L'AVS maintient ses prestations, le 2e plier les divise par 2

La prévoyance vieillesse est certainement l’un des enjeux principaux de la réalité sociale et politique suisse, ce qui explique sans doute pourquoi il tient une place si importante dans les mensonges proférés par la droite et le patronat. Nous revenons ici sur ce discours pour en démontrer le caractère infondé.

Sous le prétexte que «c’est technique, c’est compliqué, les gens n’y comprennent rien», la pensée dominante arrive à faire accepter comme vérité que «ça devient trop cher, les vieux vivent trop longtemps, on ne peut plus payer, il faut travailler plus longtemps et diminuer les retraites».

Sans revenir sur le fait que la quantité de richesses supplémentaires créées en Suisse chaque année augmente plus vite que la durée de vie des retraités et que l’on peut donc payer, il s’agit ici d’insister sur ce paradoxe énorme : la propagande bourgeoise arrive à faire croire que l’AVS est le maillon faible de notre système de prévoyance et que le 2e pilier en est le maillon fort et sûr – alors que l’AVS maintient ses prestations et que le 2e pilier les divise par 2 !

En 1997, le Conseil Fédéral avertissait que les dépenses de l’AVS dépassaient les recettes et qu’à ce rythme les réserves (l’équivalent d’un an de rentes) seraient épuisées en 2010. Ces prédictions pessimistes ont été démenties par une somme des excédents égale à 14,9 milliards entre 1998 et 2011, et à des réserves égales à plus de 40 milliards, plus d’une année de dépenses.

Cette volonté de créer de l’angoisse quand à l’avenir de l’AVS se répète en 2000, quand le Conseil Fédéral propose la 11e révision de l’AVS, visant à diminuer les prestations avec en particulier le passage de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, révision refusée par 68 % des votants en 2004.

Le repaire d’universitaires néo-libéraux de Saint-Gall s’y met aussi : «AVS: déficit de plus de 100 milliards d’ici 2030» selon l’Institut d’économie des assurances de l’Université de St-Gall qui publie une étude alarmiste sur l’évolution de la prévoyance vieillesse. La malhonnêteté intellectuelle atteint des sommets : le titre n’attribue des problèmes qu’à l’AVS?; le contenu invoque l’injustice dont souffrent les jeunes qui payent pour les vieux, donc un système de répartition qui ne concerne que l’AVS?; mais ces 100 milliards concernent pour moitié l’AVS, et pour l’autre moitié le 2e pilier. Comme c’est ce dernier qui doit être politiquement favorisé, falsifions titres et contenus ! Il y a de quoi douter de la crédibilité de cette étude.

 

Capital sécurité!

Si la bourgeoisie veut que le peuple craigne pour l’avenir de l’AVS, rien de tel pour le 2e pilier. Des mesures sont prises petit à petit, qui ont l’air techniques (le taux de rendement, le taux de conversion, la réserve pour fluctuations, le taux technique), mais jamais un cri d’alarme sur son avenir n’est lancé. Et la raison en est simple : pour les défenseurs du capitalisme, comment l’existence d’un capital pourrait ne pas être rassurante ? Ne pas être l’image même de la sécurité ? Indépendamment de son aspect idéologique, la capitalisation offre des avantages concrets pour la bourgeoisie : c’est l’individualisation de la prévoyance vieillesse, chacun pour soi accumule un bas de laine, c’est le contenu de ce bas de laine qui déterminera le niveau de la retraite. Ainsi finie la primauté des prestations qui garantit une certaine continuité de revenus à la retraite, finies les possibilités de solidarité dans le financement des retraites, finie une certaine garantie d’indexation des rentes.

On trouve peu d’exemples où la domination idéologique de la bourgeoisie est à ce point puissante : «Il faut avoir des inquiétudes pour l’AVS, c’est la maillon faible, heureusement le 2e pilier est là». Or la réalité montre exactement le contraire : depuis sa création en 1948, l’AVS assure des prestations qui se sont plutôt améliorées. Les tentatives de les diminuer ont en majorité échoué, sans créer de désastre.

Par contre, le maillon fort évoqué par la bourgeoisie est une véritable peau de chagrin : les différentes mesures prises depuis 2003 auront pour effet de diviser quasiment par 2, en 2028, la retraite promise à un travailleur qui avait alors 40 ans. En d’autres termes le système qui maintient les prestations serait le maillon faible, celui qui les divise par 2 mériterait notre confiance !

 

Notre réponse: fusion AVS – 2e pilier

Notre réponse face à ce constat est claire et simple : il faut fusionner l’AVS et le 2e pilier dans un système de répartition avec fonds de réserve, comme l’a décidé le congrès de solidaritéS du 2 mars 2013. Le projet garantirait :

 

Une rente vieillesse ou invalidité égale à 80 % du dernier revenu , avec pour chaque ha­bi­tant·e un minimum de 3500 francs mensuels et un maximum de 3 fois ce montant, compte tenu des années de cotisation, du taux moyen d’activité, des compensations pour les tâches d’éducation et des accords internationaux.

Une indexation annuelle de ces rentes à l’évolution du coût de la vie.

Un financement assuré aux deux tiers par l’employeur et un tiers par l’employé, et par l’Etat pour les personnes sans emploi.

Le maintien intégral des prestations statutaires acquises actuellement par les employé·e·s.

Une gestion souple et démocratique qui maintient les institutions de prévoyance sans but lucratif actuelles et les droits des employé·e·s dans cette gestion.

 

Un tel projet doit être largement discuté au sein de toutes les forces progressistes pour arriver à un large front qui déposera une initiative sur ce contenu.

 

Michel Ducommun