Mouvement de prostestation et état de siège dans le bassin minier de Gafsa en Tunisie

Mouvement de prostestation et état de siège dans le bassin minier de Gafsa en Tunisie

La publication, le 5 janvier 2008, des
résultats du concours de recrutement de la Compagnie des
phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur de la région, a
été le déclencheur du mouvement de protestation
qui a embrasé la région du bassin minier.

Outre, le nombre réduit des admis au concours, en
deçà des attentes de la population, les résultats
étaient entachés de favoritisme et de
clientélisme. Mais ce n’était que la goutte qui a
fait déborder le vase. Le malaise de cette région, comme
plusieurs autres régions de Tunisie laissées pour compte,
est bien plus profond. Il trouve ses racines dans la pauvreté et
la marginalisation du bassin minier.

Depuis l’époque coloniale, l’extraction des
phosphates constitue la principale activité économique de
villes entières de la région. Le nombre
d’employés de la CPG s’est considérablement
réduit depuis 20 ans. Le nombre d’ouvriers est
passé de 14 000 fin des années 80 à 5300
aujourd’hui. L’utilisation de machines de plus en plus
performantes a permis à la compagnie de se débarrasser
d’un grand nombre d’ouvriers.

Quant à l’Etat, son rôle est réduit à
un gendarme qui veille sur la «paix sociale» et garantit
l’exploitation des travailleurs de la mine. Aucune politique de
développement n’a été mise en place dans la
région pour combler le déficit en matière
d’emploi engendré par la réduction des effectifs de
la CPG.

Selon les chiffres officiels, le taux de chômage de la
région approche le double de la moyenne nationale (14.5%) comme
c’est le cas à Redeyef (28%) et atteint
jusqu’à 38% à Oum Laârayess. Le nombre des
diplômés chômeurs y a également
explosé.

Avec la mise en place du processus de lavage du phosphate consommant de
grandes quantités d’eau, le pillage s’est
étendu à l’eau de la région. Pire, les
rejets des eaux de lavage du phosphate ont pollué les nappes
phréatiques, dont l’eau est devenue impropre à la
consommation. A Redeyef, par exemple, les habitant-e-s sont
obligés d’acheter de l’eau potable ramenée
par des vendeurs de zones non polluées.

L’agriculture prospère dans la région a
été anéantie à cause de la pollution du
sol. Les services publics (santé, éducation, transports,
etc.) sont dégradés et très coûteux du fait
du désengagement de l’Etat. Les privatisations les ont
rendus inaccessibles pour les couches populaires. Bas salaires et
augmentation des prix ont plongé la population dans la
misère.

En même temps, la hausse des prix du phosphate ces
dernières années (de 38 à 140 dollars la tonne) a
permis à la CPG d’accumuler d’énormes profits
et à un nombre réduit de personnes proches du
régime de s’enrichir énormément. Parmi
celles-ci, on peut citer le secrétaire régional de
l’Union régionale du travail de Gafsa et membre du
parlement Amara ABBASSI. La corruption qui sévit aussi bien
à l’échelle nationale qu’au niveau du bassin
minier est devenue de plus en plus visible par la population.

Ces éléments conjugués sont les ingrédients
de la situation explosive que connaît le bassin minier ces
dernières années. Avant le 5 janvier 2008, plusieurs
actions de protestation (occupations, manifestations, etc.) ont
été organisées par les chômeurs et les
diplômés chômeurs dans la région de Gafsa.
Plusieurs comités de chômeurs y ont été
créés ces dernières
 années…

Infos tirées de la revue
«Le communiste» du Parti Communiste Ouvrier Tunisien (PCOT)
mai 2008


Communiqué
du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de
l’Homme en Tunisie (CRLDH) • Paris, 23 juin 2008

Arrestation du porte-parole du mouvement de protestation du bassin minier de Gafsa, Adnène HAJJI

La police Tunisienne a procédé, le dimanche 22 juin 2008
vers deux heures du matin, à l’arrestation
d’Adnène Hajji, secrétaire général du
syndicat de l’enseignement de base de Redaïef et l’un
des principaux animateurs du mouvement de protestation au bassin minier
de Gafsa. Son épouse, Mme Jomâa Hajji s’est
présentée au poste de police de Redaïef pour
demander des nouvelles de son mari et lui apporter ses
médicaments. Les policiers ont nié son arrestation et ont
refusé de prendre les médicaments.

Par ailleurs, les militant-e-s les plus engagés dans le
«Combat pour la dignité» sont recherchés par
la police et par l’armée. Il s’agit notamment
d’Adnène Hajji, Béchir Labidi, Taïeb Ben
Othmane, Hassen Ben Abdallah, Belgacem Ben Abdallah, Adel Jayyar, Tarek
Halimi, Boujemaâ Chraïti… C’est ainsi que la police
a effectué cette nuit du 22 juin 2008, une descente au domicile
du syndicaliste de Béchir Labidi et a interpellé,
à sa place, son fils Ghassen. D’autres descentes
similaires ont eu lieu aux domiciles d’Adel Jayyar, Taïeb
Ben Othmane, Béchir Labidi et Tarek Halimi et d’autres
syndicalistes et militant-e-s du mouvement.

Depuis le 6 juin dernier, date de la mort par balles du jeune Hafnaoui
Maghzaoui, et de la blessure de 27 autres, dont plusieurs gravement, la
ville de Redaïef vit sous le contrôle de la police et de
l’armée: ses quartiers et rues sont occupés par les
forces de l’ordre qui provoquent et humilient la population dont
une partie préfère se réfugier dans les montagnes
limitrophes. Des arrestations et des détentions au secret sont
signalées, des dizaines de condamnations à
l’emprisonnement ont été prononcées lors de
procès iniques…

Encore une fois, en réponse aux revendications légitimes
de la population, le pouvoir tunisien répond par la
répression pour faire taire toute expression et toute
velléité de lutte pour les droits fondamentaux à
l’emploi et à la justice sociale. Le CRLDHT dénonce
cette nouvelle escalade de violence exercée à
l’encontre de la population de Redaïef, paralysée par
un impressionnant arsenal répressif afin d’interdire la
moindre manifestation pacifique et mettre un terme à ce combat
de la dignité.

Il appelle à la libération immédiate de M.
Adnène Hajji et à l’arrêt de la politique de
chasse à l’homme qui vise les animateurs-trices du
mouvement de protestation pacifique.

Il s’élève contre cet état de siège
non déclaré que vit le bassin minier de Gafsa et
notamment la ville de Redaïef et appelle à une campagne de
solidarité internationale pour la libération de
tous-toutes les détenu-e-s Il salue le combat de toutes ces
femmes et tous ces hommes, là où ils sont, qui honorent
la Tunisie et leur exprime son engagement total à leurs
côtés.


Le
Congrès de solidaritéS des 14-15 juin 2008 à
Genève a adopté la résolution ci-dessous:

«Ayant été mis au courant de l’extrême
gravité de la situation dans le bassin minier de Gafsa au Sud
Ouest de la Tunisie, nous militant-e-s présent-e-s au
congrès du mouvement solidaritéS:

Affirmons notre soutien inconditionnel aux habitant-e-s du bassin minier et à leurs revendications légitimes.

Condamnons le recours à
la répression implacable à l’égard de la
population tunisienne et à l’égard de leurs forces
vives.

Exigeons:

  • L’évacuation immédiate des troupes
    policières disposées dans la région et dans la
    ville de Redeyef en particulier.
  • La libération immédiate de l’ensemble des
    personnes arrêtées dans le cadre du mouvement et
    l’arrêt des poursuites à leur encontre.
  • La levée du blocus imposé à Redeyef, qui est
    en train de devenir une menace pour l’approvisionnement en
    aliments et en produits de première nécessité, y
    compris de lait pour bébé.
  • La poursuite des responsables des saccages de boutiques d’alimentation.
  • La mise en place d’une enquête indépendante et
    transparente afin de faire toute la lumière sur les violences
    policières ayant coûté la vie à deux
    personnes et fait un grand nombre de blessé-e-s et
    d’engager des poursuites à leurs égard.»


Les congressistes du mouvement solidaritéS.

Genève le 15 juin 2008