Grève à la STEP d'Aïre


Grève à la STEP d’Aïre…


Histoires d’eau. Le projet de loi Cramer sera soumis au personnel avant de passer au Grand Conseil. Mardi 13 février une grève d’avertissement avait été organisée et suivie par plus de 120 ouvrières/ouvriers de l’usine d’assainissement de l’eau d’Aïre.

Rémy Pagani


Cette journée d’action avait pour objectif immédiat de faire retirer de l’ordre du jour du Grand Conseil des projets de loi que le Conseiller d’Etat Robert Cramer avait déposé, au nom du Conseil d’Etat, mais sans avoir consulté au préalable les premiers intéressés: les travailleuses et les travailleurs.
Il s’agit de deux projets qui ont pour but de faire passer la gestion des stations d’épuration du giron de l’Etat à celui des Services Industriels, tout en garantissant constitutionnellement la propriété de l’Etat sur les installations, sur le modèle de ce qui a été fait en ce qui concerne l’usine d’incinération des ordures des Cheneviers.
Les motifs de ce mouvement de grève vont plus loin que la défense immédiate (ou même à long terme) des intérêts des employé-e-s de la fonction publique. En effet, la volonté des acteurs de cette mobilisation était de prendre la mesure du défi qui attend les générations futures face à la problématique de l’eau au niveau planétaire. Ainsi, à Aïre, le débat a-t-il été lancé sur les enjeux de l’eau dans un marché mondial, qu’on nous promet déréglementé et dans lequel les requins de la finance guettent leurs proies futures.


Pas question de privatiser l’eau, ou de l’autonomiser


La banque privée genevoise Pictet estime que le degré de privatisation de la distribution d’eau, qui est de 35% aujourd’hui dans le monde, pourrait passer à 85% au cours des quinze prochaines années. En effet l’eau devenant de plus en plus rare dans le monde, et sa distribution de plus en plus chère, Pictet en a tiré les conséquences commerciales et offre, depuis janvier 2000, un fonds de placement ad hoc dit «Water Fund» car, affirment les responsables de cette banque, «il faut s’attendre à un développement supérieur à la moyenne dans ce secteur, en raison de la demande croissante en eau».Bien que la Suisse ne souffre pas de pénurie en eau – pour l’instant – et que les 3000 usines de traitement de l’eau en activité que compte à peu près la Suisse sont presque toutes aux mains des pouvoirs publics, la vigilance reste de mise et c’est bien là le signal essentiel qu’ont voulu donner les employé-e-s d’Aïre!
Lors de cette journée d’action, chacun a pu se convaincre que la tendance actuelle à l’«autonomisation» juridique des usines de la filière de l’eau et à la fusion d’usines de plusieurs communes sous forme de sociétés anonymes risque – à l’avenir – de favoriser la tendance aux privatisations.
En effet, Perrier, Coca-Cola, et d’autres transnationales ont bien compris que l’eau devenant de plus en plus rare, les usines de retraitement de cette denrée essentielle à la vie devenaient un maillon potentiellement intéressant du marché de l’eau en bouteille.


Résister au sein de l’Etat ou des Services Industriels


A la fin de cette journée, au cours de laquelle un fort mouvement de solidarité s’est développé, chacun s’est rendu compte que la place de cette usine au sein de l’Etat ou parmi d’autres usines faisant partie des Services Industriels de Genève ne donnait aucune garantie absolue contre les processus de marchandisation de l’eau. Que seule la détermination des producteurs, c’est-à-dire eux-mêmes, appuyée sur un mouvement citoyen à la hauteur des enjeux, pouvait constituer un réel rempart.
Le Conseiller d’Etat Robert Cramer, ayant constaté l’état du débat sur cette question, mais aussi l’erreur de procédure qui avait été faite en ce qui concerne la consultation du personnel, s’est courageusement engagé à suspendre de l’ordre du jour du Grand Conseil ses deux projets de loi.
En contre-partie, l’assemblée de grève à voté – à l’unanimité – une résolution qui accepte d’entrer en négociation en vue de modifier tout ou partie de ces projets de loi. Une assemblée devant être obligatoirement convoquée pour ratifier ou même refuser les deux nouveaux projets de loi issus des négociations. Protéger l’eau de la marchandisation c’est se protéger soi-même contre un tel processus car, ne l’oublions pas …nous sommes constitués à 90% d’eau!