Une initiative salutaire, mais refusée

Il aura fallu attendre six ans après son dépôt (en automne 2006) pour que l’initiative « Pour une participation des grandes fortunes limitée dans le temps » — demandant une contribution exceptionnelle desdites grandes fortunes (supérieures à 1 million de francs) pendant 4 ans – soit soumise au peuple le 25 novembre 2012. Avec une participation de 28 % du corps électoral, l’initiative a recueilli seulement 14 574 suffrages (39,48 %), score certes honorable, mais insuffisant.

 

L’initiative a toutefois été acceptée, d’une courte tête, dans les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds, souvent prétéritées ces dernières années par la politique gouvernementale.

 

L’austérité à la barre

La législature 2005-2009 – avec un gouvernement, à majorité « de gauche », mais reconduisant de fait la coalition gouvernementale (PLR/PSN) en place depuis 1941 – avait socialement très mal débuté : l’accent a été mis sur une politique d’austérité, grâce à un article constitutionnel qui instituait un frein aux dépenses et aux recettes, exigeant une majorité qualifiée de 3/5 des député·e·s au Grand Conseil. «La loi bloque ainsi toute velléité de promulguer de nouvelles recettes, ainsi que bon nombre de dépenses à caractère social. Le souci d’équilibrer les comptes est ainsi primordial. […] Les coupes budgétaires deviennent l’instrument le plus utilisé par l’Etat au détriment d’une action politique lucide et volontariste prête à prendre des mesures courageuses pour la défense des intérêts de la population» (Philippe Lagger, in : Le Monde du travail, no 170, novembre 2012). 

Ainsi, 140 millions d’économies furent inscrites au budget 2006, économies assumées au bout du compte par les salarié·e·s de la fonction publique, les personnes à l’aide sociale et les institutions subventionnées par le canton (voir la rubrique neuchâteloise du journal solidaritéS,  solidarites.ch/journal). 

Le programme de législature pour la période 2010–2016 a largement confirmé cette logique. Récemment encore, le pasteur Francis Berthoud – ancien directeur du Centre social pro-testant – relevait la situation problématique des bénéficiaires de l’aide sociale et des travailleurs pauvres : «Ainsi à la sortie de l’aide sociale, par le seul fait du premier seuil des subsides maladie, un célibataire voit son revenu disponible réduit de 134 francs par mois, un couple de 268 francs, un couple avec deux enfants de 378 francs» (L’Essor, no 4, août 2012).

 

Pourquoi une initiative sur les grandes fortunes?

Pour contrer la logique socialement délétère de la politique gouvernementale, l’initiative avait été lancée par une coalition regroupant les syndicats de l’USCN, ATTAC, le MPF, le POP, les Verts et solidaritéS, et finalement appuyée par une quinzaine d’organisations. Elle aurait dû être normalement votée en 2009 (un délai de 2 ans maximum étant prévu entre le dépôt d’une initiative et sa discussion au Grand Conseil). Et elle aurait rapporté en 4 ans 210 millions de francs.

Toutefois, les priorités gouvernementales étaient et resteront autres : le premier ministre des Finances, Jean Studer – depuis promu à de plus hautes fonctions à la Banque nationale – a durant 4 ans, en violation flagrante de la légalité républicaine, « oublié » le texte de l’initiative dans de très profonds tiroirs. Durant ces deux dernières années, le gouvernement neuchâtelois a donné la priorité à la baisse de la fiscalité des entreprises, des holdings et des hauts revenus. A ce propos, rappelons qu’à la session du Grand Conseil (fin mai 2012), les élus de solidaritéS ont refusé la « réforme » de l’imposition des personnes physiques, bénéficiant prioritairement aux revenus très élevés (cf. Claude Grimm, « Fiscalité : solidaritéS, seul contre tous », Le Courrier, 5.6.2012) : André Babey (ATTAC-NE) a notamment signalé que le taux d’imposition maximum a été baissé de 14,5 % à 13,5 % soit un cadeau fiscal de 27 millions…

En tout état de cause, malgré l’autosatisfaction du Conseil d’Etat et des adversaires de l’initiative, le problème reste entier. Comme le relevait devant la presse Marianne Ebel, ancienne députée de solidaritéS et présidente du comité d’initiative : « Les nouvelles autorités qui entreront en fonction en 2013 devront résoudre ce problème, car il est faux de prétendre que tout ira bien dans ce canton» (Le Courrier, 26.11.2012).

 Hans-Peter Renk


 

Les aventures du concombre masqué en pays britchon

 

Le 17 novembre, la presse régionale publiait ce morceau de bravoure : « Intrigué par la campagne massive des initiants (qui, malgré ce qu’elle prétend, semble avoir de sacrés moyens à disposition)… ».

Enchanté de le savoir ! En réalité, le budget du comité d’initiative représente 1/800e du montant (8 millions) alloué par economiesuisse à la campagne contre l’initiative de Thomas Minder.

Vérification faite, le signataire – un dénommé Mathieu Aubert, « mes tweets n’engagent que moi », dit-il – se révèle être économiste à la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie (CNCI). En matière de budget, axiome connu, « c’est la torrée qui se moque de la fumée ». HPR