Fiscalité vaudoise: «bon sens» et mauvaise foi

Fiscalité vaudoise: «bon sens» et mauvaise foi

Les référendaires ont mené un combat
inégal, tant sur le plan des moyens — quelques milliers de
francs contre toute la machinerie gouvernementale et patronale —
que sur celui des arguments…

Le patronat n’hésitant pas à vanter les effets
positifs sur l’emploi (!) de ce paquet fiscal. Malgré le
rejet des deux référendums, des bornes aux futurs projets
gouvernementaux ont toutefois été posées.

    Il y avait donc deux objets en votation. D’un
côté, un « bouclier fiscal »
pour les gros contribuables au niveau des communes, de l’autre,
au niveau cantonal, un allégement certain pour les actionnaires
les mieux lotis et un susucre pour les familles. La gauche radicale,
qui avait lancé le double référendum en compagnie
de syndicats, principalement le Syndicat des services publics (SSP),
prônait le rejet de ces cadeaux fiscaux, le dernier
n’étant qu’un trompe-l’œil. Les Verts
finirent pas rejoindre le camp du double NON.

    Le Parti socialiste mit en place une
« stratégie » à double
détente : dans un premier temps, dire OUI aux
allégements cantonaux (pour conserver le susucre) et NON au
bouclier fiscal, puis lancer prochainement une initiative reprenant le
cadeau fait aux actionnaires pour allouer celui-ci à
l’assurance-maladie. Rappelons aux stratèges en question
que ce genre de démarche en deux temps s’était
déjà cassé la figure lors de la 10e
révision de l’AVS : après avoir dit OUI
à la révision, l’USS tenta, sans succès,
d’en supprimer la prolongation de l’âge de la
retraite pour les femmes par le biais d’une initiative.
Mentionnons aussi le fait qu’entre un projet soutenu par toute la
droite et le PS vaudois (les allégements) et un projet soutenu
par toute la droite, mais combattu par le PS (le bouclier fiscal), la
différence dans le camp des opposants n’est que de
8,55 %. Il y a eu en effet 29,7 % de NON aux
allègements cantonaux et 38,25 % de NON au bouclier
fiscal.

    Les deux projets gouvernementaux ont
été acceptés à de confortables
majorités, ce qui permet à Laurent Busslinger, chef de la
rubrique vaudoise à 24 Heures, de louer « des
prudences réfléchies qu’on aime à nommer bon
sens ». Auparavant, il avait cru pouvoir constater
qu’« à la stricte et trompeuse
‹ égalité › face à
l’impôt, une plus subtile
‹ équité › […] a
été préférée » (24
Heures, 9.2.09). Cette distinction entre une égalité
grossièrement plébéienne et une
équité toute d’équilibre et de distinction
était une spécialité de l’ancien premier
ministre français Edouard Balladur. Dans ses nouvelles fonctions
de conseiller personnel de Pascal Broulis, Laurent Busslinger pourra
l’exercer à loisir. Sous les applaudissements du nouveau
chef de la rubrique vaudoise de 24 Heures, Justin Favrod.
Lui-même ancien conseiller personnel de… Pascal Broulis.
L’indépendance de la presse n’est pas un vain mot du
côté d’Edipresse.

    Si l’on regarde les résultats par
districts, on constate sans surprise que les districts avec villas
discrètes et vue sur le lac (Nyon : 69,4 % pour le
bouclier fiscal; 77,4 % pour les allégements) font bon
ménage avec les plus traditionnellement conservateurs
(Broye-Vully : 66,7 % et 74,4 %). En revanche, le
district de Lausanne (47,3 % de NON au bouclier et 36,7 %
contre les allégements) et celui du Jura-Nord vaudois
(respectivement 41,9 % et 32,1 %) voient
l’opposition y réaliser ses meilleurs scores. Dans la
capitale, il s’en est même fallu d’un cheveu (28
voix) pour que les référendaires ne l’emportent en
matière de bouclier fiscal. De bon augure pour les prochaines
batailles fiscales.

Daniel Süri