Le racisme s’impose-t-il au poste de commandement ?

Le racisme s’impose-t-il au poste de commandement ?



Il ne suffit pas de se dire
antiraciste, nos engagements politiques et sociaux contre la
dégradation de la vie doivent comporter un vrai combat pour
l’égalité de traitement, pour l’abolition des
lois et des règlements discriminatoires, contre le nationalisme
raciste, le colonialisme et l’impérialisme et pour le
respect de toutes les traditions culturelles. En effet, le temps
où les partis racistes étaient minoritaires est
terminé…

La France de Nicolas Sarkozy a multiplié au cours de
l’été 2010 les pogroms anti-roms, les Etats-Unis de
Sarah Palin agitent la furie islamophobe contre la
« mosquée de ground zero ». Et
maintenant, c’est l’Allemagne de Thilo Sarrazin qui
élève le racisme identitaire en tête des
préoccupations des gouvernements occidentaux. Membre du
directoire de la Bundesbank et du SPD (parti socialiste allemand),
Thilo Sarrazin a publié un livre raciste
« L’Allemagne court à sa
perte ». Cet islamophobe croit à l’existence
d’un gène juif, il a dû démissionner, mais il
a suscité un fort courant de sympathie.

Avant la France, les USA, l’Allemagne… la Suisse !

En inscrivant le 26 novembre 2009 dans sa législation
l’interdiction de construire des minarets, la Suisse avait ouvert
la marque. Dans deux mois et demi, le 28 novembre, ses citoyen.ne.s
auront le choix entre la peste et le choléra :
l’initiative de l’UDC comme le contre-projet du Conseil
fédéral proposent des mesures d’exception contre
les « étrangers ».(1) 

    On croit parfois que l’appauvrissement est
mère du racisme. La mobilisation des travailleuses et des
travailleurs pour leurs intérêts communs ferait reculer ce
dernier. Mais l’hostilité contre
« l’étranger » ne
contribue-t-elle pas à affaiblir la résistance à
toutes les formes de dégradation de la vie et à
l’insécurité qu’elle provoque ?
L’enracinement du racisme ne fait-il pas obstacle à cette
mobilisation ?

Lutter contre le racisme pour renforcer la résistance sociale

    La révision de la loi sur le chômage
précarisera les plus menacés. Les officines publicitaires
des partis de droite vendent la
« réforme » avec le savoir-faire des
vendeurs de malbouffe, de cigarettes ou de petites culottes. La gauche
appelle à la rejeter, rejointe à Genève par le
MCG. Pourquoi ? Pour défendre les résidents de
Genève « au moment où l’afflux de
frontaliers crée artificiellement de nombreux chômeurs,
à l’heure où 60 milliards ont été
trouvés pour sauver une grande banque ».(2)

    Qui ne connaît des exemples
d’entreprises – publiques ou privées –  où les
tensions entre « communautés
nationales » rendent la solidarité plus
difficile ?

Chauvinisme majoritaire et autodéfense communautaire

Le communautarisme le plus fort est majoritaire, c’est le
« sentiment identitaire suisse » que
l’UDC met en musique en entraînant avec lui le Conseil
fédéral tout entier.(3) Poussées au repli les
communautés minoritaires se rendent visibles les
démagogues ont beau jeu d’aggraver leur stigmatisation,
leur discrimination.

Après la lutte contre la xénophobie, la lutte contre les réfugiés

Les succès contre les initiatives xénophobes des
années 1970 à 2000 ont forgé la lutte contre la
xénophobie. Les campagnes menées au nom de
l’unité des travailleurs·euses se retrouvaient
gagnantes. Mais les partis de droite, les associations patronales, les
églises et le Conseil fédéral eux aussi faisaient
voter « anti-xénophobe ». Les
majorités étaient les leurs et leur argumentaire
disait : «Les Suisses ne veulent plus faire les sales
boulots».

    Dès 1985, la situation s’inverse. Aux
« étrangers » succèdent les
« réfugiés ». Les
autorités suisses, les partis de droite, les patrons, le Conseil
fédéral etc. n’ont pas cessé de
réviser la Loi sur l’asile contre les prétendus
abus que commettraient les réfugié·e·s. Ils
ont bâti le socle sur lequel l’UDC érigera ce
nouveau nationalisme raciste bien utile pour huiler des institutions
sévèrement grippées.

Le clash des civilisations une idéologie raciste, impérialiste, colonialiste

Le 15 mai 1991, le gouvernement suisse annonce une nouvelle politique
migratoire qui doit fermer la Suisse « aux ressortissants
des pays qui n’ont pas les idées européennes (au
sens large) »(4). L’euphémisme est
glaçant, il reflète la banalité du mal.

    Il fallait du souffle pour oser ça en mai
1991 ! Nelson Mandela était à peine sorti de
prison et le parlement sud-africain était en train de voter la
suppression de l’apartheid.

    Cette avance de la Suisse sur les autres pays
impérialistes (eux-mêmes se disent démocratiques),
précède de six ans Samuel P. Huntington et son
célèbre « Clash des
civilisations » qui annonce ce racisme des Palin, Sarkozy,
Sarrasin, etc. qui s’impose aujourd’hui :
« Les trois questions suivantes résument les
efforts de l’Occident sur la scène internationale :
1) le maintien de sa supériorité militaire par les
politiques de non-prolifération et de
contre-prolifération des armes nucléaires, biologiques et
chimiques et des moyens de les utiliser; 2) la promotion des valeurs
politiques et des institutions occidentales en pressant les autres
sociétés à respecter les droits humains tels
qu’ils sont conçus à l’Ouest et à
adopter la démocratie à l’occidentale; 3) la
protection de l’intégrité culturelle, sociale et
ethnique des sociétés occidentales par la restriction du
nombre des non-occidentaux admis comme immigrants ou
réfugiés ».

Karl Grünberg



1    En 1893, la Suisse avait été le
premier Etat européen à adopter une disposition
ouvertement antisémite. Il est probablement inutile de rappeler
la suite des événements. Le 24 septembre 2006, la LEtr
fermait la Suisse aux non-Européens, etc.
2     7 juillet 2010, communiqué du MCG.
3    En France, le régime Sarkozy a
valorisé le communautarisme français, Berlusconi et Bossi
les communautarismes italien ou padanien, etc
4    Rapport du Conseil fédéral sur la
politique à l’égard des étrangers et des
réfugiés, 15 mai 1991.
5    Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem.
Rapport sur la banalité du mal, trad. française A.
Guérin, Gallimard, 1966
6    Samuel P. Huntington, The Clash of Civilizations
And the Remaking of World Order,  Simon & Schuster, Londres,
1997, p. 185-186, notre traduction.