les vêtements. Véritable vol à l’astuce: «on», l’administration, fait cohabiter de force des personnes qui s’ignorent pour leur appliquer le barème famille: non-européens donc cousins!


Plainte à Soleure


En décembre 2000, SOS Racisme déposait plainte auprès du ministère public de la Confédération et du Procureur général du canton de Soleure et dénonçait des infractions à l’article 261 bis du Code pénal suisse et aux articles 1 à 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, commises par le truchement de statuts élaborés à l’intention des requérants d’asile et admis provisoires par les autorités concernées. Cette plainte résume le bilan sans appel de cinq ans d’écoute quotidienne des victimes de discrimination raciale. En Suisse, la prévention du racisme ne pourra se développer aussi longtemps que les autorités ne s’engageront pas à ne pas commettre d’acte de discrimination raciale. SOS Racisme invite tous les antiracistes à assurer le succès de cette action pour amener les autorités à prendre cet engagement revendication élémentaire nécessaire au développement du mouvement antiraciste en Suisse.