Pologne: douze mineurs victimes du capitalisme sauvage

Pologne: douze mineurs victimes du capitalisme sauvage

Président du syndicat libre
Serpien 80 (Août 1980), Boguslaw Zietek pose la question :
« Comment tuer un capitalisme
sauvage ? » dans les colonnes du journal polonais
Kurier Zwiazkowy (24.9.2009). Question aujourd’hui plus
pertinente que jamais.

Il y a quelques jours, douze mineurs ont perdu la vie dans le sud du
pays à cause d’une fuite de méthane. Edyta
Tomaszweska – porte-parole du service d’Etat chargé
de superviser l’activité des mines – a fourni plus
d’éléments : l’explosion s’est
produite à 1050 mètres de profondeur, dans la mine de
Wujek-Slask à Ruda Slaska. Quelques mineurs sont morts sur le
coup, d’autres ultérieurement en raison de leurs
brûlures. La télévision polonaise TVN24 a
signalé la présence, aux environs de l’explosion,
de 38 autres mineurs, dont quinze sont aussi sérieusement
blessés. Cette tragédie est la dernière
d’une longue liste de catastrophes dans les mines polonaises.
L’année passée, cinq mineurs sont morts dans le
village de Jastrzebe Zdroj à cause d’une explosion de
méthane; en 2006, 26 mineurs sont morts à Halemba.

    Le vice-premier ministre polonais, Waldemar Pawlak
(président du Parti du peuple polonais) a déclaré,
lors d’un entretien avec The Times :
« Ce qui est grave dans cette affaire, c’est que
certains n’ont pas respecté leurs obligations et ils ont
créé une fausse alarme (sur la sécurité
dans les mines) ». Il ne parlait pas, bien sûr, de
la direction de la mine de Wujek-Slask. Faire porter la
responsabilité aux travailleurs morts, alors que les familles
veillaient encore leur corps, peut causer une grande colère.
Stephen Kasinski du syndicat Serpien 80 a expliqué :
« La sécurité et la vie des mineurs sont ce
que nous avons de plus précieux, les normes de
sécurité doivent donc être respectées. Nous
ne pouvons accepter une tragédie comme celle-ci, tous les 3 ans.
Ca suffit ! Les responsables doivent être conscients que
le problème s’aggrave chaque jour ».

Mafia et capitalisme sauvage

Ces derniers jours, plusieurs faits contredisent le vice-premier
ministre : la tragédie est due au manque de respect des
normes de sécurité par la direction et à la
falsification des indices de concentration de méthane. Les
travailleurs continuaient donc le travail, les contrôles
étatiques gênants étaient évités,
comme la perspective de l’abandon de ce secteur de la mine.

    Dans son article, Boguslaw Zietek dénonce la
généralisation de telles pratiques, qui mettent en danger
la vie des travailleurs pour augmenter la production et rappelle que la
tragédie de Halemba peut se reproduire chaque jour :
« Ca s’est déjà passé et il
n’y a pas eu de réponses; les
délégués syndicaux à Katowice ont
démontré clairement la falsification et la manipulation
des capteurs mesurant les concentrations de méthane
(Ndlr : dans la mine de Szczyglowice). Il y a des
preuves : les témoins présents, la confirmation
des employés interrogés, des enregistrements, des preuves
de la répression menée par la direction contre les
travailleurs pour leur faire changer leur témoignage (…).
Deux ans après, toujours rien. L’enquête s’est
embourbée. Les personnes qui travaillaient sur ce site ont
été transférées ailleurs. La vidéo
continue ‘d’être analysée ’ par
des experts ».

    Et Zietek de poursuivre : « La
mine est contrôlée par la mafia, dont les positions sont
légitimées par l’autorité de l’Etat.
Elle inclut non seulement les entreprises de charbon, mais les
organismes d’audit, les services étatiques et le
système judiciaire. Son pouvoir ne se manifeste pas seulement
lors des incidents de la mine et par la répression contre les
travailleurs, mais par l’impunité de tous les crimes
commis par cette industrie. Lors de la tragédie de Halemba, nous
avons été seuls à dire que l’exploitation
tue. Aujourd’hui, même les personnes ayant peu de sympathie
pour les mineurs parlent d’exploitation, d’un capitalisme
sauvage et primitif, de sentences de mort et d’assassinat. Les
mineurs le paient de leur vie. Après quelques semaines de
silence, comme d’habitude, on constate que les politiciens et la
direction de la mine ‘ne sont coupables de rien’.
Après leurs tournées électorales dans les mines de
Silésie, les politiciens devraient garantir la
sécurité des mineurs. Après la prochaine
tragédie, quelques personnes désespérées
pourraient bien chercher à se faire justice
elles-mêmes… »

Daniel Alcade Güelfa

(Izquierda Alternativa, trad. hpr)

————–
« Serpien 80 » et le Parti polonais du travail (PPP)
Les animateurs de Serpien 80 ont fondé le Parti polonais du
travail. Voir Jan Malewski, « Union
européenne : premiers pas d’une gauche nouvelle
anticapitaliste »
(http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=722), Inprecor,
no 549/550, mai 2009.