Guatemala

Guatemala : L'ex-dictateur Rios Montt traduit en justice

En 1954, le gouvernement démocratique de Jacobo Arbenz avait été renversé par une contre-révolution, financée et armée par la CIA nord-américaine. Ce pays a connu ensuite 36 ans de conflit armé, jusqu’à l’accord de paix entre le gouvernement et la guérilla de l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG). Cette guerre avait pris des formes franchement génocidaires. Mais aujourd’hui, grâce à la persévérance des familles des victimes, un ex-dictateur est traduit en justice.

Le 26 janvier 2012, s’est ouvert le procès intenté à José Efraín Ríos Montt – dictateur, général retraité et politicien de droite – pour génocide et crimes contre l’humanité. L’accusé a été placé en résidence surveillée jusqu’à la date du jugement (mars 2012).

Sous la présidence de Ríos Montt, ont été commis les pires massacres perpétrés contre les indigènes : plus de 1700 indigènes Ixil furent assassinés dans le seul département du Quiché?; plus de 30 000 personnes furent déplacées de force pour être regroupées dans des « villages modèles » – selon les techniques de guerre contre-insurrectionnelle appliquées au Vietnam ou en Algérie – et organisées dans des « patrouilles d’autodéfense civile ». Des tribunaux spéciaux, avec des juges masqués, firent fusiller des militants (réels ou supposés) de l’URNG. A l’époque, ces faits furent dénoncés par les organisations de défense des droits humains et les comités de solidarité avec le Guatemala.

Comme chef de l’Etat, Ríos Montt a donc planifié, dirigé, contrôlé et coordonné la mise en œuvre de 4 plans opérationnels : « Victoria 82 », « Opération Sofía », « Opération Ixil » et « Firmeza 83 ». Ces plans n’impliquaient pas le seul combat contre les guérilleros de l’URNG. Retournant la consigne de Mao Zedong, «Le guérillero est dans le peuple comme un poisson dans l’eau», ces plans étaient dirigés contre la population civile, pour « enlever l’eau au poisson », sur la base de critères tels que : «Tous les Ixiles sont des guérilleros».

Globalement, en 36 ans de conflit armé au Guatemala, 200 000 personnes ont été assassinées ou ont disparu, selon les données fournies par la Commission indépendante pour la vérité historique (CEH). 93 % de ces crimes ont été commis par l’armée (aidée par les USA durant toute cette période).

En ce qui concerne le procès contre Ríos Montt, les familles des victimes ont demandé l’emprisonnement immédiat de l’ex-dictateur. Quant au président actuel, l’ex-général Otto Pérez Molina – aussi accusé de génocide –, il se montre serein, affirmant «qu’il n’y a pas eu de génocide au Guatemala». Toutefois, les archives de la police nationale (découvertes il y a quelques années) et la déclassification de documents officiels aux USA ont permis de connaître la réalité de la guerre et les actions militaires contre les civils. Cela malgré les obstacles qu’y opposent les pouvoirs « de fait », la haute hiérarchie militaire en première ligne. (Réd.)


Lettre ouverte à Ríos Montt

«Je ne serais pas étonné que vous sortiez libre de ce procès, parce que le mal est astucieux. Néanmoins, chaque péché a son propre enfer et vous commencez à vivre le vôtre. 

Ce n’est pas à vous seul que vos fantasmes enlèvent le sommeil. Ils me l’enlèvent aussi. Durant votre gouvernement de facto, j’étais chirurgien à l’hôpital régional de Cobán et les cadavres qui arrivaient à la morgue (lorsqu’ils y arrivaient…) semblaient tirés d’un cauchemar diabolique : des femmes assassinées après avoir été violées et torturées pathologiquement?; des enfants éventrés, des indigènes Quiché massacrés. Et lorsqu’il y avait des survivants, c’était horrible d’entendre leur récits si effrayants, et nous ne pouvions y croire que parce qu’ils sortaient des lèvres de gens qui n’avaient aucune raison de mentir ».

 

Juan José Guerrero

Ecrivain guatémaltèque