L’Union Européenne à l'heure de l'anti-terrorisme

L’Union Européenne à l´heure de l´anti-terrorisme

L’Union Européenne n’a pas attendu le
11 septembre pour traiter de la
question puisque déjà la séance du
5 septembre 2001 du parlement
européen concluait que le terrorisme
était une forme grave de criminalité
requérant une action commune des
Etats membres, et considère que
l’augmentation du nombre d’actes
terroristes ces dernières années rendait
nécessaire le renforcement de l’arsenal
policier et judiciaire européen.
La définition du «terrorisme» qui y est
développée fait craindre le pire:
«tout acte commis par des
groupes ou des individus utilisant
ou menaçant d’utiliser la violence
contre un pays, ses institutions,
sa population ou des individus
concrets, prétextant des aspirations
séparatistes, des conceptions
idéologiques extrémistes, du fanatisme
religieux ou l’appât du gain, et visant à
installer les pouvoirs publics, des individus
ou groupes de la société dans un
climat de terreur.»

Le déclencheur de Gênes…

Le 11 septembre aura simplement apporté un
caractère d’ urgence à une démarche entreprise
après les mobilisations de Gênes… Le procèsverbal
du parlement européen du 29 novembre
2001 précise encore: «Les actes portant
atteinte aux libertés fondamentales, à la démocratie,
au respect des droits de l’homme, aux libertés
civiles et à l’État de droit seront sanctionnés
comme des actes terroristes.»

Ces actes sont ensuite explicitement cités:

  • La capture illicite d’installations étatiques ou gouvernementales, de moyens de transport publics, d’infrastructures, de réseaux d’information ou de communication.
  • La libération illicite ou la distribution de substances chimiques ou biologiques constituant une menace pour la santé humaine.
  • La perturbation ou le grave endommagement sans discernement de l’approvisionnement en eau , en électricité, ou tout autre ressource fondamentalenaturelle…
  • La menace de commettre l’une des infractions énumérées.

Un arsenal répressif étendu…

Bien entendu, le soutien à ces activités sera
sanctionné, de même que la participation à
celles-ci. D’un point de vue technique, cette rédaction
ouvre la voie à bien des débats interprétatifs:
Qu’est-ce qu’un «grave endommagement»? Où
commence, où finit le «discernement»?

Mais, sur le fond, il s’agit pour l’UE de se doter d’un
arsenal de lois répressives visant à criminaliser les
mouvements sociaux. En effet, qui peut imaginer
que la «libération illicite de substances menaçant la
santé humaine
» concerne autant TotalFinaElf que
les Cellatex?1

Toutes les formes d’actions telles que l’occupation
d’usine, de bureaux, la grève des agents de
transports, la grève à EDF, les manifestations, qui
empêchent la circulation donc l’approvisionnement…
relèvent du terrorisme.

Nous somme tous dans le collimateur

Les syndicats, organisations et partis politiques,
acteurs, participants, sympathisant-e-s, tous des
terroristes! Les peines de prison encourues sont à
l’image de la violence du texte: 20 ans pour la
direction du groupe, 8 ans pour les participants. Ce
projet de loi-cadre présente de telles menaces pour
nos droits et nos libertés civiles (qu’il prétend
protéger) qu’il suscite de nombreuses
protestations. Il sera modifié, amendé mais dans
son esprit, il sera sans doute adopté. Sa mise en
application constituerait alors une véritable
déclaration de guerre contre les peuples des quinze
Etats de l’UE, et au-delà, empêchant toute forme de
luttes sociales, disqualifiant tous les mouvements
de solidarités et criminalisant toute forme de
résistance à la mondialisation capitaliste. Ce texte
constitue d’ores et déjà une étape vers la
construction d’une Europe de la répression, qui va à
l’encontre du monde juste et solidaire que nous
voulons inventer.

Maryse CREVEAU

  1. Cellatex: en juillet 2000, à Givet dans les Ardennes, les 153 salariés de cette usine de viscose faisaient vibrer la France. Mis à la porte comme des malpropres, sans indemnités, après la liquidation judiciaire de l’entreprise, ils s’emparent des 50 000 litres d’acide de l’usine comme «instrument de négociation», et obtiennent l’ouverture de pourparlers avec les pouvoirs publics – le patron ayant tranquillement fait ses valises.