Syrie: pour arrêter de compter les morts, on compte sur vous !

Syrie: pour arrêter de compter les morts, on compte sur vous !

Alors que la tendance
« printemps arabe » bat son plein depuis les
défilés de Tunisie, d’Egypte, et de Libye, pour ne
citer que les plus médiatisés, la mode automne-hiver
s’est invitée en Syrie. Peu de jours passent sans que
l’on cherche à nous convertir à toutes sortes de
larges rhétoriques conspirationnistes ou fatalistes dans le but
de ringardiser un peuple qui porte le pacifisme bien serré et
voudrait échanger un vieux costume de dictateur contre celui de
la liberté.

Le couvre-chef est en vogue, au sens propre comme au sens
figuré; de petites mains sales tentent de faire porter à
la révolution syrienne un turban islamiste, une kippa sioniste
et aussi un chapeau de cow-boy impérialiste tant et si bien que
ce pauvre peuple syrien ne sait plus où donner de la tête
pendant que la bande à Bachar cherche d’abord à la
lui arracher !

    Des malfaisances de l’intérieur aux
malveillances de l’extérieur, la propagande pro-Assad
n’est pas à court de théories parfois complexes
(« Vous ne pouvez pas comprendre ! »),
souvent basiques (« Vous le savez
bien ! ») pour démobiliser,
désillusionner et surtout désinformer le plus grand
nombre et faire que, doucement mais sûrement, nous disions adieu
au printemps pour nous emmitoufler dans le manteau de
l’ignorance, de la passivité et du mépris en
attendant que ça passe !

    Reste qu’il faudra alors s’habituer
à la couleur rouge sang le matin et noir deuil le soir parce que
des milliers, des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et
d’enfants seront assassinés, jour après jour, mois
après mois, encore et encore. Et cela risque de durer
très longtemps tant il est troublant de voir que, malgré
le déchaînement de violence qu’ils subissent, les
Syriennes et les Syriens n’ont jamais été aussi
heureux que depuis qu’ils sortent dans la rue crier
« Liberté ! » Pour ces quelques
minutes de bonheur, ils seront des millions à bien vouloir
mourir. Supporterons-nous d’assister, passivement, à ce
massacre ?

    Et puis chaque fois qu’il y aura en Syrie un
homme torturé, une femme violée avec une matraque
électrique, des parents qui recevront leur enfant en morceaux
dans un sac-poubelle et qu’ici on se taira, il y aura un acquis
de la civilisation qui pèse de son poids mort, une
régression universelle qui s’opère, une
gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui
s’étend et que rien n’empêchera de
s’inviter chez nous, chez vous si on ne l’arrête pas.
C’est le principe de la mode !

    Alors si le monde n’est pas composé que
de cyniques, s’il y a encore des nostalgiques de la
liberté des peuples, des utopistes de la paix dans le monde, des
humanistes sans frontières, le peuple syrien a besoin de vous,
de votre empathie active, de votre indignation audible, de votre
solidarité visible.
    Il ne peut, il ne doit exister aucune
théorie, aucune posture, aucun doute qui puisse justifier de ne
pas assister un peuple en danger.

Shady Ammane
fondateur du Collectif Jasmin, Genève


Un opposant menacé

L’auteur de l’article ci-contre, Shady Ammane, a
été récemment victime de manœuvres
d’intimidation des services de sécurité syriens,
les moukhabarat. Alors qu’il venait de déposer devant le
Conseil des droits de l’homme au Palais des Nations, à
Genève le 29 septembre, sa voiture a été
dévalisée et vandalisée. Tous ses documents de
travail et son portable ont été dérobés;
tout ce qui avait trait à la Syrie, de près ou de loin, a
disparu. En guise de signature du forfait, le pot
d’échappement avait été bouché,
provoquant une détonation au moment du démarrage. Une
sinistre mise en garde. Trois autres militants pour une transition
démocratique en Syrie ont aussi été
harcelés par les services secrets syriens. La mise au pas des
opposants à l’étranger est confirmée par un
rapport d’Amnesty International qui dénonce pressions et
mesures de rétorsion des sbires de Damas.

(réd.)


Le Collectif Jasmin

Grâce à Facebook et YouTube, nous pouvons
aujourd’hui, très rapidement, être informés
d’une souffrance humaine dans le monde et réagir afin de
solliciter les médias pour nous en faire l’écho.
Pourtant, trop souvent, nous nous contentons d’une minute
d’indignation sur un statut et d’une seconde
d’empathie sous une photo.

    Né, en Suisse, au triste soir du vote sur les
minarets, Le Collectif Jasmin est un espace de mobilisation de la
société civile dédié aux Arabes qui
souhaitent jouer un rôle actif, militant et pacifiste sur la
scène publique ou politique.

    Le printemps arabe est un événement
historique sans précédent que nous ne pouvons
ignorer ! En Tunisie, en Egypte, en Libye, au Bahreïn, au
Yémen, en Algérie, en Syrie… des hommes, des
femmes et des enfants marchent et périssent pour la
liberté, la dignité et la justice.

    Comment pouvons-nous le savoir et continuer de nous
taire, nous qui n’avons quitté notre pays que parce que
nous rêvions de trouver ailleurs ces droits humains
fondamentaux ?

    Le Collectif Jasmin se propose d’organiser et
de coordonner toutes les actions susceptibles de contribuer à ce
que les Arabes soient, dans leur pays d’accueil ou leur seconde
nation, un écho de solidarité active formidable avec tous
les peuples opprimés et, particulièrement, avec les
révolutionnaires arabes qui payent aujourd’hui de leur vie
notre Liberté de demain.