La fuite en avant de Sharon

Proche-Orient


La fuite en avant de Sharon


L’assassinat du secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine, Abou Ali Mustafa, a marqué une nouvelle escalade dans la politique de répression du gouvernement israélien contre le peuple palestinien.

Michel Warschawski*

L’assassinat du secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine, Abou Ali Mustafa, marque la volonté délibérée des dirigeants israéliens de pousser les Palestiniens à des réactions de plus en plus violentes, ce qui leur permettrait d’accentuer encore davantage les mesures de punition collective contre les populations de Cisjordanie et de Gaza. L’objectif politique d’Ariel Sharon se dessine de plus en plus clairement: mettre les Palestiniens à genoux pour qu’ils acceptent de négocier un «traité provisoire à long terme» qui laisserait à Israël le contrôle d’environ 50% de la Cisjordanie, ses frontières, ses ressources en eau, et permettrait non seulement le maintien des colonies existantes, mais aussi la poursuite de la colonisation. En échange de quoi les Palestiniens auraient le droit de gérer, dans une «large autonomie» sous tutelle israélienne, le reste des territoires occupés.


Résistance et guerre d’usure


L’état de siège qui confine la population dans des espaces de plus en plus réduits et empêche toute circulation normale des gens et des marchandises, les assassinats de leaders politiques, les bombardements et les incursions de plus en plus systématiques dans les zones autonomes visent donc à écraser la volonté de résistance des Palestiniens afin qu’ils acceptent une capitulation pure et simple. Pourtant, Ariel Sharon et les généraux qui l’entourent se trompent une fois de plus. Il est absolument clair que les Palestiniens n’accepteront pas de capituler: le prix payé au cours de cette année est trop élevé pour qu’ils fassent marche arrière. Tout semble montrer que l’héroïque résistance de cette population va se poursuivre: une résistance passive face à l’état de siège et aux agressions quotidiennes du pouvoir israélien, et une résistance armée contre soldats et colons dans les territoires occupés, qui quelquefois déborde sur le territoire israélien sous forme d’attentats- suicides. Si la souffrance des Palestiniens est grande, rien ne semble indiquer un fléchissement de la résistance à l’occupation israélienne. Ceci, par contre, n’est pas le cas dans la société israélienne, qui semble ces derniers mois marquer un certain essoufflement. Après avoir savouré pendant sept ans une «normalité» qui combinait sécurité et prospérité, les Israéliens ont quelque peine à accepter la fin des sept années de vaches grasses. Au sentiment grandissant d’insécurité, s’ajoutent maintenant les signes clairs d’une récession économique (réduction d’un tiers des exportations, crise du tourisme, montée du chômage, etc.) qui va s’aggraver dans les prochains mois. En outre, la nécessité de mobiliser en masse les réservistes pour suppléer les appelés dans les tâches de répression de l’Intifada préoccupe les dirigeants israéliens, car si la majorité de l’opinion publique soutient encore aujourd’hui la politique répressive de Sharon, rares sont ceux qui se voient y participer directement. En ce sens, le nombre de réservistes réfractaires est surprenant, si l’on tient compte du fait qu’il n’y a pas encore de mouvement large contre la politique répressive menée par Sharon et Pérès dans les territoires occupés.


Protéger les Palestiniens


En fait, c’est une véritable guerre d’usure qui se mène depuis maintenant 10 mois, dans laquelle l’écrasante supériorité militaire israélienne est loin de garantir que ce sont les Palestiniens qui craqueront les premiers. Mais cette guerre d’usure va encore exiger un prix énorme des populations civiles palestiniennes, et il serait proprement criminel de laisser le sang continuer à couler jusqu’à épuisement des combattants. Il semble pourtant que ce soit ce choix cynique que font les puissances impérialistes. Alors que les Palestiniens sont unanimes pour demander l’envoi d’une force de protection internationale, la communauté internationale fait la sourde oreille et semble attendre que la situation se détériore encore davantage pour enfin prendre ses responsabilités. Il est criminel de laisser les acteurs palestiniens et israéliens dans leur inégal face-à-face, et de se contenter de proposer certaines mesures, telles celles incluses dans le rapport Mitchell, tout en se gardant bien de faire quoi que ce soit pour imposer à Israël la mise en oeuvre de ces décisions. Pour les Américains et les Européens, le violeur aurait un droit de veto sur l’intervention de la police…


La direction nationale palestinienne sait qu’il faut prendre au sérieux les déclarations d’Ariel Sharon quand il dit qu’on n’en est qu’aux premiers pas de la «colonisation en Judée et Samarie» et qu’il est donc hors de question de geler cette dernière, comme l’exigent les conclusions du rapport Mitchell que les Israéliens se sont engagés, du bout des lèvres et sous de multiples conditions, à mettre en oeuvre. Seule une forte pression internationale peut donc obliger le gouvernement israélien à remplir ses engagements, et c’est au mouvement international de solidarité de se mobiliser pour exiger des gouvernements qu’ils se décident enfin à prendre les mesures indispensables pour mettre fin au massacre des Palestiniens. Les missions civiles de protection initiées en France par plusieurs organisations de solidarité et du mouvement social sont un moyen pour hâter l’envoi d’une force internationale de protection. Mais tant que cette dernière continue à se faire attendre, les Palestiniens n’auront d’autre choix que de continuer à résister et à se battre, avec tous les moyens qu’ils ont à leur disposition.


* Figure bien connue de la gauche radicale israélienne, anti-sioniste de toujours et membre du Centre d’Information Alternative