Grève de la faim de requérants d'asile à Appenzell

Grève de la faim de requérants d´asile à Appenzell

Quatorze requérants d’asile turques et
kurdes du foyer de Mettlen ont entrepris
une grève de la faim illimitée. Les
autorités essaient de briser l’action
des grévistes contre leurs conditions
de vie inhumaines par la contrainte et
des pressions individuelles.

Les habitants du foyer Mettlen sont tenus de se présenter
auprès de leur «supérieur» deux fois par jour
entre 10h. et 11h30 et entre 15h30 et 16h30 afin d’obtenir
le tampon de présence sur leur carte. Celui ou
celle qui se présente une minute trop tard est pénalisé
par une amende de 14 francs, celui ou celle qui ne
se présente pas perd 25 francs.

Le montant journalier alloué pour manger et comme
argent de poche s’élève à 14 francs. Le chef du foyer
M. Weber vise à restreindre par cette obligation draconienne
de timbrage toute liberté d’action des requérant-
e-s d’asile. Seuls sont exemptés de ce contrôle
draconien par le chef celui qui possède un «permis de
congé», document délivré par le chef … selon son
état d’humeur! Ainsi un requérant nous raconte qu’il
n’a même pas pu obtenir une permission de voyage
pour profiter d’une occasion de revoir sa famille à
Paris, après 21 ans de séparation.

Brimades au quotidien

Le nouveau chef, en service depuis janvier 2000, a
introduit une série de brimades supplémentaires. La
cuisine commune autogérée par les requérant-e-s est
tenue de fermer à 20h. Le poste de TV est coupé à
23h. et est programmé de manière à ce qu’aucun
canal dans les langues des requérant-e-s ne puisse
être capté. Pour isoler les d’avantage les habitant-e-s
du foyer, les téléphones portables y ont été interdits.

Comme dans d’autres foyers, le service médical
dépend du seul bon vouloir du personnel. On en arrive
parfois au sadisme pur et dur, comme par exemple
dans le cas d’une fillette de quatre ans, souffrant
depuis plus d’une semaine d’une fièvre élevée, à qui
on a refusé la visite d’un médecin. A ce panorama
effrayant s’ajoutent les plaintes des requérants
concernant des injures et des remarques blessantes
des chefs de baraque.

Les requérants d’Appenzell sont d’autant plus révoltés
qu’ils ne sont pas logés après six mois – comme c’est
courant dans d’autres cantons – dans des appartements
communaux. Ainsi l’habitant le plus ancien du
foyer subit depuis plus de deux ans le régime de M.
Weber.

Police et entretiens

Face aux accusations, le chef du foyer mis en cause a
refusé tout commentaire et renvoyé l’auteur de cet
article à un Monsieur Eugster du Département cantonal
de la santé et du social. Après un entretien avec les
grévistes celui-ci nous a déclaré: «Ce ne sont en fait
que des détails.» Et le département s’étonne dans un
communiqué de presse que l’examen promis des
reproches de la part des réfugié-e-s «ne suffise pas à
stopper l’action en cours». M. Eugster a fait savoir
dans l’entretien téléphonique qu’il nous a accordé que
son département ne voit aucune raison de demander
des explications au chef du foyer.

Même le coordinateur appenzellois pour les questions
d’asile, Monsieur Suter, défend les conditions insoutenables
dans le foyer, en déclarant par exemple que
la cuisine doit être fermée tôt afin qu’elle puisse être
nettoyée.

Aux auto-justifications de la part du chef du foyer et
des autorités s’ajoutent des interventions policières
afin d’intimider les grévistes et leurs défenseurs. Il y a
quelques jours la famille Candan a été arrêtée par la
police, à la poste d’Appenzell dans le plus pur style
anti-terroriste. Les parents participent à la grève de
faim. La famille et la fillette de quatre ans furent arrêtés
par des agents en gilet pare-balles, arme au poing,
appuyés par des chiens policiers, pour être ensuite
reconduits menottés au foyer et soumis à un régime
d’isolement total. Malgré celui-ci ils poursuivent leur
grève de la faim.

Les défenseurs des grévistes du collectif Augenauf de
Saint-Gall et de celui des sans-papier de Berne ont fait
une expérience analogue. Ne pouvant montrer au chef
du foyer que l’abonnement général des CFF comme
pièce d’identité, une femme fut conduite pour interrogatoire
au poste de police par des gendarmes en
grande tenue anti-terroriste. Entre-temps, le chef du
foyer – avec la bénédiction des autorités – a interdit la
visite du foyer à toutes personnes se solidarisant avec
les grévistes. Est refoulé celui qui ne peut pas prouver
qu’il fait partie requérants d’asile grévistes de la faim.
Ainsi une équipe de télévision et des journalistes du
St. Galler Tagblatt ont dû s’entretenir avec les grévistes
à l’extérieur le foyer.

Les grévistes veulent continuer leur action malgré
cette répression et les menaces d’expulsion jusqu’à ce
que leurs revendications ci-dessous soient acceptées:

  • suppression du contrôle journalier
  • amélioration du service de santé
  • ouverture de la cuisine le soir
  • liberté de téléphoner et de regarder la TV
  • être logés à moyen terme dans des appartements communaux

Un saut qualitatif?

Cette grève à Appenzell signifie le retour d’un type
d’actions qui avait marqué dans les années 80 déjà les
débats sur la politique d’asile. La lutte des réfugié-e-s
se manifestait en effet à l’époque dans les foyers pour
requérants. Les expulsions et la répression ainsi que
la faiblesse du mouvement de solidarité extérieur
avaient cassé la résistance. Dans les années 90 les
actions de résistance relayées dans les médias se
sont, pour l’essentiel, limitées aux zones de transit de
l’aéroport et à la prison de l’aéroport de Kloten. Les
occupations d’églises par les sans-papiers ont sans
aucun doute servi à redonner du courage aux réfugiée-s et rendu possible l’action à Mettlen. La balle est
dans notre camp: quelle solidarité allons-mous être
capables de dàvelopper avec ce mouvement?

Urs DIETHELM