A propos de la violence dans les manifs
A propos de la violence dans les manifs
Nous publions ici une libre opinion qui traduit les réflexions de Richard ODonovan dans le cadre dun débat en cours… (Voir aussi à ce sujet notre spécial hors-série N° 2 après Gênes – solidaritéS août 2001)
On entend souvent, pour excuser ou justifier les violences commises lors de manifestations, que nos violences seraient infimes comparées à celles des puissants. Comme toujours, chaque camp prétend que seule la violence de lautre est inacceptable. Il y a pourtant une entente tacite entre forces de lordre et manifestants: la police nemploie pour la répression que des moyens légèrement supérieurs à ceux des manifestants. Quel que soit le degré de violence des manifestants, les forces de lordre ont les moyens de surenchérir. Il est illusoire de croire quon pourrait aboutir à autre chose que la guerre civile en pratiquant lescalade systématique. Notre violence sera en effet toujours infime face à celle dont sont capable les forces de lordre.
Il y a aussi une certaine hypocrisie qui consiste à désapprouver publiquement les violences mais de secrètement se réjouir que dautres les commettent. Une conséquence de ceci est lorganisation de manifestations dans lesquelles on sait parfaitement quil y aura des éléments violents, mais sous prétexte de nexclure personne on prétend que ce nest pas aux organisateurs de faire le travail de la police. Qui alors devrait faire le travail de la police, si ce nest la police elle-même? A Gênes: imaginait-on pouvoir atteindre les chefs dEtats? Imaginait-on que la police pourrait se permettre de laisser faire? Avec le flou du discours sur la présences de groupes violents et lannonce de lintention de pénétrer dans la zone rouge, la réaction violente des forces de lordre était une certitude. Le seul élément de surprise aura été quelle ait pris les devants. Lamalgame des différents types de manifestants ayant été fait par les organisateurs eux-mêmes, la police nallait surtout pas sembarrasser de détails.
Il a été dit que ces groupes qui ne refusent pas la violence font partie, de fait, du mouvement antimondialisation. Cest certain. Néanmoins, le modèle de société quils proposent nous est complètement étranger: à savoir une mythologie révolutionnaire où la conviction se suffit à elle seule comme justification de tous les actes. Hélas, il ne faut pas oublier que toute révolution «réussie» abouti toujours à des dizaines dannées dinstabilité, de violences et dexcès et ont favorisé larrivée au pouvoir des individus les plus dénués de scrupules, des plus dotés de puissance. Les révolutions ont parfois été un instrument rapide pour renverser un pouvoir mais jamais pour linstauration dune société plus juste. La destruction nest pas un moyen dinstaurer plus de justice, ni ici, ni à New York ni en Afghanistan. La prétention (naïve ou hypocrite?) de nexclure personne, exclut de fait ceux qui refusent de se retrouver mêles à des manifestations qui dégénèrent de manière prévisible.
Il y a par ailleurs une immense lâcheté de la part des violents. Ils utilisent la foule comme bouclier. Rejoignant le cortège après son départ, sortant au dernier moment pour affronter la police, ou détruire quelques vitrines et voitures, ils se réfugient bien vite dans la masse protectrice dès les premières charges. Il est inacceptable de se laisser devenir leurs otages. Quils organisent leurs actes eux-mêmes et, sils détruisent une banque sans pour autant nuire aux humains, je leur reconnaîtrai le mérite de la cohérence et du courage de leurs opinions. Lidée dorganiser des doubles manifestations – dun côté ceux qui refusent la violence, de lautre les autres – est délirante. Qui osera décider du parcours? Qui osera dire quel quartier de la ville sera le théâtre de guérilla? Qui osera prendre la décision absurde de dire dans quelles rue on peut brûler les voitures?
Que ceux dont la colère est immense nous rejoignent, quensemble nous luttions contre les injustices, quensemble nous essayions de réduire la violence et ses causes. Lidéal nest pas un monde où ce serait nous qui serions du côté de ceux qui contrôlent la violence et la puissance. Habitant la Suisse, cest déjà le cas. Le mouvement antimondialisation prend de lampleur et cest très réjouissant. Mais nous devons absolument tout faire pour maintenir une cohérence entre notre discours et nos actes, entre notre condamnation de la violence et les conséquences des manifestations dont notre mouvement est co-organisateur. Nous sommes responsables de ce que nous mettons en place. Ce nest pas à la police de faire notre travail.