Convention de la métallurgie: y a-t-il des changements à l’horizon?

Convention de la métallurgie: y a-t-il des changements à l’horizon?


2003 est l’année du renouvellement de la convention collective de travail de la métallurgie. Elle concerne 130 000 salarié-es de quelque 600 entreprises, au cœur de la place industrielle suisse et de l’industrie d’exportation, à côté de la chimie et de l’horlogerie. Il est considéré que le contenu de cette convention est déterminant pour l’ensemble des rapports de travail en Suisse entre employeurs et salarié-es, qu’ils soient régis par des rapports conventionnels ou non. C’est la signature de cette convention qui, en 1937, donna le signal de départ du renoncement des syndicats suisses de recourir à la grève et de subordonner leur action à la paix du travail. Tout le
mouvement ouvrier suisse s’était alors peu ou prou aligné.


Les trentes glorieuses


De la sortie de la guerre à 1998, la reconduction régulière de la convention s’est accompagnée d’améliorations continues des conditions de travail (en particulier le passage de la semaine de travail de plus de 50 heures à 40 heures, et d’une semaine de vacances à 5 semaines pour toutes et tous aujourd’hui). Ceci explique en partie que la reconduction répétée de l’article sur le respect de la paix absolue du travail ne posa pas de gros problèmes dans les rangs syndicaux, mais aussi que l’action syndicale fut de plus en plus réduite à la négociation des dirigeants, la base prenant acte des résultats.


La contribution de solidarité


C’est en 73 que fut introduite cette nouveauté, à la demande des syndicats. Une cotisation, actuellement de 5.- par mois est prélevée sur chaque travailleur d’une entreprise conventionnée. Elle est ristournée aux membres des associations syndicales signataires de la convention, accompagnée de bons (previmet) transformables en argent. Un travailleur syndiqué bénéficie ainsi d’avantages financiers, ce qui est un fort argument syndical dans les campagnes de recrutement. L’aspect piège est évidemment que le syndicat se trouve contraint à signer une convention, même si elle ne lui plaît pas, s’il ne veut pas voir ses membres perdre les bénéfices des «avantages aux syndiqués».


Le retournement des années 90


Les renouvellements des années 93 et 98 annoncèrent la fin des illusions et la signature de conventions de régression sociale. En 98, le patronat voulait clairement flexibiliser le temps de travail et soumettre les salariés à sa devise: «travailler quand il y a du travail, prendre congé quand le travail manque, éviter les coûteuses heures supplémentaires». La FTMH, principal syndicat du secteur, avait imaginé pouvoir négocier une baisse substantielle du temps de travail (horaire annuel correspondant à une moyenne de 36 heures par semaine) en contre-partie d’une acceptation de la flexibilité. Le patronat refusa toute concession et la tentative de mobilisation de dernière minute tourna court (la convocation d’une manifestation nationale un samedi à Bienne n’était pas de nature à les impressionner). En fin de compte, après quelques contorsions verbales pour camoufler la réalité, la FTMH fut contrainte de signer une convention qui introduisait l’horaire annuel sans diminution du temps de travail (horaire hebdomadaire moyen de 40 heures).


Depuis 1993, les salaires de la branche ont stagné (à part ceux des cadres!) et les réajustements des salaires au coût de la vie n’étaient plus la règle.


L’arrogance patronale à l’ordre du jour


Le patronat de la métallurgie se sent aujourd’hui très sûr de lui. M. Schneider-Amman, qui dirige la délégation patronale pour le renouvellement de la convention, pavane sans souci. La convention collective lui convient parfaitement, en particulier en ce qui concerne:



  • la paix absolue du travail;

  • le temps de travail annuel flexible;

  • le règlement entreprise par entreprise des salaires et de l’aménagement du temps de travail;

  • les mesures prévues en cas de licenciements.


Il annonce: «des charges financières supplémentaires dues au renouvellement de la CCT sont hors de question», «tout doit être discuté au niveau des entreprises».


Pour asseoir son autorité, le patronat a favorisé l’apparition d’associations d’employés d’entreprise regroupées dans le VSAM, dont les cotisations des adhérents sont symboliques, mais qui bénéficient des avantages aux syndiqués. Le VSAM, qui revendique 20 000 membres, a le soutien des employeurs pour son organisation et le recrutement au niveau de l’entreprise et d’un autre côté participe de plein-pied aux négociations: on peut dire que le patronat se retrouve des deux côtés de la table! L’arrogance patronale a de solides fondements!


Les ambitions syndicales


Dans l’Evénement syndical, Fabienne Blanc-Kühn, responsable de la métallurgie pour la suisse-romande à la FTMH, reconnaît que «les deux dernières conventions collectives ont surtout profité aux patrons, notamment en raison de l’article de crise introduit en 1993 qui permet aux employeurs, sous certaines conditions, de déroger à la convention, mais aussi en raison de la flexibilisation massive du temps de travail autorisé depuis 1998 dans le secteur», mais elle affirme que la cct 2003 sera celle des travailleurs et travailleuses.


La FTMH a élaboré un cahier de revendications qui comprend:



  • la négociation de salaires minimaux régionaux (actuellement il n’y a rien sur les salaires dans la convention);

  • la compensation intégrale du renchérissement négociée au niveau national par le syndicat et le patronat et obligatoire pour toutes les entreprises;

  • la retraite anticipée et davantage de vacances;

  • la réduction de la durée du travail lors de travail en équipes.


Ce n’est pas une reconduction à coût zéro qui est visée là! L’Evénement syndical affirme même que «la convention ne doit plus prévoir la paix absolue du travail. Les salariés doivent pouvoir faire grève lorsque la convention n’est pas respectée par l’employeur».


Ce sont là des revendications importantes et qui ne sont pas hors de portée si les travailleurs-euses sont fortement mobilisés. Les inégalités criantes ont assez duré, mais l’histoire ne prendra un nouveau cours que sous la pression des salarié-es.


Quelle mobilisation?


Les revendications de la FTMH ne s’obtiendront pas par une «négociation à froid». Pour obtenir la retraire à 60 ans, le SIB a engagé tout son appareil et ses militants, nationalement, s’appuyant sur une base qui a une certaine expérience des mobilisations collectives. Est-ce que la FTMH, empêtrée dans la paix absolue du travail, a la volonté d’une telle initiative? Au niveau des entreprises, les délégués syndicaux sont-ils en situation d’engager la bataille? L’enjeu est de taille: il en va du rapport de forces entre les patrons et les salarié-es pour ces prochaines années qui ne seront pas de tout repos. C’est le moment d’agir.


Henri VUILLOMENET