Abandon du nucléaire : au-delà des calculs de rentabilité

Abandon du nucléaire : au-delà des calculs de rentabilité

La décision du Conseil
fédéral de sortir du nucléaire dans 23 ans, sans
fixer de date butoir contraignante, n’est pas très
audacieuse. elle a cependant surpris.

En effet, avant la catastrophe de Fukushima, la position du lobby
électrique semblait s’imposer : construire deux nouvelles
centrales nucléaires en Suisse. Pourtant, le choix du Conseil
fédéral, en réalité dans le sillage de
l’Allemagne (même si celle-ci a annoncé sa
décision quelques jours plus tard), n’est pas un geste
d’abord politique. Il répond à un calcul
économique à moyen terme: positionner la Suisse à
l’avant-garde des technologies de pointe dans le domaine des
renouvelables. Et si économie suisse fait la moue, de larges
secteurs de l’industrie applaudissent cette décision de
l’exécutif.

 Selon les évaluations de swisselectric, la Suisse devrait
manquer de 25 à 30 TWh (milliers de milliards de Watt/heure)
d’ici 2035.

Pourtant, une récente étude des agences de consulting TNC
et INFRAS, commandée par les cantons de Genève et de
Bâle, les grandes associations environnementales, avec le soutien
des « services industriels » zurichois et bernois, a
montré que le nucléaire était la voie la plus
risquée et la moins rentable économiquement.

deux scénarios…

Deux scénarios ont été comparés:
d’abord la construction de deux nouvelles centrales
nucléaires de 1 600 MW chacune pour un montant global de 27
milliards de francs, à laquelle s’ajoutent 17 milliards
pour les énergies renouvelables, une centrale à cycle
combiné, trois centrales de pompage-turbinage et
l’amélioration du réseau, soit un coût total
de 44 milliards d’ici 2035. Cette option la moins chère
à l’achat, générerait cependant une valeur
ajoutée inférieure et se révélerait
déficitaire à hauteur de 9 milliards, sans une forte
majoration des prix du courant. De surcroît, elle paraît la
plus risquée sur les plans politique (référendums)
et environnemental, et devrait même se traduire par des
émissions supérieures de CO2. Enfin, ses retombées
économiques seraient plus limitées pour
l’économie suisse.

 Le second scénario plaide pour un effort de lutte contre
le gaspillage (19 TWh) et le développement du
photovoltaïque et de la biomasse (11 TWh). Il devrait en
coûter certes 57 à 65 milliards d’investissements,
soit plus cher que l’option nucléaire.

En revanche, son rendement serait meilleur, puisque qu’elle
lutterait d’abord contre les gaspillages, et que ses coûts
de fonctionnement seraient plus réduits. Il devrait même
générer un bénéfice de 2,8 milliards, une
valeur ajoutée de 20,3 milliards et la création de 160
000 emplois d’ici 2035. Ce seraient surtout les secteurs de
l’électronique, de l’informatique et de
l’optique, des équipements électriques, du conseil
et de la planification, du commerce de gros et de détail, ainsi
que de la construction qui en profiteraient.

Deux perspectives pour sortir du nucléaire

L’abandon du nucléaire paraît donc rentable pour le
privé. Une fraction des milieux économiques le comprend
bien et se félicite du soutien des Verts et du PS sur ce point.
Il lui faut en effet combattre les ultralibéraux (pas
d’économies imposées, laissons faire les
consommateurs et les marchés) ou les nationalistes (le
nucléaire serait la garantie de notre souveraineté
énergétique).

 Pourtant, une perspective sociale et écologiste
d’avenir ne devrait pas défendre la sortie du
nucléaire au nom d’une meilleure rentabilité pour
le secteur privé, ce qui risque de l’amener à
avaler très vite de nouvelles couleuvres (en termes de tarifs et
de taxes) pour garantir les profits d’une minorité. Elle
devrait plutôt défendre le développement d’un
service public de l’énergie visant
l’intérêt général en termes de
politique tarifaire, de respect de l’environnement (sortie rapide
du nucléaire et réduction massive des émissions de
gaz à effet de serre), de démocratie directe
(décentralisation des prises de décision), de promotion
de la formation et de l’emploi, etc. Les besoins à long
terme du plus grand nombre devraient en effet être le seul fil
conducteur d’une politique de défense du bien commun en
matière énergétique.

Jean Batou


La lutte antinucléaire doit continuer et se renforcer

Suite à la grande manif du 22 mai à Beznau, où la
police a décompté plus de 20 000
participant·e·s autorisés à
s’égrener dans une zone industrielle entre les centrales
de leibstadt et Beznau, une majorité du national vient de suivre
le gouvernement dans ses propositions de ne pas construire de nouvelles
centrales et de limiter – mais de manière non
contraignante – à 50 ans la durée de vie des
réacteurs existants. L’initiative des verts – mais
sera-t-elle maintenue ? – propose de ramener les autorisations
d’exploitation à 45 ans. Ce qui laisserait toujours
leibstadt tourner jusqu’en 2029. notre mouvement ne doit à
mon sens pas entrer dans ces calculs qui pourront être remis en
cause d’ici là. il doit se battre pour un avenir
énergétique axé sur le « ni
nucléaire, ni effet de serre », qui demande de sortir de
l’approche capitaliste productiviste qui l’emporte au
parlement sur fond d’espoir de rentabilité et de gains de
productivité à partir de technologies qui remplaceront le
nucléaire.

 D’autre part, le nucléaire, rabroué
aujourd’hui par une part des élites économiques qui
il y a peu ne juraient que par lui, n’est pas mort : les milieux
le soutenant attendent que l’actualité se détourne
de la catastrophe au japon pour tenter de reprendre la main. on voit se
profiler le chantage à l’augmentation de l’usage des
énergies fossiles au nom de la croissance ou de
l’épouvantail de la pénurie. il faut donc se battre
encore pour mettre à terre cette industrie, qui continue de
contaminer l’environnement et de péjorer la santé
des populations. en exigeant en particulier la fermeture sans
délai de Beznau I et de Mühleberg que la décision du
parlement autorise à tourner pour une dizaine
d’années encore…

C’est le sens de la manif  du Lundi de Pentecôte 
à mühleberg à laquelle nous appelons.