Grèce

Grèce : La déculotée des partis de l'austérité

 

Les deux principaux partis qui ont constamment dominé la scène politique grecque depuis la fin de la dictature militaire en 1974 – à part la courte parenthèse de 1990-1991 –, le PASOK et Nouvelle démocratie, se sont effondrés lors des élections du 6 mai. Leur engagement pour l’application des plans d’austérité de la Troïka (Commission européenne, FMI et BCE) a été durement sanctionné.

A eux deux, ils regroupaient entre 70 % et 90 % des voix, d’élection en élection. Affaires familiales (les Papandréou pour le PASOK, les Caramanlis pour Nouvelle démocratie) basées sur de puissants réseaux clientélaires, ils incarnaient le bipartisme au service de la bourgeoisie grecque.

     Lors de ces élections, le PASOK (Mouvement socialiste panhellénique) a subi les plus lourdes pertes, dégringolant de 43,9 % à 13,2 % des voix, perdant au passage 2,2 millions de suffrages. La Nouvelle Démocratie s’en sort un peu mieux, ne perdant « que » 1,1 million de voix en régressant de 33,5 % à 18,9 % des votants. Elle reste toutefois la première force politique du pays, emportant de ce fait la prime électorale réservée au maillot jaune, soit 50 sièges de parlementaires en plus.

 

Une polarisation dominée par la gauche radicale

La coalition de gauche radicale Syriza devient la deuxième force politique du pays, avec 16,8 % des suffrages. Elle est en tête dans les grandes villes du pays (Athènes, Le Pirée, Thessalonique, Patras) et dans les quartiers ouvriers. Regroupant précédemment 4,6 % des voix, elle a bondi de 316 000 votant·e·s à 1 million. Dirigée par Alexis Tsirpas, Syriza regroupe Synaspismos – que l’on peut en gros comparer au Front de Gauche ou à Die Linke – et des petits groupes plus radicaux (scissions du PC, trotskistes, anciens maoïstes). La coalition a fait campagne contre les accords de prêt et les ajustements structurels.

     Le Parti communiste grec (KKE), qui semble figé dans une attitude sectaire et anti-européenne de principe, passe de 7,5 à 8,5 % et gagne 15 000 voix.

     Le regroupement des anticapitalistes, Antarsya, gagne lui 50 000 voix et passe de 0,4 à 1,2 %. Si l’on totalise ces trois orientations politiques de la gauche radicale, on arrive à 27 % des voix; en agrégeant toutes les forces qui disent se situer à la gauche du Pasok, le score est encore plus impressionnant, puisqu’il atteint 37 % des suffrages.

     S’il y a bien eu un vote contre les plans d’austérité successifs et les ajustements structurels, qui ont massivement diminué les salaires, largement paupérisé la population, fait exploser le chômage et réinstallé les soupes populaires, il n’est toutefois pas dépourvu d’ambiguïté.

     D’une part, à l’extrême droite, un dangereux groupuscule néonazi, l’Aube dorée, qui pratique ouvertement le salut hitlérien et les ratonnades, a réussi son entrée au parlement, réunissant 7 % des voix (438 000 suffrages). On peut certes dire que ce score est un peu compensé par l’éviction d’un autre groupe d’extrême droite du parlement, l’Alarme populaire orthodoxe (LAOS), qui avait participé au gouvernement d’union nationale. Mais la radicalisation de ce côté-ci de l’éventail politique a nettement progressé. Suffisamment en tout cas pour que dans un pays jadis occupé par la Wehrmacht – et à quel prix ! – des nazillons siègent dans la même enceinte que Manolis Glezos, le jeune résistant qui décrocha en 1941 le drapeau nazi de l’Acropole, aujourd’hui élu de Syriza. Surtout, la campagne électorale a aussi été marquée par une xénophobie ouverte. Les Grecs indépendants (une scission de Nouvelle démocratie) ont obtenu 11 % des voix en faisant une campagne nationaliste et anti-immigration. Un des slogans de Nouvelle démocratie disait aussi qu’il fallait « reprendre nos quartiers aux ghettos d’immigrés ». Il est donc essentiel désormais que la lutte contre les plans d’austérité de la Troïka, pour le refus de payer la dette, s’accompagne de vigoureuses campagnes antiracistes et antifascistes.

 

D. Süri