Shutdown Étatsunien

Shutdown Étatsunien : De quoi s'agit-il?

Quel gâchis ! Le gouvernement des USA a fermé pendant 16 jours en octobre à cause de l’incapacité du Congrès d’adopter un budget?; ceci a eu pour effet le chômage technique de 800 000 em-ployé·e·s de l’administration fédérale, un délai de payement pour encore 1,3 million et des réductions de services et de programmes, affectant les entreprises, les sa-la-rié·e·s, des millions de personnes allant des enfants en âge préscolaire aux personnes âgées.

Si le secteur militaire a été épargné, des organisations comme les Centres de contrôle et de prévention contre la maladie (Centres for disease control) et l’Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires (FDA – Food and Drug Administration) ont effectué uniquement les tâches les plus essentielles. Les entreprises travaillant pour l’Etat fédéral ont également dû arrêter le travail et n’ont pas pu être payées. Même des ci­toyen·ne·s d’autres pays ont été affectés. Les  tra­vail­leurs·euses migrants n’ont pas pu être enregistrés et les em­ployeurs·euses n’ont pas pu vérifier le statut d’immigration de leurs em­ployé·e·s, comme la loi l’exige. Selon Standard and Poor’s, le shutdown a coûté à l’économie américaine 24 milliards de dollars.

 

Le Tea Party aux commandes ?

Le shutdown peut être attribué au Tea Party, parti ultra-conservateur, apparu sur la scène nationale en 2009, lorsqu’il fait ses premières manifestations contre les mesures de relance économique de Barack Obama. A la fin de 2009 et au début de 2010, furieux contre la loi sur les soins abordables – aujourd’hui communément appelée Obamacare – les groupes du Tea Party manifestent lors d’assemblées publiques à travers le pays. Ils définissent l’Obamacare de « socialiste », bien qu’il s’agisse d’une réforme capitaliste imposant à l’ensemble des ci­toyen·ne·s de souscrire une police d’assurance maladie. Malgré les manifestations du Tea Party, l’Obama­care est passée, mais le Tea Party a promis de se battre pour la faire annuler.

Le Tea Party est une vaste coalition informelle regroupant une variété de groupements de droite, des libertariens qui veulent peu ou pas de gouvernement aux évangélistes qui promeuvent des valeurs chrétiennes pour guider le pays. Il est financé par des capitalistes fabuleusement riches, comme les frères Koch, et dirigé politiquement par des think tanks conservateurs telle que la Heritage Foundation. La base sociale du Tea Party est composée néanmoins essentiellement  par une classe moyenne et ouvrière blanche, principalement suburbaine (deux tiers des Etatsu­nien·ne·s vivent en banlieue). 

Les organisation du Tea Party s’opposent généralement au President Obama qu’ils voient comme un dangereux socialiste. Ils sont favorable au système capitaliste et soutiennent les petites entreprises. Ils veulent un budget équilibré et s’opposent au déficit budgétaire de type keynésien. Ils entendent démanteler l’Etat social, sont hostiles aux syndicats des tra­vail­leurs·euses, s’opposent à l’« affirmative action » en faveur des minorités raciales et sont contre la réforme des politiques migratoires. Ils soutiennent le droit de posséder et de porter des armes. Alors que le Tea Party ne doit pas être confondu avec des groupements d’extrême droite comme le Ku Klux Klan ou l’Aryan Nation, entre autre groupes qui propagent la haine, ils offrent à ces derniers un milieu dans lequel ils peuvent quelque fois faire de la propagande et recruter des membres.

 

Les Républicains pris en otage

Selon le Tea Party, George W. Bush et d’autres administrations républicaines ont échoué parce que les républicains au Congrès se sont assimilés à l’élite libérale de Washington. Si seulement de vrais conservateurs étaient au pouvoir, affirment-ils, tout serait différent. Ainsi dans les élections de mi-mandats, ils ont adopté la stratégie de présenter des can­didat·e·s ultra-conservateurs contre des can­di­dat·e·s républicains modérés voire conservateurs. En 2010, le Tea Party a remporté des victoires dans des douzaines de districts lors des élections au Congrès et a formé un caucus aujourd’hui constitué de 47 membres sur 435 dé­puté·e·s et de 6 membres sur les 100 que comporte le Sénat.

Le succès du Tea Party lors des élections de 2010 et de 2012 a semé la terreur au cœur des Républicains traditionnels qui ont craint d’être pris pour cible par des organisations comme la Heritage Action, bras législatif de la Heritage Foundation. En vertu d’une récente décision de la Cour suprême, « Citizens United », le gouvernement ne peut pas limiter les dons politiques de corporations, de syndicats ou d’associations, ce qui signifie que des millions de dollars peuvent être dépensés par les riches pour vaincre les républicains jugés insuffisamment conservateurs

En conséquence, la majorité du Parti républicain à la Chambre des représentants a accédé aux demandes du Tea Party de refuser de financer le gouvernement fédéral afin de forcer le Congrès à annuler l’Obamacare. La Chambre a également buté sur le relèvement du plafond de la dette qui doit expiré le 17 octobre. C’est la loi qui permet au Congrès de réellement payer pour les programmes pour lesquels il a déjà ouvert des crédits.

Le Trésor étatsunien, les principales banques financières, et des chefs d’Etat étrangers ont avertis les républicains que ne pas relever le plafond de la dette pourrait conduire à une crise comparable à celle de 2008.

Alors que le shutdown se poursuivait, le Parti républicain a commencé à chuter dans les sondages d’opinion?; à la fin du shutdown seulement 24 % d’étatsu­niens·ne·s approuvaient le Parti républicain et 21 % le Tea Party. Si la plupart des membres du Tea Party n’étaient pas concernés parce qu’ils provenaient de sûrs districts ultra-conservateurs, la grande majorité des dé­puté·e·s du Parti républicain ont commencé à craindre qu’ils pouvaient être confrontés à un sort bien pire que celui de se trouver sur la liste noire du Tea Party. Pour gagner les Républicains, les Démocrates ont accepté de négocier sur des réductions sur certains programmes sociaux étatsuniens et d’arriver à un accord d’ici le 16 décembre.

Les perdants de ce fiasco politique sont clairement le Tea Party et plus encore le Parti républicain. Les grands gagnants de ce bras de fer sont Barack Obama et les démocrates. En septembre, Obama était dans une situation fragile, particulièrement due à son incapacité à prendre des mesures contre la Syrie, même après qu’elle ait franchi sa « ligne rouge » en utilisant des armes chimiques contre sa propre population. Le Parti démocrate était divisé?; les progressistes critiquaient l’incapacité d’Obama de prendre des positions plus fortes en matière d’environnement, son manque de soutien aux réformes sur l’immigration, et son indifférence aux syndicats. Aujourd’hui Obama est le héros de l’heure, pour s’être dressé contre les républicains. Le Parti démocrate est à nouveau uni derrière son leader et en bonne position pour les élections de mi-mandat en novembre 2014. La force du Parti démocrate consolide son pouvoir, mais sa victoire sur les Républicains et le Tea Party peut aussi créer quelques espaces pour les mouvements sociaux et ouvriers.

 

Dan La Botz

Enseignant, écrivain et militant, membre de Solidarity (solidarity-us.org)?; éditeur de « Mexican Labor News » (ueinternational.org/MLNA), ainsi que co-éditeur de « New Politics » (newpol.org).

 

Article écrit pour « solidaritéS » et traduit par notre rédaction