FMI - Suisse une complicité à 30 milliards

FMI – Suisse une complicité à 30 milliards

Le Conseil national vient
d’approuver une ligne de crédit de 30.5 milliards de
francs au Fonds monétaire international (FMI). La Banque
nationale suisse (BNS) allouera les fonds, mais avec une garantie de la
Confédération de près de 1 milliard de francs.
Compte tenu des attaques répétées contre la
protection sociale en Suisse et de la violence des exigences
imposées par le FMI partout où il octroie des
crédits, ces 30,5 milliards ont un sale goût de
régression sociale.

Lors de sa séance du 1er mars 2011, le Conseil national a
approuvé, par 93 voix contre 68, l’octroi d’un
crédit de 30,5 milliards au FMI. Seule l’UDC, pour des
raisons de repli national, et une partie des Verts ont refusé
cet apport de fonds. Tous les partis bourgeois ont apporté leur
soutien. Le Parti socialiste, lui, a passé un deal en
conditionnant son approbation à une augmentation
homéopathique de l’aide publique au développement
à 0,5 % du PIB. A la question de savoir si le FMI
était devenu une institution socialiste depuis qu’il est
dirigé par Dominique Strauss-Kahn, Carlo Sommaruga (PS, Ge),
répondait que non mais qu’ « on a vu son
utilité non seulement vis-à-vis des pays du Nord par
l’octroi de moyens pour faire face au surendettement, mais
également à l’égard des pays du Sud pour
lesquels il a fallu ouvrir des lignes de crédit ».
EconomieSuisse, qui défend les intérêts des
exportateurs suisses, salue également la décision.

Participation suisse à la renaissance du FMI

La crise financière actuelle permet au FMI de reprendre du poil
de la bête et la Suisse y contribue. Depuis la
débâcle de l’Argentine en 2001 et le rôle
qu’y avait joué le FMI, l’institution avait perdu en
crédibilité et ses réserves avaient
progressivement fondu. Mais suite au déclenchement de la crise
financière récente, les Etats occidentaux ont
décidé, en avril 2009, par l’entremise du G20, de
renflouer le Fonds. Depuis, ses ressources ont donc triplé,
passant de 250 à 750 milliards de dollars. Le FMI revient donc
au centre du jeu politique et impose à nouveau sa politique de
rigueur au Sud, mais également en Europe (dans une dizaine de
pays de l’Europe de l’Est, en Grèce, en Islande,
etc.). Partout, les conditions sont drastiques :
réduction ou gel des salaires de la fonction publique,
réduction des pensions de retraite, privatisation des
entreprises publiques, etc.

    Par ses deux Messages du 8 septembre 2010, le
Conseil fédéral avait déjà
décidé de renforcer les réserves du FMI. Le vote
du Parlement du 1er mars consacre aujourd’hui la nouvelle
stratégie mise en œuvre par l’Administration
fédérale en matière de politique financière
depuis la crise. Dans son rapport de 2011 sur les questions
financières et fiscales internationales, le Département
fédéral des finances (DFF) présente les atouts qui
permettent à la Suisse de défendre ses
intérêts économiques sur la scène
internationale. Parmi eux, le rôle actif que peut jouer la Suisse
au sein du FMI, grâce à la force de sa place
financière, ainsi que le renforcement de ses relations avec le
G20.

30 milliards pour l’ouverture des marchés et les plans d’austérité

Au FMI, une réforme en cours vise à redéfinir la
répartition des 24 sièges du Conseil
d’administration afin de céder deux sièges
occupés par des pays européens avancés à
des pays émergents. Pour le DFF, il faut tout mettre en
œuvre durant les deux prochaines années pour que la Suisse
maintienne son siège et renforce son influence au sein de
l’institution. C’est donc là qu’il faut
chercher la principale raison de la décision d’octroi des
30,5 milliards de francs au FMI. Le siège que la Suisse
détient au Conseil d’administration du FMI lui permet, en
effet, de participer aux différents groupes de travail qui
préparent en amont les prises de décision du FMI. Elle
peut donc participer, notamment, à l’élaboration
des conditions-cadres visant les libéralisations et les
privatisations favorables aux exportations suisses.

    Il faut noter que dans les débats
récents qui ont eu lieu au FMI sur un possible assouplissement
des conditionnalités à exiger en échange
d’une assistance financière, la représentation
suisse a défendu une ligne particulièrement dure contre
toute velléité d’allègement de celles-ci
(voir Dossier d’Alliance Sud, no 14, février 2010). Ainsi
l’argument de « solidarité
internationale » que met en avant Martine Brunschwig Graf,
vice-présidente du PLR, a de quoi faire sourire. Les 30,5
milliards apportés par la Suisse doivent également servir
à adoucir les pressions du G20 sur la place financière
suisse.

    Si l’on se place du point de vue de la
population suisse, force est de constater que ceux qui soutiennent
cette ligne de crédit de 30,5 milliards pour participer à
ces politiques d’austérité en Europe,
s’attaquent également au système de protection
sociale helvétique. Il y a d’ailleurs là une
concordance de vue avec le FMI puisque celui-ci, dans son dernier
examen de la situation économique de la Suisse effectué
du 18 au 28 mars 2011, estime que les mesures prises en vue de
l’assainissement de l’assurance invalidité sont sur
la bonne voie (Communiqué du DFF, 28.03.2011). Si les peuples ne
s’opposent pas de toute leur force aux exigences du FMI et des
gouvernements du Nord au service des marchés financiers, les
importantes régressions sociales, déjà à
l’œuvre, vont s’emballer. Il est urgent de s’y
opposer. Seules les revendications d’annulation de la dette des
pays touchés par la crise répondent à
l’exigence de solidarité internationale. 

Isabelle Lucas