Arrêtons la guerre... criminelle, illégitime... et illégale
Arrêtons la guerre… criminelle, illégitime… et illégale
Limpérialisme est-il aujourdhui «collectif»? Oui, certainement. Les intérêts du «grand capital» dans le monde sont de plus en plus entrelacés et toutes les composantes de la fameuse triade (USA-UE-Japon) ont en commun le même objectif: imposer l«ordre» impérialiste et le règne marchand sur lensemble de la planète. En regard de cette ambition conjointe, leurs divergences, leurs compétitions ne sont assurément que secondaires.
Ladministration Bush veut-elle la guerre en Irak? Utilisera-t-elle tous les subterfuges pour y arriver, passera-t-elle outre toutes les oppositions? Elle y semble très fortement déterminée, en tout cas – à lire les journaux – pour son «aîle» majoritaire.
Le déclenchement de bombardements massifs sur lIrak ces prochains mois est-il pour autant inéluctable? Bush veut nous le faire croire, mais même si cela paraît probable, cela nest pas certain. Ce serait tout dabord faire peu confiance à notre propre force. Partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis, lopposition grandit face à une telle perspective, les mobilisations se font de plus en plus massives.
Lucidité, oui, défaitisme non. De plus, si toutes les composantes de cet «impérialisme collectif» ont mille fois la preuve quelles étaient prêtes à faire usage de la force militaire pour arriver à leurs fins, elles nont pas forcément intérêt à suivre les Etats-Unis sur un terrain où elles ne peuvent que rester déternelles subordonnées. Toutes savent que les USA sont de fait les seuls à pouvoir projeter leurs troupes dans le monde entier, quils jouissent dune supériorité militaire inégalable et que la guerre et la militarisation sont devenus pour eux linstrument privilégié par lequel ils tentent, dans le processus même de la mondialisation néolibérale, daffirmer une hégémonie sans conteste. Y compris face à leurs propres concurrents et alliés.
«Stop the war»
Ce mot dordre prend ici tout son sens. Il ne sagit pas simplement de préparer à protester massivement contre des bombardements massifs lorsquils auront lieu, mais dempêcher leur déclenchement. Et il ne sagit pas simplement dempêcher la guerre, mais de larrêter, car celle est déjà en cours, depuis presque douze ans, et elle savère terriblement meurtrière lorsquon y associe les effets de lembargo.
Même si nous ne parvenons pas à arrêter cette guerre, la manière dont elle sera éventuellement déclenchée – avec ou sans laval (implicite ou explicite) de lONU, par une coalition dEtats ou par les seuls Etats-Unis (plus la Grande-Bretagne?) – ne sera pas indifférent. Cela aura même dénormes répercussions pour la suite, car bien évidemment lIrak nest pas seul pays dans le collimateur.
Jouer des dix doigts
Cest guerre nest pas seulement criminelle, illégitime, elle encore parfaite illégale en regard du droit international.1 Au (juste) motif que lONU, son Conseil de sécurité en particulier, fait le jeu des Etats-Unis, quelle est le lieu de toutes les magouilles, pressions, chantages, manipulations, inconséquences, des «deux poids deux mesures», etc., certains considèrent cet élément comme négligeable. A leurs yeux, lONU est définitivement discréditée et il est devenu vain de considérer quelle pourrait encore servir notre cause de quelque manière que ce soit. A mon avis, ils ont tort.2 Ce nest pas parce les jurys, blancs, du Texas ou de Virginie, absolvent le plus souvent les flics coupables de tabassages de «negroes», que la communauté noire, et avec elle tous les progressistes et antiracistes, doivent renoncer à invoquer les articles de la constitution américaine condamnant la discrimination raciale, si chèrement conquis. Il ny a pas lieu dopposer par principe manifestations de rue, actions directes, et recours au droit. Pour faire de la politique, il faut savoir jouer des dix doigts, disait Mao!
En loccurrence, nous devons exiger de tous les gouvernements de pays membres de lONU, et en particulier du nôtre, qui vient de nous inviter à grand renfort de discours solennels à y adhérer:
- de déclarer, dans le cas despèce, tout recours à la guerre comme foncièrement contraire à lesprit même des Nations Unies et de sa Charte;
- de sopposer à toute nouvelle résolution du Conseil de sécurité, et à toute interprétation de la toute récente résolution adoptée sur lIrak, ouvrant la voie à des mesures militaires contre lIrak et sa population;
- de mettre en garde les USA, et tout pays qui se joindrait à eux, du fait que toute action militaire unilatérale quils lanceraient contre lIrak serait considérée comme une agression caractérisée, condamnée et sanctionnée en tant que telle;
- de placer en demeure ces mêmes USA, et la Grande Bretagne, de mettre une fin immédiate aux bombardements et survols auxquels ils procèdent depuis plusieurs années sur lIrak.
Ce sont les Etats-Unis qui doivent être mis au ban de la communauté internationale: Ce sont eux lEtat terroriste, le «rogue state» par excellence. Sils déclenchent la guerre, il faut quils la paient cher, au moins sur le plan politique et diplomatique pour les décourager de continuer sur cette voie.
Florian ROCHAT
- Voir par ex. à ce propos larticle de Richard Falk dans le Monde Diplomatique de déc. 2002. Quoique pour le moins très modéré, «nuancé» lorsquil évoque dautres exemples passés, celui-ci est catégorique dans le cas despèce.
- A signaler que laile la plus réactionnaire de ladministration Bush ne tient pas un autre langage: «Si lONU nous suit, tant mieux, mais si elle se montre trop pointilleuse, trop pinailleuse, on sen fout, on passera outre!», dit-elle en substance.