Réapprendre la désobéissance civile


Contre la violence de l’exploitation globalisée

Réapprendre la désobéissance civile


Juan Tortosa

Fredereick Douglass, l’un des champions de la lutte des Noirs contre l’esclavage aux Etats-Unis, considérait que les révolutionnaires américains du XVIIIe siècle, avaient eu bien raison de prôner l’insoumission à un ordre «injuste, déraisonnable et oppressif». «C’étaient des hommes épris de paix, mais ils préféraient la révolution à la soumission passive à l’esclavage» (voir ci-contre). Pourtant, trois quarts de siècle plus tard, en 1852, à l’occasion de la commémoration du 4 juillet, il stigmatisait en ces termes les champions du nouvel ordre établi: «votre dénonciation des tyrans (…) vos cris de liberté» ne sont «qu’impudence effrontée, vanité, fraude, tromperie, impiété et hypocrisie.»


On ne peut pas mieux désigner aujourd’hui la duplicité des global leaders, qui se gargarisent de liberté et de démocratie, tout en défendant l’accroissement de leurs privilèges aux dépens de la planète entière. Les mal nourris, contraints d’exporter leur production alimentaire pour payer la dette; les malades, privés des médicaments indispensables vendus trop chers; les victimes de la guerre, soumis à des plans d’ajustement socialement injustes qui attisent tensions et massacres; les salarié-e-s licencié-e-s des entreprises qui font des profits: c’est cela la violence quotidienne, avec un grand «V» du capitalisme mondialisé.


Depuis quelques années, l’explosion des inégalités sociales provoque une montée de la protestation à l’échelle internationale. Les occupations des paysans sans terre se multiplient, les grèves ouvrières se durcissent, les femmes dénoncent la montée des discriminations sexistes, les manifestations de la jeunesse s’amplifient, notamment contre les sommets de la Banque Mondiale, du FMI et de l’OMC, des multinationales (Davos) et des gouvernements (Union Européenne, Etats-Unis), qui inspirent et conduisent cette marche vers la régression sociale généralisée.


La méfiance croît parmi les centaines de millions de citoyennes et de citoyens du monde, qui en perçoivent au quotidien les conséquences néfastes. D’où l’aura de sympathie très large qui entoure les manifestations de rue et les actions de désobéissance civile revendiquées par le mouvement anti-mondialisation néolibérale. D’où aussi les tentatives de plus en plus nombreuses de le criminaliser en agitant le spectre des «casseurs». Avec les coups de feu tirés par la police suédoise, qui ont failli tuer un manifestant de Göteborg, touché dans le dos, un nouveau pas a été franchi.


Les manifestations de Seattle, Washington, Melbourne, Nice, Prague, Davos, et demain de Gênes, se revendiquent de l’action directe pacifique. Elles visent à dénoncer, déranger et, si possible, bloquer sous le poids du nombre des protestataires, les conciliabules à huis clos des maîtres du monde. Avant même les graves incidents de Göteborg, c’est toujours la police qui a pris l’initiative de la violence.


Le fait que des petits groupes répondent à la violence de l’ordre établi par une contre-violence, qui cible des biens matériels de façon indiscriminée ou des policiers casqués, bottés et armés jusqu’aux dents, n’est pas revendiqué par la grande majorité du mouvement. On voit trop, en effet, comment ces faits insignifiants sont montés en épingle pour discréditer la finalité de nos actions. Cependant, l’escalade de la violence répressive, sans parler des comportements criminels de la police suédoise, met en péril un droit démocratique essentiel qui nous concerne toutes et tous. En dépit de nos différences, nous saurons le défendre ensemble !