Forfaits fiscaux

Forfaits fiscaux : Le canton choie un brigand de l'industrie minière

La presse locale a — heureusement — fait tout un battage autour des exonérations fiscales concédées à l’entreprise brésilienne, Vale Internationale, sise à Saint-Prex. Sans pour autant dire que ce géant du secteur minier, premier producteur de minerai de fer mondial, surexploite les hommes et la nature. A tel point qu’il a reçu à ce titre le « Public Eye People’s Award » 2012*.

Une série d’associations internationales et brésiliennes ont mis en avant les méfaits de cette entreprise de 120 000 salarié·e·s, résumés sous le slogan dénonciateur « Nous transformons la forêt pluviale en mines et en barrages. Peu importe comment. » Pour donner une idée de la brutalité de cette entreprise, indiquons simplement qu’entre janvier et février de cette année, des manifestations publiques ont dénoncé son action en bloquant ses installations aussi bien au Brésil (Açailanda et Buruticupu, Etat du Maranhao), au Mozambique (Cateme), au Canada (Sudbury), en Indonésie (Morowa) et en Colombie (Cesar). Dans ce dernier cas, la manifestation a tourné à l’émeute, avec des nombreux blessés, des maisons et des voitures incendiées.

     Les manifestant·e·s représentaient des communautés locales sévèrement touchées par la pollution provoquée par les activités de Vale Internationale. En outre, l’entreprise est engagée dans la construction du barrage géant de Belo Monte en Amazonie, exemple type de la catastrophe écologique, avec le détournement de 80 % des fleuves qu’il prévoit et le déplacement de plus de 40 000 personnes, sans indemnisation aucune. Enfin, une centaine d’actions en justice et 150 enquêtes ont été engagées contre la multinationale, la plupart pour des violations du droit du travail.

 

L’Etat de Vaud, ses cadeaux et son tapis rouge

Pour avoir une idée de l’obséquiosité avec laquelle les autorités économiques et politiques vaudoises ont accueilli ces spécialistes du brigandage homme-nature, il faut se rendre sur le site du Développement économique — Canton de Vaud (www.dev.ch) et y lire l’écoeurant publireportage de la « journaliste » Lysiane Dugon, du Journal de La Côte. A l’en croire, Vale Internationale apporte le bonheur à la terre entière à chaque action qu’elle entreprend et jamais la biodiversité et les peuples ne se sont si bien portés depuis que cette entreprise existe ! A se demander même si cette firme – dont le gouvernement brésilien a également fini par critiquer la rapacité – à encore de quoi faire des profits au milieu de tant de bienfaits.

     C’est en tout cas la fable que l’Administration cantonale des impôts a gobé toute crue. Lorsque l’entreprise a débarqué sur l’arc lémanique, en 2006, elle a déclaré un bénéfice prévisionnel de… 35 millions de francs, alors que son chiffre d’affaires était de plusieurs dizaines de milliards de francs. En réalité, le bénéfice s’établira à près de 5 milliards ! De mauvaises langues disent que cette crédulité exceptionnelle s’expliquerait par la carrière du chef de cette administration, conseiller fiscal plusieurs années durant auprès de firmes d’audit et de conseil en entreprise, comme PricewaterhouseCoopers.

     C’est en fait l’Administration fédérale des contributions qui a renâclé. Elle a estimé que le grand argentier vaudois, Pascal Broulis — l’homme de « L’impôt heureux » (titre de son ouvrage préélectoral, vantant la transparence fiscale, mais si, mais si !) — en faisait un peu trop devant la multinationale brésilienne qui se moquait complètement des conditions d’octroi de l’exonération fiscale (comme la création d’emploi, par exemple) et procédait au « rapatriement annuel de centaines de millions de bénéfice en provenance d’autres sociétés du groupe ». L’entreprise, qui a réalisé un bénéfice net de 21 milliards de francs en 2011 aurait été exonérée des 80 % de l’impôt fédéral direct. Considérée par la Contrôle fédéral des finances comme une entreprise « hors sol », elle ferait l’objet d’un litige entre le canton et la Confédération à hauteur de 200 millions pour ces trois dernières années. Montant invérifiable, secret fiscal oblige. Comme l’est aussi la somme des cadeaux fiscaux offerts par le canton aux spoliateurs brésiliens.

     Terminons sur une anecdote prémonitoire : lorsque Vale International s’est installée à Saint-Prex, elle a demandé que le nom original de l’adresse (Chemin de la Vergognausaz), trop proche du portugais « vergonhaça », soit modifié. Ce qui fut fait, le chemin en question devenant la route de Pallatex. Pourtant, la vergogne, ce n’était pas si mal vu, non ? 

 

Daniel Süri

* Prix remis chaque année par la Déclaration de Berne et Greenpeace lors du contre-sommet critique du WEF à Davos.