Quelles réponses à la criminalisation de l'asile et de la migration?

Plus de soixante personnes ont participé le 14 février dernier à la table ronde publique « La prison pour terre d’accueil » organisée par le groupe de travail migrations de solidaritéS-Genève. Survol…

Après les introductions d’Aldo Brina, Christophe Tafelmacher et Doris Leuenberger, sur les pratiques et politiques actuelles d’exclusion et de criminalisation, sur la réalité vécue par les requérant·e·s d’asile, ainsi que le non-respect des droits humains et principes de l’Etat de droit, la rencontre a permis d’esquisser des alternatives de résistances solidaires.

Face au contexte international qui pousse des milliers de personnes à quitter leurs pays, les politiques dominantes répondent par la répression, l’incarcération et l’expulsion.

La détention administrative qui s’applique à des personnes déboutées ou sans autorisation de séjour n’ayant commis aucun délit, en est la démonstration. En 2008, la commission des visiteurs du Grand Conseil genevois a demandé la fermeture du centre de Frambois, trouvant «indignes» les conditions de rétention. Récemment, un manifeste exigeant la fermeture de l’établissement a été déposé auprès des Grands Conseils des trois cantons concordataires (NE, VD et GE).

 

Droits humains et Etat de droit bafoués

De plus, les mesures urgentes modifiant la Loi sur l’Asile, adoptées par le parlement, qui ont fait l’objet d’un référendum ayant récemment abouti, vident le droit d’asile de sa substance et ne proposent aucun moyen acceptable d’accélérer les procédures. Elles portent sur la qualité de ré­fu­gié·e par la suppression de la désertion comme motif d’asile, la création de centres de détention spécifiques pour des personnes dites « récalcitrantes », la suppression des procédures d’asile dans les ambassades et donnent carte blanche au Conseil fédéral pour déroger à la loi. D’autres durcissements ont été adoptés en décembre dernier, auxquels se rajoute le projet « Sommaruga/Hollande » qui vise à centraliser les compétences auprès de la Confédération.

La détention de personnes dites « récalcitrantes » ne connaît aucune base légale et ouvre la voie aux décisions arbitraires. De plus, il n’est pas tolérable que ces personnes logent dans des containers, ou soient placées dans des régions isolées. En effet, la politique visant l’isolement des requérant·e·s d’asile empêche les relations sociales et entrave les actions de solidarité.

 

Laboratoire du démantèlement social

Est-il possible de traiter les requérant·e·s encore plus mal ? Prenons l’exemple du Foyer des Tilleuls qui se trouve en bord de piste de l’Aéroport de Cointrin, sur une zone interdite à l’habitation. A quelques mètres d’où logent des centaines de personnes fragilisées, les avions s’apprêtent à décoller, l’odeur de kérosène rend l’air irrespirable et le bruit des avions est assourdissant. De plus, ces bâtiments préfabriqués sont dans un état avancé d’insalubrité. C’est un cas exemplaire de la volonté d’imposer des conditions de vie insupportables et dégradantes aux re­qué­rant·e·s d’asile, afin de les dissuader de demander la protection en Suisse. Aussi, les personnes sans-papiers sont contraintes d’accepter des conditions de vie et de travail incomparables à celles des autres. Enfin, le droit à l’aide d’urgence impose des conditions de stricte survie et pousse les minima sociaux vers le bas.

Ainsi, le droit d’asile est un laboratoire social qui permet de produire une législation d’exception, mettant en péril les droits fondamentaux de proportionnalité et de non-discrimination. Le développement de l’Etat « méfiant » remet en cause la présomption de bonne foi. Les requérant·e·s d’asile ou les personnes prestataires de l’aide sociale doivent constamment justifier du fait qu’ils ne sont pas en train de commettre un « abus ».

Les mesures qui en découlent s’observent dans l’application des assurances sociales où les zones d’arbitraire se multiplient. Qu’en est-il des garanties et des droits de l’individu opposables à l’Etat ? Enfin, les dispositions légales sur les étrangers criminels prévoient pour les personnes n’ayant pas la nationalité suisse, condamnées par un jugement ou ayant perçu abusivement des prestations sociales, d’être automatiquement privées de leur droit de séjour. Il s’agit d’un système d’application automatique qui trahit le principe fondamental de la proportionnalité et de la protection de l’individu face à l’arbitraire.

 

Résistances et alternatives

Il faut développer les contacts entre les mi­grant·e·s et re­qué­rant·e·s d’asile avec la population et la société civile afin de briser l’isolement, de développer les liens sociaux, de lutter contre la désinformation, de renforcer la solidarité et de permettre la résistance. La campagne référendaire en vue du vote du 9 juin est une occasion de réaliser une partie de ces objectifs.

De plus, ces problématiques touchent la société dans son ensemble. Il est donc urgent de repenser la notion de sûreté, qui consiste notamment à protéger l’individu face à l’arbitraire de l’Etat. Qui est en charge de la défense du droit ? Quels principes fondamentaux veut-on défendre ? Qui le droit doit-il protéger ? Solidarité sans frontières a annoncé le lancement d’une initiative populaire pour affirmer de manière radicale et universelle le principe d’égalité et de non-discrimination. D’autres perspectives sont également nécessaires et devront prochainement se développer… 

 

Angèle Bilemjian