«Prometheus» de Ridley Scott

«Prometheus» de Ridley Scott : L'humain, créateur décevant

« Alien », une des sagas les plus mythiques de la science fiction, connaît un nouvel épisode. Avec « Prometheus », Ridley Scott filme à nouveau une réflexion sur une humanité, prise à froid par la rencontre d’un autre toujours aussi terrifiant.

 

L’attente était énorme pour la sortie de ce film. Ridley Scott, également réalisateur du premier et meilleur épisode Alien, le huitième passager, avait très vite rejeté l’idée d’une suite pour envisager plutôt une « préquelle », sensée montrer les origines de la saga. Le résultat final s’écarte encore davantage de la trame narrative commune.

 

     Néanmoins, l’univers est bien le même : une équipe de scientifiques s’envolent à bord d’un vaisseau spatial vers une planète inconnue, trouvent des signes de vie extra-­terrestre avant d’en subir la violence brute. A nouveau, l’héroïne principale est une femme et sa mise en scène reste aussi intelligente : faite de force et de courage sans aucun abandon de la féminité. Prometheus ne sort pas de son registre imposé et exécute l’exercice du film d’action parfois avec brio. Deux scènes sont hallucinantes d’angoisse : l’attaque d’une sorte de reptile où les bras se cassent et l’horreur se faufile sous les habits. La deuxième se regarde difficilement et rejoue la terreur propre à la série Alien: un extra-­terrestre incube un humain et s’en libère en brisant la cage thoracique. Vous découvrirez l’issue trouvée par l’héroïne dans un moment horriblement puissant de cinéma.

     L’esthétique représente un deuxième aspect extrêmement réussi du film : la planète et les vaisseaux sont réalisés avec brio, donnant à voir des pièces de sauvetage magnifiques où grésillent encore les images de décor idéal après le crash. Mais si Ridley Scott semble s’être beaucoup attardé sur l’esthétique de son film, son scénario n’a pas eu la même chance. On a parfois l’impression que le réalisateur ajoute des scènes pour s’assurer que son film fasse bien peur : sorties de nulle part, ces dernières empêchent le film de trouver une cohérence de propos.

Machines et dieux

Un élément présent dans l’ensemble des autres films de la saga est pourtant absent dans Prometheus: la critique d’entreprises prêtes à tout pour leur profit, ne se souciant pas du sort des membres des équipages. Dans Prometheus, un riche entrepreneur se trouve bien derrière la mission scientifique mais il a pris les traits du riche fantasque. Il possède tellement d’argent que le profit n’a plus de sens pour lui?; ce qu’il recherche, ce sont des absolus comme la vie éternelle ou l’explication des origines.

     Cette figure ne reprenant pas la critique du profit propre à la saga déçoit autant qu’elle démontre une fois de plus la prédominance de la dimension lyrique dans Prometheus. C’est comme si Ridley Scott ne réalisait un film d’horreur que pour filmer des plans magnifiques et délirer sur l’humanité. On passera sur le rapport des humains à des dieux créateurs puis destructeurs pour s’attarder sur un autre élément propre à la saga Alien: le cyborg, incarné ici par le décidément très fort Michael Fassbender. Il représente la grande réussite du film, Ridley Scott le sait et n’hésite pas à s’attarder sur lui dans un portrait hors narration le montrant en train de regarder de vieux films ou de jouer au basket à vélo.

     Humain sans vraiment l’être, le cyborg représente l’être énigmatique de ce film : ses intentions s’interprètent difficilement, il passe de l’attention à la méchanceté, toujours sous les traits d’une très fine intelligence. Surtout, son rapport aux humains éclaire le visage de ces derniers qui ne voient dans le cyborg qu’une de leur production sans âme alors même que ce dernier ressent et pense. Ce dédain définit ce que représentent les humains : les plus décevants des créateurs. Les dieux sont à leur image, ils donnent la vie et la reprennent comme s’il s’agissait de broutille. Face à cette analyse pessimiste, le seul rôle qui peut subsister sera de lutter pour trouver du sens et en donner à nos propres productions. 

 

Pierre Raboud