Cadeaux fiscaux aux entreprises: le référendum a abouti
Cadeaux fiscaux aux entreprises: le référendum a abouti
5004 signatures validées
déposées le 9 décembre alors quil en
fallait 4500 : le comité citoyen et les organisations qui
le soutenaient ont réussi leur pari. Le référendum
a abouti contre la volonté du bloc
PSlibéral/radicalUDC qui sétaient
mis daccord au Grand Conseil pour voter une modification de la
loi sur la fiscalité des personnes morales.
SolidaritéS a rassemblé à lui seul plus de 2000
signatures. Pour rappel, les deux mesures phares de cette
réforme :
baisser limpôt sur le bénéfice des
entreprises dun taux variant de 6 à 10 % à
un taux unique de 5 % dici 2016.
réduire massivement le taux dimposition des
holdings en le faisant passer de 0,5 pour mille à 0,005 (vous
avez bien lu, taux dimposition divisé par 100 !)
Aussi bien limpôt sur les
bénéfices que limpôt sur les holdings
compteraient ainsi parmi les plus bas de Suisse.
Sortir de la crise par des cadeaux aux entreprises ?
Cest la solution, imaginée par le parti socialiste et les
partis bourgeois, pratiquée depuis trente ans dans le canton par
le biais des exonérations fiscales dont
bénéficient les entreprises qui sinstallent ou qui
investissent. Cette politique a été menée durant
près de 30 ans dans lopacité la plus totale. En
2010, une centaine dentreprises bénéficient encore
dexonérations totales ou partielles dimpôts.
22 sociétés arrivent en fin dallègement en
2010 et 19 en 2011. Cest pour elles que la loi fiscale est
révisée.
Les rentrées fiscales des entreprises sont
faibles dans le canton, un peu plus de 100 millions. Sur les 6200
entreprises que compte le canton, une centaine paient à elles
seules plus de 80 % de limpôt, la grande
majorité plus de 5000 ne paient que quelques
centaines de francs. La révision de la loi fiscale concerne
donc, en réalité, cette poignée
dentreprises cotées en bourse plus celles qui sont
actuellement exonérées, pour lessentiel des
filiales de multinationales ayant leur siège à
létranger. Baisser leurs impôts, cest
augmenter leurs bénéfices, ce qui se traduit par une
augmentation du cours à la bourse et une augmentation du
dividende versé. Sans compter que la nouvelle loi
contestée par voie référendaire
prévoit que lorsque la prochaine réforme touchant les
personnes physiques entrera en vigueur, les actionnaires verront encore
leurs impôts baisser.
La politique fiscale du canton de Neuchâtel
est emblématique du mécanisme pervers mis en branle il y
a une trentaine dannées. Limposition des personnes
morales dont le bénéfice dépasse 40 000 fr.
est passé de 18 % à 10 % en 2001 et en 2016
il se retrouvera à 5 %. En 15 ans cela représente
une baisse de 72 %. Laugmentation des
inégalités entre celles et ceux qui vivent de leur
travail et celles et ceux qui vivent du rendement du capital ne tombe
pas du ciel. Cest le résultat dune politique
concrète décidée par tous les gouvernements,
quelle que soit leur couleur politique.
A partir des années 1980, le canton de
Neuchâtel, sous limpulsion du Parti socialiste, a
commencé à pratiquer les exonérations fiscales
pour les entreprises étrangères qui sinstallaient,
pour sétendre ensuite à toutes les entreprises qui
investissaient, pour finir dans lactuelle opacité,
parfaitement ingérable. Comme beaucoup dentreprises
importantes (par les bénéfices quelles
réalisent) ne payaient plus dimpôts, on modifie la
loi pour quelles ne connaissent pas un saut trop
élevé. Ceux qui ont imaginé les
exonérations temporaires nauraient pas osé,
à lépoque, proposer des baisses
dimpôts inscrites dans la loi à hauteur de celles
pratiquées aujourdhui.
Le paradoxe neuchâtelois
Le canton de Neuchâtel a la particularité de
connaître une majorité politique dans les villes et au
Grand Conseil des partis dits de gauche, avec un parti socialiste,
principal parti du canton, dominant. Pourtant, ce canton
connaîtra une des plus faibles impositions du
bénéfice des entreprises et des holdings de Suisse et une
des plus fortes impositions des personnes physiques. Ce
phénomène curieux mérite dêtre
expliqué.
Le Parti Socialiste Suisse a signé, en tant
que parti, le manifeste fiscal (1), qui demande notamment un
renforcement des modes dimposition qui contribuent à la
redistribution des richesses, labolition des privilèges
fiscaux accordés aux sociétés holding, une
harmonisation des impôts cantonaux sur les revenus, la fortune et
sur les entreprises et la mise en uvre dun système
de taxation basé sur le principe de capacité
économique, tel quil figure dans la Constitution.
Signer ce manifeste, cest
sengager à faire évoluer la politique
fiscale en faveur dune réduction des
inégalités de revenus. Tout le contraire de ce que
préconise le PS neuchâtelois. Bref, là où le
PS est en position de décider, il pratique une politique inverse
de celle quil prône dans le manifeste fiscal, en alliance
avec la droite.
La question doit être tranchée. Le PSS
pense-t-il que pour sortir de la crise, il faut baisser
limposition des entreprises et des holdings, comme il le fait
là où il est en position de décider ? Dans
un tel cas, sa signature du manifeste fiscal nest quun
effet de manche pour les médias.
Pour introduire un peu de justice fiscale, il faut
au parlement une majorité de 3/5. Cette voie est donc
définitivement bloquée et seul un vote du peuple (ou un
mouvement social à même de faire trembler la
république) permet de mettre en cause laugmentation
planifiée des inégalités. Refuser cette loi
injuste et anti-sociale, cest dire que la politique du
gouvernement va dans le mauvais sens, lui qui en plus sacharne
à maintenir linitiative « Pour une
contribution extraordinaire des grandes fortunes, limitée dans
le temps » dans ses tiroirs, en violation flagrante de la
légalité.
Henri Vuilliomenet
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1 Vous pouvez signer ce manifeste sous : www.manifeste-fiscal.ch