Grand Conseil: le capital choyé

Grand Conseil: le capital choyé

Bouclier fiscal pour les riches et
défiscalisation des dividendes acceptés en février
2009 en votation populaire, échec de l’initiative sur les
forfaits fiscaux il y a deux mois : dans le canton de Vaud, le
rapport de force sur les questions fiscales sourit à la droite,
qui ne se prive pas de l’exploiter.

En février 2009, dans le cadre d’un premier paquet fiscal,
le Conseil d’Etat réussissait à faire accepter
à la population vaudoise une défiscalisation des
dividendes des gros actionnaires, ceux qui possèdent au moins
10 % des actions d’une société.
Bingo : moins de 1 % des contribuables vaudois
empochaient 56 % des baisses fiscales proposées par ce
« paquet » à 160 millions.

    Le Conseil d’Etat revient aujourd’hui
à la charge en proposant une réduction de 50 % du
taux de l’impôt sur le capital des sociétés.
Un cadeau aux actionnaires dont le prix est chiffré à 8
millions de francs pour le canton et 4 pour les communes, sommes
très certainement sous-estimées, puisque le grand
argentier vaudois Pascal Broulis y reconnaît une marge
d’incertitude de 30 %… En réalité, les
flous artistiques et autres prestidigitations dans les
prévisions sont devenus au fil des ans une des grandes
spécialités du ministre des finances, qui semble avoir
pris aux sérieux la boutade de Churchill : «Je ne
crois qu’aux statistiques que j’ai moi-même
manipulées». Ainsi, lors de la présentation des
comptes 2009, le ministre, par des manipulations dans les
écritures de bouclement, avait réussi à
réduire artificiellement le solde positif des comptes de 1,2
milliards à 379 millions de francs ! Un journaliste du 24
Heures  expliquait alors avec pertinence le but de la
manœuvre : « Le patron des Finances craint
surtout que la bonne santé financière du canton suscite
trop d’appétits » (27.03.2010).

    Une préoccupation partagée par les
députés UDC et libéraux, qui proposent que le
présent projet du Conseil d’Etat soit flanqué
d’une diminution de 3 % de l’impôt sur les
personnes physiques. Compte tenu de la progressivité dudit
impôt, une telle baisse privilégierait en premier lieu les
gros revenus.

    Lors de la présentation du budget 2010, le
ministre vantait pompeusement un programme de dépenses
«anticycliques» à 102 millions. En
réalité, il s’agit seulement pour moitié
d’une adaptation à la croissance démographique de
2 % en moyenne dans le canton ces dernières années
(ce qui suppose un doublement de la population sur quarante ans) ; et
pour moitié de charges induites par des modifications
législatives antérieures à 2010… Loin de
ces effets d’annonces, un récent tract du Syndicat des
services publics donne quelques exemples concrets des effets de
l’austérité induite par ces cadeaux aux plus riches
sur le personnel de l’Etat : « à
l’Administration cantonale des impôts, les
salarié.e.s ont l’obligation d’effectuer au moins 50
heures supplémentaires d’ici la fin de
l’année. Pas question d’engager du personnel
supplémentaire, il suffit, selon la direction, d’augmenter
de 20 % le quota de dossiers traités par
employé.e, un quota qui ne permet déjà pas
d’effectuer correctement le travail. Tant mieux pour les (riches)
fraudeurs du fisc, qui passeront plus facilement entre les gouttes. Au
CHUV, le personnel de nettoyage est contraint, quasi quotidiennement,
de remplacer les collègues absents et ceci sans qu’aucune
heure supplémentaire ne soit octroyée, et donc
payée… La même situation prévaut dans les
soins, où les équipes sont en sous-effectif chronique,
les remplacements ne sont pas assurés, y compris lors
d’absences pour de longues périodes. »

Le jeu trouble de la gauche gouvernementale

La droite passera d’autant plus facilement au Grand Conseil que
PS et Verts ne s’opposent pas à cette
défiscalisation du capital. En effet, ceux-ci se sont abstenus
lors du vote en commission, en échange d’un soutien de la
droite au projet du socialiste Pierre-Yves Maillard, chef du
Département de la santé et de l’action sociale, qui
défend une révision de la loi sur les prestations
complémentaires cantonales pour les familles. Ainsi, le
gouvernement peut affirmer par une subtile dialectique que la
défiscalisation du capital « est en lien avec la
stratégie cantonale de lutte contre la
pauvreté ». Bref, l’entente
radicalo-socialiste fonctionne à merveille, comme elle avait
fonctionné lors de la votation sur le paquet fiscal antisocial
de 2009. Même si à terme, on voit mal comment ces 105
millions annuels consentis aux gros actionnaires (paquet fiscal et
révision actuelle) viendraient en aide aux 22 543
personnes ayant un dossier Revenu d’insertion (RI) en avril
2010 ; ni du reste aux 23 702 demandeurs d’emploi recensés
en juillet 2010 dans le canton.

Hadrien Buclin