Quatre rendez-vous antinucléaires

Quatre rendez-vous antinucléaires

Le nucléaire revient…

La résistance aussi.

Entretien avec la présidente de
ContrAtom Anne-Cécile Reimann, réalisé et mis en
forme par Pierre Vanek.

• Quelle est l’actualité du combat antinucléaire?

Anne-Cécile Reimann:
Elle est quotidienne. On a vu par ex. le 4 juin un incident dans une
centrale slovène (Krsko). Cet évènement n’a,
paraît-il, pas eu de suites graves, mais il aurait pu. Il y a eu
un défaut du circuit de refroidissement primaire.
Défaillance, qui selon son ampleur, peut aboutir à la
catastrophe…
Or il s’agit ici d’un réacteur à eau
pressurisée, du type américain équipant
l’essentiel du parc nucléaire occidental. On a le
même – en plus vieux – en Suisse, à Beznau! Greenpeace a
envoyé une équipe sur place, qui fait des mesures de
radioactivité pour vérifier les assertions officielles
sur l’absence de conséquences sur l’environnement.

Au-delà des causes de l’incident, à
éclaircir, il faut noter le cafouillage du système
d’alerte européen (Ecurie). La Suisse en fait partie.
D’abord les autorités Slovènes se seraient
«trompées de formulaire» (sic!) annonçant un
«exercice» et non une panne réelle. Le ministre de
l’environnement autrichien dit que cette tromperie «remet
gravement en question notre confiance dans le système
d’alarme slovène.»1 Le ministre slovène s’excuse et parle d’«authentique erreur humaine».2
D’autres voix s’élèvent pour dire qu’il
aurait fallu garder tout ça secret et ne pas alarmer
l’opinion. Ça augure mal de la réaction en cas
d’accident sérieux ou de catastrophe…

Or un tel accident devient chaque jour plus probable, avec le
vieillissement des réacteurs, la pression du
«marché» à produire toujours plus d’une
électricité dont les prix s’envolent (avec du
personnel sous pression croissante) et la volonté de construire
des nouveaux réacteurs, qui pousse à étouffer les
voix critiques et à réduire la transparence quant aux
«pépins» successifs, à réduire aussi
l’entretien des centrales.
Les nouveaux réacteurs aussi ont des problèmes. Le
chantier en cours de l’EPR en Finlande connaît deux ans de
retard, et deux milliards d’euros de pertes financières,
pour le moment. Et on apprenait, fin mai, des graves malfaçons
sur le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche).

•    Et alors, que fait le mouvement ?

A-C.R: Couchepin affirmait aux
festivités des 50 ans du «Forum nucléaire
suisse» qu’avec la hausse du prix du pétrole le
«renouvellement des centrales nucléaires vieillissantes
devrait être acceptées par le peuple suisse»3
et le patron d’Atel, exploitant de la centrale de Gösgen,
confirmait pour fin 2008 une demande d’«autorisation
générale» pour une nouvelle centrale. Il faut donc
dénoncer inlassablement le danger du nucléaire,
l’inacceptabilité du risque d’un Tchernobyl-bis et
le problème aigu et sans solution des déchets radioactifs.

Nous avons à convaincre que face à la crise climatique,
le nucléaire n’est pas la solution, qu’il produit du
CO2 lui aussi, sur l’ensemble de la «chaîne»
allant de l’extraction de l’uranium au
démantèlement des centrales, et qu’au contraire le
nucléaire est une béquille inacceptable de plus, pour
reculer l’échéance du passage aux énergies
renouvelables, avec l’effort massif de réduction de notre
consommation et d’utilisation plus rationnelle de
l’énergie que ça implique.4

A propos de CO2, il est frappant de voir des milieux
pro-nucléaires et qui refusent toute mesure concrète pour
réduire la consommation d’hydrocarbures, par le trafic
auto privé notamment, se draper de vertu
«écologique» pour refuser des centrales
chaleur-force au gaz, comme les SIG vont en faire une à
Genève, qui représentent une solution transitoire utile
pour sortir du nucléaire, comme nous l’avons toujours dit.

•    Mais concrètement?

A-C.R: ContrAtom est sur le terrain et appelle tous-toutes les
antinucléaires à se remobiliser et à nous y
rejoindre, c’est le moment! Pour l’anniversaire de
Tchernobyl, nous avons participé à la mobilisation
à Genève pour une «OMS-Indépendante»,
contre l’escamotage scandaleux des conséquences sanitaires
réelles de la catastrophe par une OMS, qui trahit sa mission et
qui se plie au diktat de l’Agence internationale pour la
promotion du nucléaire qu’est l’AIEA.5

Le point d’orgue de cette mobilisation (qui continue avec
des «vigies» quotidiennes devant l’OMS auxquelles on
peut se joindre6) a été un rendez-vous impromptu,
improvisé, à la manière de ContrAtom, devant
l’ONU le 19 mai. C’est entre des rangées de panneaux
jaunes, brandis par un groupe motivé de militant-es que les
délégué-e-s à l’Assemblée
mondiale de la santé ont franchi l’entrée de
l’ONU.

Ce comité d’accueil a fait son effet et les slogans
exigeant l’indépendance de l’OMS n’ont pu
échapper aux nombreux délégué-e-s passant
à pied ou en limousine.

•    Et pour l’avenir?

A-C.R: Nous donnons quatre
rendez-vous, importants chacun à leur manière: Le
premier, c’est l’AG de notre association mercredi 18 juin
à Genève. L’occasion pour toutes celles et ceux qui
veulent (re)prendre du service contre le nucléaire de prendre
contact et de discuter de ce qu’il y a à faire ensemble.7

Le deuxième, est un grand rassemblement européen à
Paris le 12 juillet, pour lequel ContrAtom se déplacera et
invite les Romand-e-s à se mobiliser.8 Après
les manifs contre le réacteur EPR en 2006 (30 000 personnes
à Cherbourg) et en 2007 (60 000 dans 5 villes de France)
auxquelles nous avons été, cette manif est capitale. Car
dès juillet 2008, la France prendra la présidence de
l’Union européenne. Energie et nucléaire sont des
enjeux majeurs de celle-ci. Or, les 13-14 juillet, Sarkozy recevra
à Paris des dizaines de chefs d’Etats de l’UE et du
bassin méditerranéen. Il veut continuer à
«vendre» le nucléaire, comme une solution au
changement climatique. Soyons dans la rue pour le démentir!

Troisièmement: le 18 juillet. Nous accueillerons ce jour-là à la frontière franco-suisse9
les participant-e-s à la marche anti-nucléaire
Londres-Genève, initiée par des Australien-ne-s de
Footprints for Peace, venant d’un des principaux pays producteurs
d’uranium… Elle dénonce l’ensemble du cycle
nucléaire de l’atome civil et militaire.

Enfin, pour la rentrée, nous participerons à une manif
à Benken (ZH) contre l’enfouissement des déchets
nucléaires, organisée par Klar!schweiz. Nous aurons
l’occasion de préciser ce rendez-vous. Signalons juste
qu’il est d’autant plus important que la NAGRA10
monte en puissance avec sa désinformation. Pour citer un
exemple: l’un de ses porte-paroles affirmait récemment
qu’«on sait clairement comment éliminer nos
déchets nucléaires en Suisse.»11 C’est faux!

Anne-Cécile Reimann


1    Le Monde du 5.6.08
2     Le Figaro du 6.6.08
3     Le Courrier  du 30.5.08
4     V. la brochure «Face à la menace climatique, l’illusion du nucléaire» (www.sortirdunucleaire.org)
5     V. article d’Alison Katz, solidariteS N° 125
6     S’inscrire c/o Y. Forget: (0033 450 92.64.69). Plus d’infos sur: www.independentwho.info
7     AG ContrAtom, Mer. 18 juin Arcade Castafiore. 20
r. de Montbrillant GE: 19h30 Accueil/Buffet 20h30 Assemblée…
8     Contact avec ContrAtom pour en être avec nous: 022 740 46 12
9     Frontière GE-Ferney, 17h00 18 juillet,
puis rencontre festive à l’Ilôt 13 – derrière la Gare
10     Coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs
11 Le Courrier  du 24.4.08