Le Grippen? Cela se soignera par un référendum

De nouveaux épisodes viennent agrémenter chaque semaine le feuilleton autour de l’achat du nouvel avion de combat. Que faut-il retenir des chamailleries entre représentants de partis bourgeois autour du choix de l’avion ? La Suisse va-t-elle finalement acheter ces avions ? Est-ce que vraiment « le Gripen c’est comme l’Ovomaltine » comme l’a déclaré récemment le chef du Département de la défense, de la protection de la population et du sport ?

A la fin août la sous-commission chargée d’évaluer… la procédure d’évaluation qui a abouti au choix du Gripen a conclu qu’il n’y avait pas d’irrégularités dans cette procédure, tout en relevant que le choix du Gripen E / F est « celui qui comporte le plus de risques», notamment en raison des incertitudes liées au coût final des frais de développement du nouveau modèle E / F, qui n’existe encore que sur le papier.

Quelques jours plus tard, le président du PLR Philip Müller appuyait ces doutes en exigeant des vendeurs suédois des garanties fermes quant à la réalisation et aux coûts finaux des Gripen. Riposte de Christoph Blocher : Müller n’est pas crédible parce qu’il était lié à l’agence RP Farner qui travaille pour Dassault, le fabricant du Rafale. « Attaque en dessous de la ceinture» réplique Müller. Suite à quoi Ueli Maurer décide de réaffirmer le choix du Gripen en affirmant que : « Le Gripen c’est comme l’Ovomaltine. »

Comparaison n’étant pas forcément raison, rendons à Monsieur Maurer l’entier de sa pensée sur le produit du Dr. Wander, rapportée dans la Tribune de Genève du 3 septembre 2012. Après avoir déclaré qu’« Il n’y a pas d’alternative au Gripen, à moins de consentir de dépenser quelques milliards de plus» Maurer a balayé d’un revers de la main les doutes quant à la crédibilité des promesses de coûts et de réalisation du nouveau modèle d’avion de combat suédois : « S’il y a bien un partenaire industriel fiable en Europe, c’est la Suède», estime-t-il, et de conclure : « Le Gripen est à ce pays ce que l’Ovomaltine est à la Suisse: l’avion produit par Saab est la fierté de l’industrie suédoise.»

À défaut du vrai débat sur la nécessité – ou non ! -d’acheter encore des nouveaux avions de guerre à coups de milliards de francs pour assurer une notion assez vague comme «la police de l’espace aérien», contentons-nous de voir les pro-avions se déchirer et de se lancer dans de hardies comparaisons entre avions et boissons sucrées.

De notre côté, nous pouvons donner une garantie certaine: toute décision d’achat passera par une votation populaire (référendum ou initiative). Et le sondage représentatif de l’Institut Isopublic publié le 9 septembre par la Sonntagszeitung est confortant:

64 % des personnes interviewées sont hostiles à l’achat du Gripen et 10 % indécis. 57 % sont opposées à tout achat de nouvel avion de combat. À noter qu’il y a quatre ans ce dernier pourcentage n’était encore « que » de 49 %.

Il est certain que les atermoiements autour des avions de combat, qui constituent quand-même un pilier central pour toute armée, alimentent aussi les doutes sur la nécessité même de l’armée en question. Cet aspect se reflète dans des chiffre trop peu relayés dans les reportages sur ce sondage : aujourd’hui 42 % des sondé·e·s sont favorables à la suppression de l’armée, alors que toutes ces dernières années ce pourcentage variait entre 25 % et 30 %. Encourageant. 

 

Tobia Schnebli