Suppression du servie militaire obligatoire

Suppression du servie militaire obligatoire : Se libérer du carcan de la défense nationale

« Affaiblir la Suisse ? Non à l’initiative contre la sécurité » : derrière l’agitation de la droite national-conservatrice et de la Société Suisse des Officiers contre l’initiative du GSsA pour supprimer le service militaire obligatoire, il y a une armée qui prévoit son avenir dans la « sécurité intérieure ». Basée sur une conscription de plus en plus sélective, l’armée actuelle est un instrument tout aussi dangereux qu’une armée de volontaires ou de professionnels mais qui, à tort, bénéficie d’une légitimité supplémentaire.

Dans son discours du Premier août, le président UDC de la Confédération Ueli Maurer a clairement rappelé la vision de la Suisse de cette droite nationaliste : nous sommes, comme le petit David, entourés par le grand méchant Goliath. Nous devons nous unir pour défendre notre petit îlot de bien-être face aux convoitises des autres, proches et lointains, qui envient notre bonheur et nos richesses. L’armée de conscription, avec des effectifs quatre à cinq fois plus nombreux que ceux des armées des pays européens de taille comparable, est le corollaire indispensable à cette vision de la Suisse et du monde qui n’a pas changé d’un iota, ni depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ni après la fin de la Guerre froide. Une armée «forte et crédible», «ciment de la nation», serait nécessaire pour défendre le territoire national face à des menaces pouvant se concrétiser à tout moment.

 

Ueli le grand réformateur

Voilà qui peut rassurer la partie plus conservatrice et traditionnaliste de la population. Mais le même Ueli Maurer sait bien que l’enjeu principal est celui d’une mise à jour de l’instrument militaire pour qu’il continue de remplir son rôle sécuritaire à l’intérieur. «Les prochains conflits ne seront plus des combats de forteresse, d’artillerie ou de chars» affirmait-il dans une interview dans Le Temps du 24 août, «Il faudra développer le nouvel équipement en fonction des menaces les plus réalistes» et d’évoquer «la cyberdéfense, les armes sans présence humaine, l’emploi des drones». Dans les projets du Conseil fédéral pour une armée de 80 000 hommes (chiffre revu à la hausse par le parlement à 100 000) seuls 22 000 hommes sont prévus pour la défense militaire, 35 000 le sont pour des engagements subsidiaires à l’intérieur, 1000 pour des engagements à l’étranger et 22 000 pour des «prestations de base» pour ces trois domaines.

 

Une mutation dangereuse

Pour réussir cette mutation vers une armée de sécurité intérieure, l’armée a besoin de la légitimation que lui donne sa prétendue fonction de « défense nationale » et donc elle se doit de maintenir le service militaire obligatoire, qui correspond historiquement à cette fonction. La mutation sera d’autant plus aisée que la conscription est appliquée de manière de plus en plus partielle.

Les jeunes les plus critiques envers l’institution militaire ou issus des couches aisées et urbaines ne servent plus dans l’armée. La sélection commence déjà au moment du recrutement où près de 40 % des conscrits sont déclarés inaptes (environ 50 % au Jura, à Genève et à Zurich, contre 25 à 20 % pour les cantons de la Suisse « primitive »). Ensuite, parmi les « aptes » entre 10 % et 15 % choisissent le service civil. Le OUI à la suppression de l’obligation de servir permettrait une discussion sur la politique de sécurité au sens large (sociale, environnementale) libérée du carcan de la prétendue « défense nationale ».

 

Tobia Schnebli